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A LA LOUPE

Cafés

n Un marché en pleine mutation

Ces cafés qui boivent la tasse

Le mythe de boire un petit noir accoudé au comptoir ne fait plus partie de la scène quotidienne des Français. Désertés par la clientèle, cafés et bistrots disparaissent comme peau de chagrin. Les professionnels, mais aussi parfois les élus locaux, se battent pour que subsistent encore des troquets à chaque coin de rues.

Véritable symbole national, l'existence des cafés semble être menacée. C'est une idée répandue mais qui se vérifie en chiffres. Au début de notre siècle, c'était plus de 300.000 cafés qui étaient exploités. Désormais, on en dénombre près de 55.000. Ce ne sont plus que 140.000 hôtels, restaurants, bars... qui détiennent une licence IV, alors qu'il y a quelques années, ils étaient encore 210.000. La loi interdit désormais la création de "grandes licences". Seul le transfert de licences sous certaines conditions peut permettre l'ouverture de nouveaux débits de boissons. Pourtant, le marché n'est pas asséché. 90% des Français se rendent au moins une fois par an dans un café, selon une étude commandée par France Boissons.

Des habitudes de consommation qui ont changé

La disparition progressive des cafés en France trouve son explication. L'une des principales causes est l'exode rural mais aussi la modification comportementale des Français. Encore maintenant, l'estaminet du village est le lieu de vie, de rencontre des uns et des autres. Un café de village qui ferme, c'est parfois un village qui se meurt. Pour beaucoup de personnes, on va au café comme on va acheter son journal : pour prendre des nouvelles, mais aussi pour s'épancher sur ses problèmes. C'est un lieu de vie sociale populaire. Dans les zones à forte concentration industrielle, un café situé à proximité d'une usine faisait fortune. Après une journée de travail bien remplie, les ouvriers ne manquaient de la prolonger au bar d'à côté, pour prendre un dernier verre et discuter "entre hommes". C'était aussi le moyen de faire une pause. Désormais, le stress de la vie a pris le pas sur ces habitudes. De plus, le chômage est passé par là et on va toujours au bistro, mais moins souvent qu'avant. L'image des cafés a aussi été ternie par certains lieux insalubres, enfumés et négligés, qu'un manque de moyens ne permettait plus de mettre au goût du jour. Les cafés avaient perdu de leur pouvoir de séduction. Enfin, il ont subi la concurrence indirecte de la télévision et de l'individualisation des Français. Cependant, il est plus compliqué de prouver que les cafés ont sombré à cause de la montée en puissance des restaurants "fast-food". Même si on peut penser que ces derniers leur ont pris quelques points de parts de marché, la clientèle ne fréquente pas ces lieux de manière quotidienne. Elle aime simplement maintenant vagabonder entre différentes formules de petite restauration.

Des endroits convoités

Les cafés bénéficient souvent d'une localisation stratégique. C'est un bien mais c'est aussi un mal. Quand un exploitant souhaite arrêter son activité, ce sont le plus souvent des propositions de reprises émanant d'investisseurs d'autres secteurs qui affluent. Les banques, les commerces de toutes natures ont pendant longtemps lorgné sur ces cafés aux emplacements rêvés. Carrefours, grandes places, grands boulevards étalent des cafés ou des brasseries, qui sont remplacés au fur et à mesure par des agences bancaires. La lente mais progressive baisse d'activité des cafés a permis aux repreneurs de faire des acquisitions de fonds de commerce dans des conditions parfois exceptionnelles. Mais, certains propriétaires de cafés ont envisagé une légère mutation et se sont orientés vers des bars à thèmes. On a alors vu surgir des cybers cafés, des bars de jeux, des bars à vin, à bière, à eaux et les karaokés.

Changer de formules

C'est ainsi que l'emplacement sera à la base de toute réussite dans le secteur. Il faut être dans un lieu de passage. C'est essentiellement une clientèle de flux qui viendra dans un bistrot. Seuls des bars à thèmes pourraient espérer générer du trafic hors zones de circulation. Les cafés les plus à la mode et les plus fréquentés sont ceux qui se situent dans des lieux centraux, près des gares, dans les zones de commerces... Un café a aussi besoin de pouvoir toucher différents types complémentaires de clientèle. Un bistrot, dont l'unique voisin est une usine ou des bureaux, est lié à leur propre activité. Si la chaîne de montage s'arrête, le propriétaire du café sera aussi contraint de descendre le rideau de fer. L'emplacement déterminera aussi les horaires d'ouverture ou de fermeture, en fonction du trafic de clients potentiels dans l'environnement. Il faut aussi savoir évoluer. Si la clientèle semble se désintéresser du troquet, il ne faut pas hésiter à mettre en place de nouvelles formules qui pourront l'attirer à nouveau. D'où l'évolution constatée vers des bars thématiques. Enfin, inutile d'insister, mais il faut être un vrai professionnel.

N'est pas cafetier qui veut

Certaines personnes touchées par le chômage essaient de rebondir et se lancent sans connaître les enjeux d'une affaire ou d'un métier tel que cafetier. "Certains sous prétexte qu'ils savent servir l'apéritif décident de reprendre un café. Il suffirait de mettre madame aux fourneaux et le tour est joué. Mais cela ne suffit généralement pas et ils boivent le bouillon rapidement, car ce ne sont pas des gestionnaires", indique Martine Crohare de la Confédération française des hôteliers restaurateurs, cafetiers et limonadiers. «Il faut faire extrêmement attention. Le cafetier a de nombreuses responsabilités. Un code des débits de boissons non respecté et les fonctionnaires de l'État n'hésitent pas à vous infliger des sanctions très sévères qui peuvent aller jusqu'à la fermeture définitive de l'établissement. L'accueil des mineurs, le moindre désordre, une bagarre... sont très vite arrivés et sont passibles de conséquences judiciaires graves». L'autre point noir décrié par la profession sont les contrats avec les brasseurs. "Ils vous font miroiter des choses merveilleuses mais au bout du compte, c'est votre peau qu'ils veulent", s'écrit le propriétaire d'un café en Lozère. La majeure partie des bistrots signe un contrat avec un brasseur. Ces derniers proposent souvent une large panoplie d'aides aux exploitants-propriétaires : une remise à neuf de l'établissement, une nouvelle devanture, une nouvelle pompe à bière,... ils sont même disposés à prêter de l'argent pour aider à payer certains travaux. "Mais, après la signature du contrat, c'est le coup de massue. Ils imposent des quantités assez importantes de produits à vendre. Et un non respect du contrat peut avoir des conséquences catastrophiques, raconte un propriétaire de café à Lille. Les clauses pénales jouent et les indemnités sont exigibles". La somme à rétribuer peut être égale à 20% du montant des quantités de bière non vendues. Mais, certains cafetiers ne se laissent pas faire. "Quand j'ai repris le café de mes parents, j'ai souhaité refaire quelques achats importants comme de nouveaux stores, une nouvelle machine à laver... J'ai contacté un des brasseurs qui a considéré ma demande comme superflue car il avait déjà changé le store 3 ans auparavant. Devant ce refus, je l'ai prévenu que j'allais le mettre en concurrence. Le deuxième brasseur a dit oui tout de suite. Tant pis pour le premier, il n'avait qu'à réagir plus vite. Ce n'est pas pour autant que j'ai accepté de signer un contrat de quantité. Il faut faire très attention avec ce genre de contrat. Vous dépendez alors d'eux et vous ne disposez plus d'aucune indépendance", explique Florence Grimal du café Le Pascal à Paris.

Des prix d'acquisition très variables

Reprendre un café demande du temps. De nombreuses démarches administratives doivent être faites. Avant tout, il n'est pas nécessaire d'envisager l'ouverture d'un café sans licence. Seule la détention de la licence IV donne droit à l'appellation café. C'est un poste budgétaire important : certaines licences se revendent jusqu'à 250.000 francs. Une déclaration d'ouverture à la mairie accompagnée d'un état civil est à faire au plus tard une quinzaine de jour avant la date de l'inauguration. Il ne faut pas avoir été condamné pour un crime de droit commun, ni à plus d'un mois d'emprisonnement pour vol. Le coût d'acquisition d'un café est très variable. Il représente environ 300 à 400 fois la recette journalière. Mais, tout dépend bien entendu de la situation de l'établissement, de l'état général des locaux, de la vétusté des équipements. Certains débits de boissons peuvent être vendus, sur la Croisette à Cannes, par exemple, jusqu'à 1.000 fois la recette journalière. Si en plus d'un café, est inclus un tabac, PMU... le prix n'en sera que plus majoré. Reprendre un tabac, fait prendre un rôle de simili fonctionnaire de l'état. On suivra donc une formation et l'exploitant devra vendre vignettes, timbres fiscaux,... Son casier judiciaire sera bien évidemment vierge. Même quand on commence dans un nouveau métier, il faut penser à sa retraite. Lors de la signature du bail, si les murs sont la propriété d'un tiers, il est préférable que ledit bail soit "tous commerces". La revente du fonds n'en sera que plus facile.

Les campagnes se vident de leur cafés et certains quartiers des grandes villes sont en train de suivre le même chemin. A la vitesse où va la disparition des licences IV, si la loi ne change pas, il n'y en aura plus d'ici 2010, pensent certains professionnels, sans doute un peu pessimistes. Les communes qui ne veulent pas voir s'évanouir leur unique bar, se battent et cherchent parfois en vain des repreneurs. Ils offrent alors des conditions très avantageuses aux nouveaux exploitants. La désertification des campagnes est un problème auquel le gouvernement cherche à lutter également. Et puis, la disparition du petit café du coin, c'est une petite partie de notre patrimoine qui s'éteint.

M.-L. Estienne

LES FRANÇAIS EXPRIMENT LEUR ATTACHEMENT AU CAFÉ

Une étude réalisée, en décembre 1997, pour France Boissons révèle les grandes tendances dans la relation entre les Français et les cafés.

Ils sont :
* 90% à s'être rendus dans un café dans les 12 derniers mois pour boire, manger, acheter ou utiliser des services de quelque nature que ce soit.
* 87% des Français pensent que le café est un endroit important dans une ville.
* 58% y vont pour communiquer avec les autres et 40 % d'entre eux y donnent régulièrement un rendez-vous.
* 43% se rendent dans un café en semaine à l'heure du déjeuner. Ils ne sont que 10% à y aller pour le petit déjeuner.
* Le café PMU-Tabac-Loto est le café le plus fréquenté par 37% des interviewés. Le café de quartier est plébiscité par 34% d'entre eux.
* 81% pensent que c'est un bon endroit pour faire une pause.
* 74% des hommes s'y sentent bien contre 48% des femmes.
* 49% des Parisiens pensent que le café est un repère d'ivrognes contre 39% des provinciaux.
* 87% des provinciaux pensent que c'est le meilleur moyen d'éviter la mort d'un village et pour 77%, le café n'a plus la place qu'il occupait.
* Et enfin, 71% des Français déclarent que le patron est l'âme de son établissement.

LES TYPES DE LICENCES

Licence I Eaux minérales, jus de fruits ou de légumes
dite licence de boisson sans alcool non fermentés, sirops, chocolats, thé...
Licence II Boissons fermentées non distillées comme le vin,
boissons de deuxième groupe la bière, le cidre, les vins doux
Licence III Liqueurs, apéritifs à base de vins mais n'excédant pas
licence restreinte 18° et boisson de licence IV aux heures
  de repas uniquement
Licence IV Rhum, alcools provenant de la distillation des vins,
dite de plein exercice poirés. Permet de servir de l'alcool
  de 5 heures à 2 heures du matin.

L'HÔTELLERIE n° 2561 Supplément Economie 14 Mai 1998

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