Conditions de travail : gérer les arrêts douteux ou injustifiés

Subir l'absence d'un collaborateur n'est jamais agréable. Au mieux, elle conduit à une désorganisation momentanée mais peut coûter cher avec le versement d'indemnités, au pire elle conduit à un conflit prud'homal. Voici quelques pistes d'actions.

Publié le 28 avril 2016 à 19:30
Subir l'absence pour maladie d'un collaborateur n'est jamais agréable pour l'hôtelier ou le restaurateur, même s'il sait que cela fait partie intrinsèque de la gestion d'entreprise. Au mieux, cette absence perturbe momentanément l'organisation du travail et lui coûte cher (indemnités maladie, salaire du remplaçant). Au pire, elle conduit au conflit prud'homal. Gérer une absence peut ainsi s'avérer délicat et semé d'embûches. Il n'y a pas de solution générale en la matière car il n'y a pas de situation identique. Voici tout de même quelques pistes d'actions à partir de cas concrets. 

 

Le salarié ne justifie pas tout de suite de sa maladie

Les salariés ne sont pas obligés d'informer leur employeur de leur état de santé, mais si celui-ci les empêche de venir travailler, ils doivent prévenir le plus rapidement possible puis vous adresser dans les 48 heures un arrêt de travail émanant du médecin traitant (art. L1226-1 du code du travail).
 
Le salarié qui laisse son employeur dans l'ignorance de l'arrêt de travail et le laisse dans l'incertitude quant à la poursuite de la relation de travail peut être sanctionné par un licenciement.

Selon les circonstances, la Cour de Cassation a jugé qu'il s'agissait d'une cause réelle et sérieuse (le salarié n'avait pas timbré la lettre de sorte que l'arrêt de travail n'est jamais arrivé à l'employeur, Cass soc 25 janvier 1990, n°89-43651) ou d'une faute grave (le salarié a attendu 6 jours pour informer son employeur de son arrêt de travail, Cass soc 21 avril 2010 n°08-45555). 

En revanche, quand le salarié tarde à envoyer le certificat médical après avoir pris la peine de téléphoner pour prévenir, ou informe oralement d'une prolongation après avoir fourni un arrêt de travail initial, il n'est pas fautif au point d'être sanctionné par un licenciement (Cass. Soc. 19 novembre 1997, n°95-40850; Cass.soc. 11 janvier 2006, n°04-41231). Dans un tel cas de figure, il est conseillé à l'employeur de prendre la peine de lui écrire une lettre, courtoise mais claire, pour lui rappeler ses obligations en matière de justification de d'absence afin de régulariser son dossier.

 

Un salarié fournit un arrêt de travail, mais vous pensez qu'il n'est pas vraiment malade

Si le salarié a un an d'ancienneté, l'employeur doit lui verser des indemnités journalières de maladie à partir du 8e jour d'absence. En contrepartie de cette obligation, la loi vous autorise, en cas de doute sur la réalité de son indisponibilité, à demander une contre-visite médicale. La CCN des CHR ne prévoit rien sur les modalités d'un tel contrôle, de sorte que l'employeur peut faire procéder à une contre-visite et choisir en toute liberté le médecin chargé du contrôle (cass. soc. 20 octobre 2015 n° 13-26889 D et n° 13-26890 D). De nombreuses sociétés spécialisées dans les contre-visites médicales existent.

Le médecin mandaté effectuera alors la visite de contrôle. Dès lors, plusieurs cas de figure peuvent se présenter :

- le médecin contrôleur conclut que l'arrêt de travail est médicalement justifié : l'employeur doit continuer à verser les indemnités et à s'organiser comme il le peut en attendant son retour ;

- le salarié refuse la contre-visite médicale ou il était absent lors de la visite de contrôle (qui a pourtant eu lieu en dehors des heures de sortie autorisées) : l'employeur peut cesser de verser les indemnités journalières à la date du contrôle. La caisse d'assurance maladie sera également prévenue par le médecin contrôleur qui lui enverra une copie de son rapport. La caisse d'assurance maladie pourra elle aussi suspendre le versement des indemnités de sécurité sociale. Mais il n'est pas possible de sanctionner ni de licencier le salarié car le fait pour le salarié de ne pas s'en tenir aux prescriptions de son médecin traitant n'a pas un caractère fautif et ne peut donc pas être sanctionné (Cass. soc.10 oct 1995 n°91-45.242) ;

- le médecin contrôleur conclut que l'arrêt de travail n'est plus médicalement justifié et il signifie une reprise anticipée. L'employeur peut cesser de verser les indemnités journalières à la date de la reprise anticipée. Si le salarié ne reprend pas son travail à cette date, il est possible de le mettre en demeure de reprendre son travail ou de justifier son absence. Mais, là encore, il n'est pas possible d'utiliser la contre-visite médicale pour licencier le salarié. Seule la suspension du versement des indemnités maladies est possible. En outre s'il produit un arrêt de travail de son médecin traitant qui prolonge l'arrêt à partir de la date de reprise anticipée indiquée par le médecin contrôleur, l'absence du salarié est à nouveau justifiée et l'employeur devra alors continuer à lui verser le complément de salaire liée à la maladie. 


 

Vous avez la certitude que le salarié profite d'un arrêt de travail de complaisance pour travailler chez un autre employeur

Le fait de travailler chez un autre employeur pendant un arrêt maladie est contraire à l'obligation de loyauté à laquelle est tenu tout salarié et il justifie réellement et sérieusement un licenciement, à condition de le prouver (ex : salarié pris sur le fait par constat d'huissier,  témoignages...).

Selon les circonstances exactes, il peut s'agir d'une faute simple ou d'une faute grave justifiant un licenciement sans préavis. 
Exemples : • dans une affaire où un salarié avait travaillé chez un autre employeur la Cour de Cassation a validé un licenciement pour cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 12 janvier 2005, n° 02-46.002). • Dans un cas où le salarié profitait de son arrêt maladie pour faire des travaux chez lui en employant des ouvriers, la faute grave a été admise (Cass.soc. 21 juillet 1994, n°93-40554). • En revanche, dans une affaire où une employée aidait "occasionnellement son mari dans un fonds de commerce qui était exploité par lui seul à la même adresse que leur domicile conjugal et à des heures où le service de restauration en salle était terminé", la cause réelle et sérieuse n'a pas été retenue et le licenciement fut qualifié d'injustifié (Cass. Soc., 28 novembre 2006, n°05-41845).

 

L'arrêt de travail paraît falsifié

La falsification d'un arrêt maladie destiné à tromper l'employeur et les organismes sociaux a déjà été considérée comme une faute grave par la jurisprudence (Cass.soc. 12.02.1985 n°82-42983). Toute la difficulté est alors d'être en mesure de prouver la falsification de l'arrêt de travail.

Il ne faut pas se précipiter dans une procédure de licenciement mais plutôt prendre le temps de la réflexion pour constituer son dossier.

Exemple : le salarié absent pour maladie a justifié son premier arrêt. Mais pour justifier une prolongation il fourni l'arrêt initial raturé. Pour pouvoir le sanctionner, vous devez prouver la faute. Ici, la faute consiste à avoir falsifié son arrêt de travail pour maladie pour tenter de justifier une absence qui en réalité ne l'est pas. Que faire ? Il est possible de contacter le médecin traitant à l'origine de l'arrêt pour lui demander confirmation des dates d'arrêt. Si celles-ci ne correspondent pas à celles indiquées par le salarié et confortent l'idée qu'il y a bien falsification, il est possible de demander au salarié de vous fournir un arrêt plus lisible en précisant qu'il n'est pas possible d'accepter un document raturé ou biaisé. Que sans réponse de sa part passé un délai raisonnable (une dizaine de jours), des mesures qui s'imposent seront prises (c'est à dire convocation à entretien et éventuellement rupture).

Parallèlement, si l'employeur verse un complément de salaire au titre de la maladie, il peut
 demander une visite de contrôle et en tirer les conséquences en fonction des conclusions du médecin contrôleur.


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Publié par Tiphaine BEAUSSERON



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