Du côté des prud'hommes
Afin de faire valoir leurs droits, employeurs comme salariés peuvent saisir le conseil de prud'hommes. Toutefois, en raison de la procédure spécifique à effectuer au conseil de prud'hommes, organisée en une phase de conciliation puis de jugement, ces parties sont souvent amenées à patienter de longs mois avant d'obtenir un jugement. Elles peuvent alors être tentées de saisir une formation spécifique du conseil de prud'hommes : la formation de référé.
La formation de référé est présente dans tous
les conseils de prud'hommes, celle-ci offre en effet l'avantage de rendre très rapidement
sa décision. Encore faut-il connaître néanmoins les litiges pouvant relever de sa
compétence avant de s'engager dans une procédure particulière.
Les domaines d'intervention de la formation de référé sont strictement limités. Ils
sont au nombre de 3.
1. Prendre les mesures d'urgence
La formation de référé peut, dans les cas d'urgence, ordonner toutes les mesures qui ne
se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Ainsi, la formation de référé peut-elle être compétente pour ordonner à un employeur
le paiement de rémunérations non réglées à un salarié.
Mais encore faut-il que ce salarié puisse établir et de l'existence d'un contrat de
travail entre les parties et du montant des rémunérations réclamées qui ne lui ont pas
été versées. Pour ce faire, il pourra produire : le contrat de travail signé entre les
parties, les bulletins de paie remis par l'employeur et non honorés par ce dernier. Quant
à l'employeur, à défaut de justifier du paiement de ces salaires, il s'expose en effet
à une condamnation.
Dans le même sens, la formation de référé peut être compétente pour ordonner à un
salarié la remise d'un certificat de travail ou d'une attestation pour l'Assedic.
Mais ici aussi, le salarié doit établir de façon incontestable sa date d'entrée et de
sortie ainsi que la nature et la nature de la rupture : démission ou licenciement ?
Autrement dit, dès lors que l'employeur, de par les pièces qu'il produit, est en mesure
d'opposer une contestation sérieuse à l'argumentation développée par le salarié, la
formation de référé ne peut faire droit à la demande de ce dernier. La formation de
référé n'est pas, en effet, autorisée à trancher le fond du litige.
Par exemple, la formation de référé ne peut ordonner le paiement à un salarié d'une
rémunération alors qu'il existe une contestation sérieuse de l'employeur quant à son
montant.
Dans une affaire, un salarié réclamait le paiement d'un rappel de salaire au motif que
la rémunération convenue entre les parties était de 25 000 F nets et non bruts. Il
produisait pour ce faire le contrat de travail qu'il avait signé.
L'employeur, en revanche, contestait devoir ce rappel de salaire. Pour lui, la
rémunération convenue était une rémunération brute. Pour preuve, il avait remis à la
fin de chaque mois au salarié des bulletins de paie faisant état de cette même
rémunération pour un montant brut et le salarié n'avait jamais émis de contestation.
En outre, le prédécesseur du salarié, plus expérimenté, était payé au même salaire
de 25 000 F bruts. Quant au contrat de travail dont se prévalait le salarié, il n'était
pas signé du côté employeur. Dans ces conditions et eu égard à la contestation
sérieuse émise par l'employeur, la formation de référé ne pouvait accueillir la
demande du salarié et lui accorder le rappel de salaire demandé.
Autant dire que pour aboutir, la demande présentée ne doit pas pouvoir être
sérieusement contestée. Elle doit relever de la quasi-évidence.
2. Faire cesser un trouble
La formation de référé peut prescrire les mesures conservatoires ou de remises en état
qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble
manifestement illicite et ce même en présence d'une contestation sérieuse.
A ce titre, le conseil de prud'hommes est compétent pour ordonner à un employeur la
réintégration d'un salarié protégé (représentant du personnel, candidat aux
élections des représentants du personnel, conseiller aux prud'hommes...) qui ne peut
être licencié en l'absence d'autorisation de l'inspection du Travail.
Ainsi dans une affaire, la formation de référé a pu ordonner la réintégration d'un
salarié licencié pour faute grave, alors que ce dernier avait, quelques jours avant
l'engagement de la procédure de licenciement, sollicité de son employeur qu'il organise
des élections de délégués du personnel et présenté sa propre candidature.
La formation de référé a considéré, qu'à défaut de respecter la procédure
spéciale de licenciement du salarié protégé, le licenciement de ce dernier était nul.
Il y avait un trouble manifestement illicite qu'il lui appartenait de faire cesser en
ordonnant la réintégration du salarié.
Les arguments développés par l'employeur consistaient à refuser au salarié le
bénéfice de la protection accordée aux candidats aux élections en prétextant que
cette candidature était prématurée, furent ici sans effet, même s'ils pouvaient
constituer une contestation sérieuse : la jurisprudence n'a-t-elle pas été longtemps
indécise sur cette question ? En effet, la formation de référé est, dans l'hypothèse
d'un trouble manifestement illicite, autorisée à se prononcer même en présence d'une
contestation sérieuse.
Mais si de telles mesures peuvent être prescrites par la formation de référé, même en
présence d'une contestation sérieuse, force est cependant de rappeler que la formation
de référé ne peut connaître du fond du litige et que les pouvoirs de cette formation
ne peuvent encore moins excéder les pouvoirs des juges du fond eux-mêmes, c'est-à-dire
du Bureau de Jugement.
Par exemple, la formation de référé ne peut pas ordonner à l'employeur la
réintégration d'un salarié licencié abusivement pour motif économique. En effet,
l'article L 122-14-4 du Code du travail, qui organise les sanctions en cas de licenciement
sans cause réelle ni sérieuse, ne prévoit la réintégration du salarié que si ce
licenciement est jugé abusif et en l'absence de toute opposition de l'une ou l'autre des
parties.
Autrement dit, pour ordonner une telle réintégration, la formation de référé devrait
d'abord trancher le fond du litige, ce qui excède ses compétences et, au surplus,
imposer une mesure de réintégration que le Bureau de Jugement du conseil de prud'hommes
ne peut lui-même que proposer, ce qui excède le pouvoir du juge du fond lui-même.
La formation de référé ne peut donc prendre une mesure destinée à prévenir un
dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite, que si la solution
juridique est connue et qu'elle ne nécessite pas l'examen du fond du litige.
3. Accorder une provision
La formation de référé peut accorder une provision aux créanciers ou ordonner
l'exécution d'une obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire dans le cas où
l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Ainsi, le conseil de prud'hommes peut ordonner une provision sur l'indemnité de
licenciement à un salarié licencié alors même que le licenciement prononcé n'est ni
un licenciement pour faute grave, ni un licenciement pour faute lourde, et que le salarié
justifie d'une ancienneté de 2 ans, prévue par l'article L 122-9 du Code du travail.
Dans une telle hypothèse, il est incontestable que le salarié peut prétendre à une
telle indemnité.
En accordant cette provision, la formation de référé prend en fait une décision ayant
pour objet de donner immédiatement ce qui au minimum sera accordé par le juge du fond,
c'est-à-dire en Bureau de Jugement.
Cependant, la formation de référé ne peut là encore prendre de décision qui
nécessite un examen de fond du dossier. Elle ne peut pas, par exemple, ordonner à un
employeur de payer au salarié licencié pour faute grave une indemnité compensatrice de
préavis alors que les faits qui figurent dans la lettre de licenciement peuvent
constituer une faute grave.
Une telle ordonnance supposerait que la formation de référé apprécie si les faits
reprochés au salarié constituent ou non une faute grave. Or, elle n'en a pas les
pouvoirs.
La formation de référé peut également ordonner une obligation de faire à la charge de
l'une ou l'autre des parties.
La formation de référé peut ainsi ordonner à un employeur de porter sur le bulletin de
paie du salarié l'emploi de celui-ci lorsqu'il n'y figure pas : il s'agit d'une
obligation (article R 143-12 du Code du travail).
Elle peut également ordonner à une entreprise d'accorder à un salarié 2 jours de
congé supplémentaires si celui-ci n'a été autorisé à prendre que 10 jours de congé
continus au lieu des 12 devant lui être attribués pendant la période du 1er mai au 31
octobre. Il s'agit, là encore, d'une obligation (article L 223-8 du Code du travail).
La formation de référé peut aussi ordonner à un salarié de mettre fin à la
concurrence qu'il exerce à l'égard de son employeur en violation d'une clause de
non-concurrence qui lui interdit de collaborer ou de s'intéresser directement ou
indirectement à une entreprise ayant le même objet social, alors que les 2 entreprises
ont des activités concurrentes.
Mais, là encore, il faut que l'obligation de faire en cause ne se heurte à aucune
contestation sérieuse de la part de la partie défenderesse.
Ainsi, une formation de référé ne peut imposer à un employeur d'accomplir une
procédure de licenciement. Pour ce faire, la formation devrait trancher le fond du litige
en constatant la rupture du contrat de travail, en qualifiant cette rupture de
licenciement et en jugeant ce licenciement abusif. Une telle décision excéderait les
pouvoirs de la formation de référé.
En fait, les pouvoirs de la formation de référé s'organisent autour de 2 axes :
Hormis les cas où l'intervention de la formation de référé vise à faire cesser un trouble manifestement illicite (ou à prévenir un dommage imminent et évident), la formation de référé ne peut se prononcer qu'en cas d'urgence, c'est-à-dire lorsque la demande du salarié doit être examinée dans un bref délai.
Hormis le cas où il s'agit de prescrire des mesures conservatoires particulièrement
urgentes, la demande présentée devant la formation de référé ne doit pas impliquer
que le fond du litige soit examiné. Seul le Bureau de Jugement du conseil de prud'hommes
est compétent pour trancher une question de fond.
C'est, bien évidemment, à la formation de référé d'apprécier elle-même s'il y a
évidence, c'est-à-dire contestation sérieuse ou non en l'espèce et s'il y a ou non
urgence à trancher le litige.
Autrement dit, un certain nombre de litiges ne relèvent pas par nature de la compétence
de la formation de référé. Il s'agit des litiges liés à :
w l'existence d'un contrat de travail,
w la qualification du salarié ou son statut,
w la qualification de la rupture (démission, licenciement
ou constat),
w le motif réel et sérieux du licenciement,
w la gravité de la faute grave ou lourde justifiant un
licenciement,
w la validité d'une sanction,
w le droit de modifier le contrat de travail,
w l'existence d'heures supplémentaires...
La procédure devant la formation de référé se déroule comme devant le Bureau de Jugement du conseil de prud'hommes sous réserve de quelques particularités qui méritent d'être examinées.
Comment saisir la formation de référé ?
La formation de référé peut être saisie normalement, c'est-à-dire par la remise par
le demandeur d'une demande de convocation au greffe du conseil de prud'hommes sur un
formulaire préétabli.
Mais compte tenu de l'urgence de cette procédure, la demande en référé peut également
intervenir par acte d'huissier de justice. Il s'agit, pour le demandeur, d'en saisir un
afin que celui-ci assigne le défendeur à comparaître à une prochaine audience de
référé. Dans ce cas, le demandeur se renseigne préalablement auprès du greffe sur la
date de l'audience et il reporte ces informations concernant l'audience choisie sur
l'assignation. Celle-ci vaut convocation. Elle doit, bien évidemment, comprendre un
certain nombre de mentions dont notamment les chefs de demande présentés ainsi qu'un
résumé de l'argumentaire développé à l'appui de ces derniers. Une copie de
l'assignation est alors transmise par le demandeur au greffe du conseil de prud'hommes au
plus tard la veille de l'audience.
Il est à noter que le caractère d'urgence ne dispense pas les parties de respecter le
principe du contradictoire, c'est-à-dire les parties doivent, dans l'attente de
l'audience, s'échanger leurs pièces et leurs moyens de droit.
La formation de référé doit aussi s'assurer qu'il s'est écoulé un délai suffisant
entre l'assignation par huissier et l'audience pour que le défendeur puisse préparer sa
défense.
Ainsi, une cour d'appel n'a-t-elle eu aucune difficulté à infirmer (c'est-à-dire à
annuler) une décision de la formation de référé rendue un lundi, alors que
l'assignation avait été délivrée au défendeur le vendredi après-midi précédent et
que celui-ci se trouvait en congé.
Il est à noter, également, que la formation peut-être saisie même lorsque l'affaire
est déjà engagée au fond par la saisine du Bureau de Conciliation du conseil de
prud'hommes et même dans l'attente que le Bureau de Jugement ne tranche le fond du
litige. En effet, les 2 actions, au fond et en référé, sont indépendantes.
Comment se déroule l'audience de référé ?
A l'occasion de l'audience de référé, le conseil de prud'hommes siège en formation
réduite à l'instar du Bureau de Conciliation : un conseiller employeur et un conseiller
salarié, l'un étant le président d'audience. Pour autant sa voix n'a pas davantage
d'importance. Il est "seulement" chargé d'organiser les débats. Ceux-ci sont
oraux. Ils se déroulent à l'occasion d'une audience publique. Les parties peuvent se
faire assister ou se faire représenter dans les mêmes conditions que devant le Bureau de
Conciliation ou devant le Bureau de Jugement.
Après avoir entendu les plaidoiries des parties, la formation de référé doit se
retirer afin de délibérer. Cette étape intervient en principe le jour même de
l'audience, immédiatement après les débats.
La formation de référé peut, éventuellement, se déclarer en partage de voix, les 2
juges ne parvenant pas à se mettre d'accord sur la décision à rendre. Dans une telle
hypothèse, l'affaire est renvoyée à une audience ultérieure de la même formation de
référé, cette fois présidée par un juge départiteur. Cette audience doit être tenue
dans les 15 jours.
Les compétences et pouvoirs de la formation de référé sont organisés aux articles R 516-30 et R 516-31 du Code du travail.Article R 516-30 : |
L'ordonnance de référé
La décision rendue publiquement par les 2 juges du référé prud'homal s'intitule une
ordonnance de référé.
Cette ordonnance de référé est une décision provisoire. Elle n'a pas autorité sur la
chose jugée. Cela signifie que la décision rendue par la formation de référé peut
être infirmée ou confirmée par le conseil de prud'hommes lui-même siégeant en Bureau
de Jugement.
Cependant, la formation de référé ayant vocation à statuer dans l'urgence, il est bien
évident que l'ordonnance de référé est exécutoire à titre provisoire. C'est là son
intérêt majeur : la partie qui obtient gain de cause peut immédiatement faire exécuter
l'ordonnance. Il appartient alors à la partie qui a perdu de s'acquitter de ses
obligations, au risque de voir un jour un huissier procéder à une exécution forcée.
Le conseil de prud'hommes peut, même en cas de nécessité, ordonner que l'exécution ait
lieu au seul vu de la minute, c'est-à-dire immédiatement après que l'ordonnance ait
été rendue publiquement, le jour même de l'audience.
Et afin de faire pression sur la partie défaillante, celle qui a perdu, la formation de
référé peut même assortir son ordonnance d'une condamnation à astreinte qui peut
être liquidée à titre provisoire.
Ainsi, un conseil de prud'hommes peut-il ordonner à un employeur la remise d'un
certificat de travail sous astreinte de 100 F par jour de retard à compter du 8e jour
suivant la notification de l'ordonnance. Autrement dit, l'employeur peut être condamné
à verser au salarié 100 F par jour de retard pris avant qu'il ne soit remis un
certificat de travail au salarié et ce, passé un délai de 8 jours suivant la réception
de l'ordonnance écrite.
Les voies de recours
Même si l'ordonnance de référé n'est qu'une décision provisoire, susceptible d'être
modifiée par le conseil de prud'hommes statuant au fond, elle peut être frappée
d'appel. Le délai d'appel est ici ramené à 15 jours (et non un mois comme
pour un jugement rendu par le conseil de prud'hommes).
Bien évidemment, le fait d'interjeter appel ne suspend aucunement l'exécution provisoire
de l'ordonnance de référé.
Attention, lorsque l'ordonnance de référé est rendue en dernier ressort, c'est-à-dire
lorsque le chiffre de la demande n'excède pas un taux fixé par décret à hauteur de 22
500 F pour l'année 2000 ou concerne des documents que l'employeur doit donner au salarié
(certificat de travail, bulletin de paie...), celle-ci n'est pas susceptible d'appel. Elle
peut seulement faire l'objet d'un pourvoi en cassation en cas de vice de forme ou d'erreur
de droit.
En conclusion, si la formation de référé offre ainsi l'intérêt "de rendre le
droit" de façon urgente et accélérée à l'occasion d'une audience unique, force
est de constater les pouvoirs extrêmement réduits de cette formation. En effet, pour
obtenir une ordonnance de référé, encore faut-il que la demande présente un caractère
d'urgence et soit suffisamment évidente pour permettre à la formation de référé de se
prononcer sans examiner le fond du litige. Seul le Bureau de Jugement du conseil de
prud'hommes est en effet compétent pour connaître le fond d'un dossier. En cela, la
formation de référé est peut-être le moyen d'obtenir "déjà quelque chose"
avant que le juge du fond ne statue à l'occasion d'un Bureau de Jugement.
F. Trouet (SNRLH)
Les personnes habilitées à assister et à représenter les
parties devant les prud'hommes
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Un exemple de procédure devant la formation de référéLe salarié en cause saisit la formation de référé du conseil de prud'hommes de
Paris le 9 décembre 1998. Il sollicite de la formation de référé qu'elle ordonne à
son ancien employeur, d'une part, le paiement de ses congés payés, d'autre part, la
remise du bulletin de paie afférant, d'un certificat de travail ainsi que d'une
attestation pour l'Assedic. |
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L'HÔTELLERIE n° 2663 Hebdo 27 Avril 2000