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du 7 décembre 2006
PIONNIERS

Patrick Derderian a une place à part parmi les pionniers de la restauration de ces trente dernières années. Quand plusieurs se sont appliqués à développer un concept unique et fort, Patrick a préféré multiplier les créations, se construisant une image singulière dans le milieu de la restauration.
Michel Kosossey

Patrick Derderian, une image singulière de la restauration

Patrick Derderian est né le 10 avril 1950 à Soisy-sous-Montmorency (95). Excellent en maths et nul en anglais, Patrick montre dès le lycée un trait important de sa personnalité : c'est un leader. Désigné président des élèves par ses copains, il crée un journal dont il est le 'rédac en chef'. Déjà, il collectionne les bouquins dédicacés par de grands chefs. Après un passage à l'École hôtelière de Paris (EHP), il entre au Club Med. Ce jeune GO se fait rapidement repérer et travaille sur des buffets déstructurés à l'occasion de ses passages dans les villages du Caire, d'Agadir ou de Saint-Moritz. Après un an et demi de Club, Patrick revient à Paris et n'a qu'une envie : reprendre des études hôtelières. Il prépare alors un BTS de gestion hôtelière et un diplôme de cuisinier en candidat libre. Serge Perrot, alors proviseur de l'EHP, remarque sa passion pour le métier et lui promet un bel avenir professionnel.
Ses premières armes dans la restauration parisienne, Patrick les fera dans 2 cafétérias à l'enseigne le Rallye situées boulevard des Capucines et boulevard de Sébastopol. À 25 ans, il s'illustre par un dynamisme hors normes, et ce jeune directeur d'exploitation mérite déjà un article fort élogieux dans la presse professionnelle. Il rejoint alors le groupe le Monte-Carlo dont la principale enseigne se situe avenue de Wagram. Patrick ne trouve pas de job à sa pointure.
Patrick a déjà L'Amanguier dans ses cartons. Il se dit que tout en montant ce projet, il continuera d'avoir un travail salarié. Il remarque que les grandes enseignes parisiennes comme Hippo et l'Assiette
au Boeuf sont très machistes. Il pense alors d'abord aux femmes et imagine un décor jardin, des prix agressifs et une carte courte. Créer sa propre affaire, Patrick l'a dans ses gênes : ce sera donc L'Amanguier.

De A à Z
C'est donc en octobre 1977 qu'ouvre le 1er Amanguier rue du Théâtre, dans le XVe arrondissement. C'est un succès et les sièges 'tournent' 3 à 4 fois par jour ! Patrick Derderian met une structure en place, mais son bureau est concentré dans le coffre de sa voiture. Les dossiers sont rangés entre des cartons à oeufs. Heureusement que le coffre de sa voiture est grand et que Patrick n'a pas peur des vols ! Le 2e Amanguier voit le jour en novembre 1978 au 110 de la rue de Richelieu au fond d'une cour.
Avec des restaurants pleins, une inflation à 2 chiffres et des fournisseurs payés à 60 ou 90 jours, Patrick trouve l'autofinancement nécessaire à son développement. Au total, 5 Amanguier verront le jour. Mais dans un restaurant dédié aux femmes, les desserts ont une grande importance. Patrick crée donc un labo boulevard de Grenelle dans une ancienne pâtisserie. Il recouvre la vitrine avec du papier sulfurisé. Le labo n'est pas très loin de Lionel Poîlane… et les gâteaux fabriqués sont si bons (merci Daniel Bonora…) que les clientes veulent en acheter. Le labo s'ouvre donc, et Framboisier naît en 1981, habillé de rose et blanc. Patrick frappe pour la 2e fois ! Et c'est encore un gros succès.
Patrick créera un 2e labo à Neuilly, dans l'ancienne usine de parfums Carita à La Garenne-Colombes, dans les Hauts-de-Seine, sur 1 500 m2. Mais dans le même temps, développer Framboisier, c'est la nécessité de trouver de l'argent et des hommes… et il n'y a sans doute pas de place pour 100 boutiques pâtissières. Après mûre réflexion, l'affaire est donc vendue à Louis Le Duff en 1982.
La même année, Patrick rencontre Pierre Bellon, le patron de Sodexho, pendant les vacances d'hiver. Il lui parle d'un autre projet qu'il a en gestation : Oh !..Poivrier!,
formule dans laquelle tout le repas se trouve concentré dans la même assiette. Avec un business plan et des prévisions à 5 ans, 3 Oh!..Poivrier! sont rapidement ouverts avec Sodexho à partir de 1985. Les restaurants sont tout gris. On ne voit plus que les couleurs éclatantes des produits et les femmes qui se pressent en rangs serrés à l'heure du déjeuner. L'opération séduction a encore frappé et réussi.
Patrick Derderian donne à ses enseignes des noms d'arbres ou de plantes, qui commencent par la lettre A, et sait déjà que son dernier restaurant commencera par Z ! Lors d'un déjeuner, Paul Dubrule, à qui Patrick en parle, trouve l'idée bonne - le nom d'Accor naît peut-être de là !

Bermuda Onion, c'est fou
Dans cette logique, Patrick reçoit la visite d'une personne qui vient lui proposer de reprendre Prunier. C'est à partir de ce contact que se profile Bermuda Onion au dernier étage du centre commercial Beaugrenelle. C'est compliqué, long, mais les banquiers suivent, et Patrick l'achète dans les mains du mandataire liquidateur pour la somme de 15 000 E, récupère le matériel, signe pour un loyer mensuel de 3 800 E (900 m2). En fait, Patrick y va en doutant tant l'endroit - seulement accessible par ascenseur - lui paraît difficile.
Bermuda Onion ouvre le 13 décembre 1985, et Yanou Collart, chargé des relations publiques, fait venir le Tout-Paris en 3 jours ! C'est un triomphe… 3 à 4 semaines de délai pour avoir une table - Patrick garde même 3 tables à son nom pour accueillir des VIP imprévoyants. Les hôtesses de table portent des tenues de grands couturiers changeant tous les jours, la musique est si forte que l'on ne peut pas se parler, mais l'assiette est de grande qualité sans être 'gastronomique'. Les 6 premières années sont folles, et Patrick Derderian fait avec Bermuda Onion une affaire hautement rentable qui lui permettra… quelques erreurs et ses futurs succès. Au Parc de la Villette, Patrick ouvre, en association avec une filiale d'Air France, le restaurant Croixemement. Ce restaurant, noir et blanc, enclavé, est un échec, et 1,5 ME est perdu dans cette mésaventure.
En 1991, Patrick ouvre tout près de la rue de Rivoli, près du Forum des Halles, son bar Oh-La-La. Les tapas sont déjà là, l'ambiance est chaude et sympa, mais gérer des problèmes de violence, de drogue, etc., n'est pas le souhait du patron. Fin de Oh-La-La qui aurait sûrement mieux réussi ailleurs, dans l'ouest de Paris par exemple ! Mais le cerveau gauche de Patrick avait prévu de faire 20 Oh-La-La pour les 20e arrondissements de Paris, en commençant bien sûr par le Ier et en finissant par le XXe !

Z et après ?
En face de la Maison de la Radio, de l'autre côté du pont de Beaugrenelle - Bermuda Onion se trouve sur la rive gauche -, Patrick acquiert un terrain qui va lui permettre de s'exprimer totalement avec le restaurant Zébra Square, le lounge et un petit hôtel de luxe - Le Square - qui adhère à la chaîne Small Luxury Hotels of the World. Le bâtiment est une splendeur - et peut-être ne serons-nous plus là lorsque le bâtiment sera classé Monument historique - car il est un des plus beaux exemples d'une architecture à taille humaine, reflet de son époque.
Zébrures, tables rondes, bar géant à l'entrée appuyé sur un mur aéré, réfrigéré qui est en fait la cave à vins de la maison, cuisine inventive et généreuse, ambiance feutrée, volumes amples, courbures, espaces différenciés, cuisine ouverte, éclairage chaud et millimétré, le tout exacerbé par l'accueil et la gentillesse d'un service hors normes. Zébra Square est un chef-d'oeuvre et pourrait être dupliqué dans la plupart des grandes cités de la planète. D'ailleurs, en association avec la principauté, Patrick ouvre Monaco et concède une licence à un businessman russe pour Moscou.
Dans le même temps, il multiplie ses activités de conseil et de créateur. Avec 7 créations majeures en 30 ans, Patrick Derderian a été le précurseur de beaucoup de tendances de la restauration d'aujourd'hui.
On voit bien dans son activité de ces dernières années que Patrick s'exprime déjà dans un autre registre. Ses 2 fils, l'un ingénieur, l'autre bourré d'idées créatives, sont comme l'expression des 2 sphères du cerveau de leur père. Mais à 56 ans, Patrick nous prépare d'autres surprises. Comme il a déjà atteint la lettre Z, il est probable qu'il s'exprimera dans d'autres domaines que la création et l'exploitation de restaurants, laissant libre cours à son incroyable capacité créative balancée par la rigueur de l'homme de terrain expérimenté. n zzz22v

UN PARCOURS CRÉATIF

Restauration publique
1977 L'Amanguier
1981 Framboisier
1985 Oh!..Poivrier! et Bermuda Onion
1989 Croixement (bar-restaurant)
1991 Bar Oh-La-La
1995 Zébra Square et Lounge
1997 Hôtel Square 4
1998 Café Mosaic (jouxtant le Fouquet's)
1999 Café Soleil (pour Sogeres)
2000 L'Atelier Renault (consultant)
2003 Ligne de vaisselle (Yves Deshoulières/Apilco)
2004 Design et packaging des bars de Roland Garros (pour Sogeres)
2005 Design et packaging restauration VIP Tour de France (pour Sodexho) 

Restauration privée
1988 Restaurant d'entreprise siège Wagons-Lits
1995 Restaurants, bar et foyer des élèves École hôtelière de Paris
1996 Restaurant d'entreprise, siège d'Eurest

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