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Edito

Couleur menthe à l'eau

Alors que pour la énième fois, les pouvoirs publics lancent une campagne pour inciter les professionnels à faire preuve du sens de l'accueil, la tâche à accomplir reste immense. D'abord parce qu'une telle opération ne devrait pas exister dans notre beau pays habité, chacun l'a constaté, par un peuple aimable, cultivé, accueillant, sensible aux préoccupations d'autrui. Mais il est facile d'ironiser alors que la situation ne semble pas s'améliorer, malgré les efforts entrepris, pour mettre la France en accord avec l'image qu'on veut lui donner. Les anecdotes ravageuses se multiplient dans les médias étrangers sur l'inefficacité de nos policiers, la propension des taxis à rallonger leur parcours, le sourire des employés de la RATP, sans oublier la délicatesse du service à bord des avions d'Air Inter, les portes closes des Offices de Tourisme aux heures des repas (en France c'est bien connu, on ne travaille pas aux «heures des repas» , sacro saintes chez nous), sans oublier le multilinguisme accompli des gardiens du Louvre ou de Beaubourg. Toutes ces critiques au demeurant parfois exagérées épargneraient les professionnels de l'hôtellerie et de la restauration ? Comme partout ailleurs, il suffit, d'un incident pour stigmatiser l'ensemble d'un métier. Mais les incidents, malheureusement, existent aussi. Juste une petite anecdote : la semaine dernière dans un café de la rue Mouffetard, haut lieu du tourisme de masse où se mêlent dans une aimable pagaille japonais pressés et ménagères remplissant leur chariot. Deux personnes s'installent à la terrasse d'un café (sur une étroite bande de trottoir en fait) et l'une d'entre elles commande une menthe à l'eau. Lorsque le serveur revient, il apporte...un Vittel menthe. La remarque formulée dans un français impeccable par l'intéressée (professeur de lettres habitant dans le quartier depuis 20 ans), selon laquelle elle avait demandé une menthe à l'eau et non un Vittel, et qu'elle l'aurait exprimé clairement si elle l'avait souhaité, le serveur, péremptoire, eut cette réplique magnifique : «Madame, il nous est interdit de servir de l'eau du robinet avec une boisson sans alcool...» La cliente ayant osé demandé qui avait formulé une telle interdiction, on lui répondit froidement : «Le syndicat...». Voilà une anecdote qui mérite réflexion. Un professionnel admet, sciemment ou à son insu, des pratiques manifestement déloyales, et lorsqu'un consommateur exprime son souhait de ne pas passer pour un pigeon disposé à se laisser plumer, on transfère la responsabilité sur autrui, en l'occurrence le syndicat !

Espérons que les clients auront mieux à faire que d'aller raconter leur petite mésaventure aux services compétents. Mais soyez bien persuadés, chers professionnels, que ce genre de pratiques, aussi vénielles fussent-elles à vos yeux, sont rédhibitoires pour votre image, pas vraiment couleur menthe à l'eau.

L. H.



L'HÔTELLERIE n° 2519 Hebdo 17 juillet 1997

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