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![]() du 25 septembre 2008 |
RESTAURATION |
COUP D'OEIL ET DE FOURCHETTE
Par Caroline Mignot
Jeune journaliste à la plume affûtée, Caroline Mignot renouvelle la critique gastronomique par la vivacité de ses observations. Loin des querelles d'ego de chefs et de certains de ses confrères, elle s'intéresse à vos plats, à vos assiettes, vos inventions, votre accueil, votre décor. Écoutez-la.
UNE TABLE OÙ L'ON PERD LA NOTION DU TEMPS
Moment de grâce et de bien-être au Lièvre Gourmand
Vailly-sur-Sauldre (18) William Page cultive la discrétion dans une maison qui sent bon le savoir être et le savoir recevoir. Sa cuisine rayonne à travers le Cher et bien au-delà. Le chef nous cacherait-il quelque chose ?
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Kangourou mariné, huile d'eucalyptus. | Tartare de lieu et combava. |
Sur
la Grande Rue à Vailly-sur-Sauldre, après la place de l'église,
en direction de Sancerre, la maison de William Page semble bercée par
la quiétude. Le Lièvre Gourmand, son perron, une porte qui s'ouvre et
le sourire de Céline et Agnès nous éclaire aussitôt.
Ces deux jeunes femmes complices vont nous prendre en charge du début à
la fin (le meilleur moyen de faire perdre toute notion de temps, de couper de l'extérieur
et de rendre paisibles et heureux). Cosy, bourgeois, avec ses multiples poutres,
sa cheminée et ses figurines de lièvres, le premier salon nous tend les
bras. Enfoncé dans d'énormes fauteuils en cuir, on est invité à
choisir l'un des quatre menus (pas de choix à la carte, volontairement),
et parmi les vins classés
par cépage. Les mises en bouche taquinent les sens, une Bulle au basilic et
citron vert à croquer, une Bouchée de foie gras praliné, avant
le Mini-flan au shiitake (champignons du Japon).
"Avez-vous fait votre
choix ?" Quelques instants plus tard, Céline et Agnès nous conduisent
en salle. D'une hauteur sous plafond vertigineuse, isolée de l'extérieur
par quelques rideaux clairs, la salle est entièrement vouée au bien-être
des convives et aux mets qui s'apprêtent à défiler.
Le mobilier
contemporain, les étoffes blanches, l'éclairage direct des spots (une
lumière qui sublime les couleurs et la composition des plats et qui permet
d'y voir clair) créent un classicisme peu banal.
Des clients aux anges
À peine 20 couverts,
des tables espacées, un silence en début de service rapidement rattrapé par les "hmm"
de plaisir. D'une table à l'autre, des clients se regardent comme pour mieux
partager. à disposition, un poivrier et quatre coupelles (un cube de beurre
salé, de l'huile d'olive fruitée, de la fleur de sel et un mélange
de condiments surprenants), qu'accompagne le pain chaud et croustillant préparé
chaque matin par William Page. Pour commencer, un Tartare de lieu et combava, des
dés de lieu et de daïkon (radis chinois) délicat, aucun des deux
ne prend le pas sur l'autre. Au contraire, la fraîcheur et le croquant
se répondent, accentués par une pointe de gingembre
et de germes de radis presque piquants. Suit un Blanc-manger aux truffes d'été,
une neige de blanc d'oeufs au coeur coulant de jaune, surmontée de tranches fines
de truffe d'été de Toscane… Les clients sont aux anges, rien ne
peut troubler ce moment de grâce, créé par la truffe et l'oeuf
(et le talent du chef). Pour suivre, on dresse
un Opinel, avant l'arrivée du Kangourou mariné, huile d'eucalyptus : quelques
filets rouges cuits à basse température, doux et parfumés, servis
avec des tranches extra-fines de radis japonais croquant. Puis, poitrine de porc
et prune grillée : caramélisée et extrêmement fondante, la
poitrine est accompagnée de feuilles de cordifole (grasse et très végétale
à la fois) et d'une sauce acidulée à base de prunes aux accents
japonais. Coup de projecteur ensuite sur les fromages de la région (entre
autres), le plateau séduit le nez et l'oeil, tandis que le fromage blanc
fermier au lait de vache ou au lait de chèvre a le dernier mot, surtout préparé
'à la berrichonne' (ail, échalote
et ciboulette). Le seul que l'on est en droit de choisir dans
le menu, c'est le dessert. Abricots, fleur d'oranger, glace cannelle : des abricots
presque confits (au Gastrovac) pleins de jus et de sucre de fruits, à savourer
avec une glace exquise (le parfum de cannelle est on ne peut plus délicat)
et un croustillant de crumble (au beurre salé, assurément).
Pour finir, le choix d'infusions et de cafés suscite la curiosité. Une
infusion thym-citron (pour apprendre après qu'elle provient du jardin du chef),
bien sûr servie dans le salon, avec des mignardises extra :
nougat, macaron, truffe. Avec William Page,
rien n'est laissé au hasard, chaque détail compte. S'il se fait discret,
c'est qu'il est seul en cuisine (bien équipée d'ailleurs, Gastrovac, Pacojet…)
et que là est sa place selon lui. Son expérience en salle, à
ses débuts, pendant cinq ou six ans, en tant que sommelier, n'y est pas étrangère.
La notion d'accueil et de service (qu'il délègue à deux véritables
expertes), le salon cossu (pour la mise en condition), le décor sobre et franc
en salle (voué à une cuisine qui détone et à son sens de
l'esthétique), l'ensemble conduit à un moment à part, durant
lequel le client se sent désiré et heureux. Un chef né en Papouasie
Nouvelle-Guinée, curieux, voyageur et gourmand, qui sait imposer son style
depuis dix-sept ans dans un petit village du Cher… Ce n'était pas si
simple à première vue, il suffit de regarder les clients sortir béats
pour comprendre. zzz22v
Le
Lièvre Gourmand
14 Grande Rue
18260 Vailly-sur-Sauldre
Tél. : 02 48 73 80 23
lelievregourmand.com
Menus : 39 E, 49 E, 59 E et 85 E
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