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Fumer dans les CHR nord américains

Au bord de la prohibition

Depuis le 10 avril 1995, il est interdit de fumer dans les salles de restaurant de la ville de New York. Une association de professionnels affirme que cette mesure est à l'origine d'un relatif marasme dans la restauration de la ville. Un débat à observer, pas si éloigné de nos préoccupations.

Scott Wexler directeur général de l'Empire State Restaurant and Tavern Association, la principale organisation professionnelle de restaurateurs et bistrotiers de toutes sortes de l'Etat de New York est formelle : l'interdiction de fumer dans l'enceinte de la ville de New York a perturbé l'économie de la profession. A l'appui de ses dires, une étude réalisée par Dun & Bradstreet à partir de données officielles montre qu'entre le 1er janvier 1993 et le mois de mars 1996, soit un an après la mesure d'interdiction, la restauration de la ville de New York a perdu 2.779 emplois soit une baisse de 4 %. Pendant la même période les comtés des environs situés soit dans l'Etat de New York soit dans le New Jersey (ndlr l'agglomération se poursuit à l'ouest de l'Hudson River dans l'Etat de New Jersey) ont créé 1.937 emplois nets, soit une hausse de 5 %. Mais n'est-ce pas simplement l'effet de la fuite des activités du cœur de la métropole vers la périphérie ? " Non, " répond Scott Wexler, " car dans le même temps l'emploi en général et les activités de distribution en particulier ont progressé dans le centre de la ville ". Avouons que pour avoir observé les affaires de la ville, c'est à dire une restauration apparemment en plein boom, nous avons douté de ces arguments. Il y a bien accroissement du chiffre d'affaires, mais non en proportion de l'accroissement des charges, se plaint le directeur de l'association. Pour faire face, les restaurateurs se seraient donc engagés dans une lutte pour la productivité par siège et par salarié. Et l'interdiction de fumer irait à l'encontre de cet effort.

L'association représente dans la ville de New York uniquement quelque 5.000 affaires sur 15.000 restaurants et tavernes. C'est dans la lutte contre la prohibition du tabac en CHR que les professionnels se sont unis en groupe de pression. " Parce que les anti-tabac étaient organisés, eux ", commente Wexler, professionnel du lobbying à l'américaine.

Les restrictions sont venues progressivement. Ce fut d'abord voici dix ans environ, une mesure de l'Etat de New York obligeant tout restaurateur à fournir une place de non fumeur à tout consommateur qui en ferait la demande. On imagine la difficulté que peut représenter l'application d'une telle obligation. Puis vint la décision de la Ville prise début 1993 avec application au 10 avril 1995. Cette interdiction mérite d'être précisée. C'est dans la salle de restaurant qu'il est interdit de fumer. Il n'est pas demandé de prévoir un espace non fumeur. L'interdiction est supposée être totale. Par contre fumer reste autorisé dans les bars. Mais il y a un hic. La plupart des restaurants de la ville disposent également d'un bar, le plus souvent immédiatement attenant à la salle de restaurant, sans séparation efficace. Résultat, la loi est tournée en permanence, et de deux manières : d'abord comme on peut l'imaginer, la fumée des cigares émis par les consommateurs du bar n'obéit qu'aux lois de la physique. La réglementation précise bien une distance minimale à respecter entre le bar et la première rangée de sièges, mais les volutes franchissent cet espace sans difficulté. Ensuite, les clients fumeurs ont pris l'habitude d'aller manger... au bar, soit disant des snacks et repas léger, en fait de quoi se caler solidement. Cela ne suffit pas selon l'Empire State Restaurant and Tavern Association a stopper le recul des affaires. «Il semble, selon Scott Wexler, que les fumeurs soient de meilleurs consommateurs que les non-fumeurs, qu'ils manquent à l'appel et que le fait de ne pouvoir rester longtemps à table les fasse écourter leurs repas. Au-delà, plaide le lobbyiste, les restaurateurs sont faits pour recevoir leurs clients chaleureusement, pour qu'ils se sentent bien et non pour leur faire subir des interdictions.»

L'association ne se contente pas de ces arguments professionnels. Les restaurateurs savent que face à des impératifs de santé publique ils auront toujours tort. Ils répondent donc de manière très offensive, et en s'engageant à agir fort et loin, non contre l'existence de fumeurs à table, mais pour préserver la santé des non fumeurs. Aux Etats-Unis, les lobbies anti-tabac se battent sur tous les fronts : au niveau fédéral et dans les agences gouvernementales, dans chaque Etat, dans chaque comté, dans chaque agglomération et dans chaque commune. Les résultats sont extrêmement divers. En concertation avec d'autres professionnels d'autres Etats très touchés (dans certaines villes de Californie il y a carrément prohibition même dans les bars), la stratégie des professionnels est de tenter d'agir au plus haut. Si possible à l'échelon fédéral, au minimum à l'échelon de l'Etat comme dans l'Ohio où chaque localité joue sa propre partition avec la fumée.

Un investissement de 10.000 à 50.000 dollars

Les restaurateurs new yorkais souhaiteraient voir l'Union adopter la mesure suivante : obligation de mise en place d'une véritable zone non fumeurs dans les restaurants (ndlr en général plus vastes que chez nous) avec séparation réelle au minimum matérialisée par une glace ; et mise en place d'une véritable ventilation, avec contrôle des flux d'air de manière à éviter le passage de la fumée vers la zone non fumeurs, et pour faire bonne mesure une extraction d'air avec filtration. Au total, un investissement de quelque 10.000 dollars (60.000 F) si la ventilation est limitée à la protection de la zone non fumeurs, et 50.000 dollars (300.000 F) si l'ensemble de l'établissement est concerné.

On imagine la réaction des restaurateurs européens (du moins de la majorité d'entre eux) devant l'exposé de ces mesures. Impossible, trop cher etc... Oui, sans doute. Mais le dossier est loin d'être clos en Europe. D'autres lois plus contraignantes pourraient faire leur apparition. Peut-être serait-il temps, dès à présent d'étudier des contre-mesures efficaces.

Alain Simoneau

asimoneau@lhotellerie-restauration.fr

Au Canada, la guerre

En Amérique du Nord, les luttes d'influence pro et anti-tabac sont à prendre au sérieux. A Vancouver, Canada, province de Colombie britannique, l'interdiction de fumer dans les restaurants est apparue en mai 1996. Les restaurateurs trop peu organisés ont attaqué la décision en justice et ont perdu. Ceux que l'on appelle en Amérique les " antis " en veulent davantage et réclament à présent une interdiction totale dans tous les CHR. A Toronto, Ontario, métropole de quatre millions d'habitants se constitue en juin 1996 une " coalition " de patrons restaurateurs, hôteliers et de syndicats de salariés de la restauration contre la " menace ". La coalition a financé une étude montrant que les fumeurs pèsent 30 % de la population mais 42 % du chiffre d'affaires des CHR. D'après l'étude l'interdiction provoquerait la fermeture de 660 à 915 restaurants de la métropole (sur 6.500 affaires) et menacerait plus ou moins 10 % des emplois. Cela n'empêche pas l'interdiction de fumer en CHR à 100 % d'être votée par le Toronto City Council, le conseil municipal de la ville centre de la métropole avec effet au 1er janvier 1997. A coup de campagnes de presse, la décision est vivement combattue. Les quatre communes de banlieue prennent leur distance et adoptent des réglementations contradictoires. La confusion s'installe. Finalement, fin 1996 le conseil de Toronto amende son projet, crée des zones fumeurs dans 25 % de l'espace des CHR et repousse l'application au 3 mars dernier. L'application effective de cette réglementation (qui reste différente dans les autres communes de la métropole) mériterait pour le moins une étude dans les mois à venir.

Au bar d'un restaurant à New York : smoking /no smoking, cela devient une question.



L'HÔTELLERIE n° 2536 Hebdo 20 novembre 1997

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