du 2 mai 2008 |
VIE PROFESSIONNELLE |
Entretien croisé entre Cathy Kopp et André Daguin
"L'adaptation est une clé incontournable"
Cathy Kopp, DRH du groupe Accor, a mené pour le Medef les négociations sur la modernisation du marché du travail. Pour André Daguin, président de l'Umih, la flexibilité apportée ne peut conduire qu'à davantage d'embauches. Le but recherché.
Propos recueillis par Sylvie Soubes
Cathy Kopp à André Daguin : "Nous avons tout fait pour que cet accord soit favorable aux salariés et aux employeurs." |
André Daguin : C'est la première fois qu'un représentant des HCR conduit les négociations pour le Medef et on en est très fiers. Je vois là l'arrivée des services et, à l'intérieur, celle de l'hôtellerie et de la restauration. On existe.
Cathy Kopp
: Dans ma carrière professionnelle, lorsque j'étais chez IBM,
j'ai fait partie de l'Union des industries
et métiers de la métallurgie (UIMM), je connais donc aussi le monde de
la métallurgie,
et en même temps, je connais le monde des services, puisque IBM a dérivé
vers celui-ci. Chez Accor je suis dans un monde de services purs.
Quand Laurence Parisot m'a demandé de
défendre l'ensemble des professions, je me suis sentie apte à le faire.
Ce qui m'a intéressée, c'est aussi
de faire comprendre que le monde des services est entré dans la modernité.
Nous ne sommes plus à l'ère industrielle du travail à la chaîne.
Aujourd'hui, nous sommes dans un monde très diversifié. Et les plus grandes
contraintes sont subies par le monde des services, directement associé à
l'exigence du client, à l'horaire du client, à sa demande. Ces services-là
sont très demandeurs en termes d'adaptation, de souplesse. Il y a des contraintes
modernes, un vrai besoin d'adaptabilité.
A. D. : À la brutalité a succédé la diplomatie. L'industrie, c'est extraire le minerai, le faire fondre puis lui taper dessus pour le forger. Les services, ce n'est pas ça du tout… La modernité, c'est arriver à mettre en place des produits dans lesquels chacun puisse s'y retrouver. Le monde a changé, le travail aussi. C'est une notion qu'on a eu du mal à prendre en compte. L'adaptation est pourtant une clé incontournable. Regardez, nous, on doit s'adapter à notre clientèle.
C. K. : En restauration, la clientèle d'affaires a demandé des approches spécifiques. Les professionnels ont admis qu'ils allaient avoir des clients isolés. Qu'ils soient femmes ou hommes. On trouve des établissements dont les mises en place ont été modifiées dans ce sens, pour que les gens aient un peu de chaleur, qu'ils ne se sentent pas gênés de déjeuner ou de dîner seul. On a fait un choix chez Novotel en Angleterre, qui s'appelle 'elements' : la salle est faite par éléments pour les personnes venant seules, à deux ou encore à quatre. Il y a des coins télévision, tout est fait pour que chacun se sente à l'aise quelle que soit la raison de sa présence. Il faut aussi prendre en compte qu'il y a de plus en plus de femmes d'affaires, celles-ci sont aussi amenées à manger seules parfois.
A. D. : Il faut cesser de se gargariser en disant que l'on est le pays qui accueille le plus grand nombre de touristes au monde. Ce n'est pas une honte de recevoir le plus grand nombre d'étrangers, mais ça nous oblige à réfléchir un peu plus loin. Si les touristes sont 120 millions dans les 25 années [qui viennent] où va-t-on les mettre ? Il faut donc que le tourisme se relie à l'aménagement du territoire d'une manière ou d'une autre. Si on veut garder notre première place, il faut continuer à être imaginatif… Je voudrais revenir sur l'accord du 11 janvier [sur la modernisation du marché du travail, NDLR]… Dans les départements, on me demande quelle est aujourd'hui la marge de manoeuvre des branches.
C. K. : Il y a des tas de choses qui sont interprofessionnelles dans l'accord, comme la période d'essai, qui s'appliquera à tout le monde quand l'accord sera transformé par la loi. Après, quelle sera la marge de manoeuvre dans la branche pour la période d'essai ? Eh bien, si la branche veut avoir un renouvellement de la période d'essai, ce sera négocié à son niveau. Autre exemple, si au niveau de la branche, on estime que le contrat à objet défini a un intérêt pour certains des métiers, ce sera à elle de le définir. La branche a la marge de manoeuvre qu'elle veut se donner avec ses propres partenaires et par rapport aux différents sujets. On a mis à la fin de l'accord un chapitre qui concerne les négociations de branches. Et autres négociations interprofessionnelles ensuite. Le calendrier ou le rythme est donné par cet accord et c'est aux branches de s'en emparer.
A. D. : Je vois pas mal de leviers d'embauche dans cet accord.
C. K. : Ce qui est très important et qui devrait faciliter l'embauche, c'est, d'un côté, une période d'essai à l'entrée et, de l'autre, une approche nouvelle de la rupture. Cette rupture de contrat qui fait peur à tout le monde et notamment aux petites entreprises, c'est le cas en hôtellerie et en restauration. On a donné la possibilité d'une rupture conventionnelle, entre le salarié et son employeur, d'un commun accord, sans enlever, le champ de la démission ou du licenciement. En hôtellerie et en restauration, le CDI est majoritaire. Il fallait ouvrir d'autres possibilités de rupture, qui soient favorables à toutes les parties. On a aussi mis en place le contrat à objet défini. Si vous avez un gros projet, comme la rénovation d'un hôtel, et que vous avez besoin d'un directeur de projet pour une durée particulière, qui n'entre pas dans le CDD, si la branche le prévoit, vous pourrez utiliser ce contrat.
A. D. : Ça va apaiser les rapports. Aller aux prud'hommes, dans une petite maison, ça casse l'esprit et ça nuit beaucoup à l'atmosphère. Moi, je crois vraiment que ça va inciter les gens à embaucher. Vous le savez, dans nos entreprises, il y a plaisir à embaucher.
C. K. : Effectivement, aller aux prud'hommes, c'est un conflit. Or, dans le secteur de l'hôtellerie et de restauration, on n'a pas le temps d'aller au conflit. Et puis, ça peut coûter beaucoup d'argent et, du coup, impacter votre investissement. Nous avons tout fait pour que cet accord soit favorable aux salariés et aux employeurs. Pour l'employeur, une période d'essai supplémentaire, c'est une sécurité qui va lui permettre d'être sûr de ne pas se tromper. C'est la même chose côté salarié, celui-ci pourra sûr d'être bien dans le poste proposé. Les jeunes auront aussi la possibilité de mettre leur stage de fin d'études dedans. Si on prend la rupture conventionnelle, c'est très important pour un patron de TPE ou PME. J'ai souvent rencontré des professionnels inquiets par l'idée d'aller aux prud'hommes uniquement par crainte de faire faillite. Pour le salarié, on a prévu un portage sur la mutuelle prévoyance. C'est très important car beaucoup de gens ont peur du vide qui suit une rupture de contrat. On a cherché l'équilibre dans ce texte.
A. D. : Je me répète, mais je suis sûr que ça va apaiser les rapports. Dans une petite boîte, jusqu'à présent ça se passe toujours mal, une rupture.
C. K. : J'ajouterai que très souvent, parce qu'il n'est pas juriste, un patron de TPE ou de PME rédige mal le motif du licenciement. Or, les juges considèrent généralement que mal rédiger ou ne pas avoir de motif, c'est la même peine. Nous avons demandé aux pouvoirs publics qu'il y ait une différence entre maladroitement rédiger un motif de licenciement par méconnaissance ou ne pas avoir de motif du tout, afin d'aider l'entrepreneur plutôt que de le sanctionner.
A. D. : Vous avez fait ce qu'il y a de mieux. On va vers le progrès. Au lieu d'être strictement défensif, on commence à être un peu prospectif et, c'est sûr, c'est de cette façon qu'on va changer les esprits. La flexibilité apportée ne peut qu'aller vers l'embauche. n zzz60c zzz60u zzz60
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L'Hôtellerie Restauration n° 3079 Magazine 2 mai 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE