Audrey, 19 ans, serveuse
Malgré son jeune âge, 19 ans depuis le 19 août, Audrey prend avec bon sens
les rênes de son existence. Etre bachelière est une chose, s'engager ensuite dans la
voie des études sans être convaincue par celle-ci en est une autre. Cette blondinette a
donc opté pour une solution intermédiaire, qui n'est pas sans dévoiler une bonne dose
de caractère.
En début d'année, notre lycéenne décide de gagner de l'argent tout en poursuivant sa
terminale. Son oncle - seul lien pour elle avec le milieu de la restauration : il est
barman à la Tour de Monthléry, à Paris - à qui elle se confie, lui suggère alors de
frapper chez Hippo.
Hippo ? Connaît pour être passée devant. Rien de plus. Audrey avoue en effet n'être
jamais entrée dans un établissement de la chaîne auparavant. C'est à la recherche d'un
job adapté à son rythme scolaire qu'elle découvre le cadre rouge, noir, de bois et de
plantes vertes de l'enseigne, son thème spécifique autour de la viande.
Mi-avril, la voici embauchée à temps partiel. En juin, le mois sera entièrement
consacré au bac. En juillet, diplôme en poche, elle reprend du service mais cette fois
à temps complet. En août, celle-ci s'accorde quelques jours de vacances mérités avant
d'attaquer la rentrée. Septembre à temps complet, octobre à temps partiel en fonction
des horaires de cours.
Mais la miss Dejean s'aperçoit rapidement qu'elle n'est pas faite pour la fac choisie.
Elle se rend compte, comme beaucoup d'autres jeunes, qu'il lui faut un peu plus de délai
pour trouver la filière qui lui convienne, pour embrasser de front une carrière. Le
besoin de "mûrir", admet-elle. Le jour où nous la rencontrons, petit scoop en
direct à l'Hippo des Halles, l'étudiante se donne un an pour réfléchir. Une année
sabbatique en somme, au terme de laquelle elle posera les vrais jalons de sa destinée
professionnelle. D'ici là, ses ambitions : devenir "hôtesse confirmée" (c'est
le terme utilisé chez Hippo pour désigner une serveuse qualifiée). Et si possible, à
l'Hippo des Halles.
Formation interne
Pas de conclusion hâtive, Hippo n'embauche pas à la demande, ni à la carte. En
revanche, une certaine flexibilité existe et si les postulants et postulantes montrent de
réelles dispositions au métier, un recrutement "modulable" est possible sous
certaines conditions.
Comment cela se passe-t-il ensuite sur le terrain ? Audrey raconte : "D'abord le
leader (la personne en charge de l'établissement) m'a fait faire le tour de la maison.
Après cette prise de contact, il y a un programme de formation interne. On commence par
débarrasser les consoles, refaire le nappage. Après, pendant une matinée, on aide en
cuisine (au froid), afin de voir comment ça fonctionne. Ensuite, on amène les entrées
et les desserts. Mais on n'a pas de rang à ce stade." Cette première étape de
la formation interne se termine par une sorte de quizz permettant de situer le niveau de
connaissance de la nouvelle serveuse.
La seconde étape porte sur les viandes. "On nous montre tous les types de viandes
et on nous explique leur provenance, où elles se trouvent sur l'animal, comment guider le
client quand le choix des cuissons n'est pas vraiment possible, etc." Autre quizz
sur les viandes avant de servir les "planches" en salle (comprenez les grandes
assiettes de viande).
Les "aspirantes hôtesses" vont alors intégrer un rang. Elles deviennent des
"aspirantes hôtesses de suite" et effectuent le service sous l'il d'une
"marraine". Prise de commandes, apprentissage sur Micros, cafés... Le plus
difficile, à ce stade, c'est l'utilisation de l'informatique, la prise de commande sur
Micros. Audrey s'est très vite adaptée au système. A peine deux semaines lui auront
été nécessaires. Le premier rang confié s'étend sur six tables. "Il faut
penser à la ménagère, à changer le cendrier quand il y a trois cigarettes dedans, au
pain quand il n'y en a plus..." Pas si simple quand on est au cur du coup
de feu. Clients pas forcément aimables, apporter un verre de vin ici, un deuxième café
alors que l'addition s'imprime... "Il faut faire attention aux clients, prendre le
temps de leur parler", ajoute Audrey. Un savoir-faire que tout le monde n'a pas
d'emblée. Selon Anne-Marie Jossec, directrice de l'Hippo des Halles, il faut bien un an
avant d'être vraiment rodé au rythme de ce genre. Un sacré rythme. "Mais c'est
une vraie formation que nous leur offrons, une véritable expérience. Si ces jeunes le
veulent, ils peuvent servir quasiment n'importe où ensuite." Quant à Audrey,
elle se demande si au bout de son année de "réflexion" chez Hippo, elle ne va
pas intégrer une école hôtelière. Elle y pense sérieusement. Sourire radieux sur le
visage d'Anne-Marie Jossec.
S. Soubes
L'HÔTELLERIE n° 2587 Supplément Emploi 12 Novembre 1998