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du 2 mars 2006
S'EXPATRIER

Istanbul Cette ville cosmopolite compte une petite dizaine de restaurants français à peine. Et les chefs tricolores sont tout aussi rares. Rencontre avec trois d'entre eux, les deux Fabrice, Canelle et Lasnon, du Ciragan Palace Hotel Kempinski, et José Perreau, à la tête du Café du Levant et d'Halat.
Par Nathalie Ruffier

Ils ont choisi la Turquie


Le Café du Levant, copie fidèle d'un bistrot français des années 1930.

Touché à jamais par le charme d'Istanbul et de la Turquie ? Le doute n'est pas permis. Le coup de foudre de José Perreau, 51 ans, remonte aux années 1980. Alors second chez Martin à Joigny (89), José sillonne le pays pendant ses 3 semaines de vacances. "J'ai adoré Istanbul, l'effervescence de cette ville cosmopolite, son soleil…" Une pensée fugace traverse alors son esprit : s'il largue un jour les amarres, ce sera pour Istanbul. Le décès de sa compagne précipite sa décision.
Finis Paris, Joigny ou Chablis, où il a successivement exercé. Direction Istanbul, où l'un de ses amis ouvre Le Montignac, restaurant diététique français installé au quartier Levent. Le projet est précurseur. Trop, sans doute, dans ce pays des baklavas et autres riches gourmandises !
L'aventure durera 3 ans. José repart en France, l'âme en peine. Les restaurants français ne sont pas légion et José n'a pas emprunté la filière palace et luxe international. Mais il garde espoir et épluche les petites annonces de L'Hôtellerie Restauration.
Deux mois plus tard, l'une d'entre elles attire son attention : Rahmi H. Koç, propriétaire du musée de l'Industrie, recherche un chef français pour son Café du Levant, copie fidèle d'un bistrot français des années 1930. José le contacte immédiatement, prend le premier avion et décroche le poste sous 3 jours ! "Le fait que je connaisse Istanbul et le turc a sans doute fait la différence", glisse le cuisinier. José apporte quelques touches personnelles à la carte, et présente ici une Selle d'agneau farcie à la menthe en pâte, là des Gambas aux herbes fraîches enrobées de leur paille sauce tartare… Responsable d'une brigade de 4 personnes, il prend également les rênes, voici 3 ans, du Halat Restaurant, bâti dans l'enceinte du nouveau musée Koç. "Je forme l'équipe du Café du Levant à la cuisine française et poursuis mon apprentissage de la cuisine turque avec mon second du Halat", sourit José. Expatrié, José ? Pas vraiment. Istanbul est aujourd'hui sa ville, et sa jeune épouse est turque. "En plus, je gagne très bien ma vie avec 5 000 E mensuels, soit 2 fois mieux qu'en France. Je dispose d'une villa à 300 mètres d'ici avec eau et électricité gratuites !", lance le chef français, ravi !
À 44 ans, Fabrice Canelle peut se targuer de diriger depuis 5 ans les cuisines du plus beau palace d'Istanbul, le Ciragan Palace Hotel Kempinski. Presque un record pour ce chef français hyperactif ! "J'ai toujours voulu faire de la cuisine. Une cuisine spontanée, innovante", lance ce quadra, prêt à parcourir le monde pour avancer. Avancer toujours plus loin, toujours plus haut. Il ne parle pas anglais ? Qu'importe ! Après quelques années parisiennes au Louis XIV, puis à La Tour d'Argent, il s'envole à 23 ans pour Dallas, USA ! Il débarque comme second dans les cuisines d'un restaurant français, La Vieille Varsovie. Un an plus tard, il rejoint L'Ambria, restaurant 4 étoiles de Chicago, comme chef.
Puis c'est le début d'une véritable saga américaine… dans les établissements de Ritz-Carlton au Laguna Nigil, restaurant gourmet situé entre Los Angeles et San Diego, puis comme n° 2 du Ritz San Franscico qui s'ouvre en 1991 avant d'être désigné n° 1 au Ritz de Washington en 1992. Il restera dans la chaîne jusqu'en 1995. Fabrice revient alors à San Francisco, devient gérant et actionnaire de la Brasserie Savoy, puis décide, en 1999, de suivre Warner à New York pour prendre la direction du Russian Tea Room, restaurant de 4 étages. Le décès du propriétaire, 18 mois plus tard, met un terme à cette nouvelle aventure. Voilà 17 ans que Fabrice est aux États-Unis. Il a acquis une sacrée expérience de management et un anglais 'fluen
te'. Tellement d'ailleurs, que son français a aujourd'hui encore des accents… bien américains.
À 40 ans, le chef français s'interroge sur son avenir. Rencontré à New York, Alain Ducasse l'invite à rejoindre le Ciragan Palace Hotel Kempinski d'Istanbul dans lequel il a lui-même travaillé. Fabrice ne connaît pas Istanbul. Mais qu'importe… Le palace lui tend les mains. Son nouveau directeur lui confie la direction culinaire des 3 restaurants de ce luxueux établissement, Le Gazebo, Le Laledan et Le Tugra. Fabrice réorganise ses brigades, passe de 70 à 150 cuisiniers et déploie les prestations VIP du palace… À tel point d'ailleurs qu'il a désormais un second, un Fabrice, chef français comme lui (lire portrait ci-dessous). Marié depuis peu avec une Turque, Fabrice Canelle n'envisage pas pour l'heure de s'envoler pour d'autres contrées lointaines, mais compte plutôt investir à Istanbul. La ville bouge, les restaurants et lounges dernier cri se multiplient… "Il y a du business à faire !", résume-t-il. Le chef peaufine un projet de Choco Cokacokao, antre dédié au chocolat et implanté dans les galeries commerciales. Friands de chocolats, les Turcs devraient fondre, et Fabrice gagner de l'argent pour tenter d'autres aventures ! Jamais rassasié, ce Français exprime même depuis quelques mois sa passion de la cuisine en peinture… Hyperactif, vous disiez ?
Enfant de Deauville, Fabrice Lasnon, aujourd'hui chef du Ciragan Palace Hotel Kempinski d'Istanbul, est tombé très jeune dans la marmite. Dans la famille, on est chef, pâtissier… Mais on ne fait pas carrière à l'étranger ! Fabrice n'est pas un globe-trotter dans l'âme, mais se faire un nom en France n'est guère facile, le jeune cuisinier en a la certitude. Aussi, après 5 ans dans de nobles maisons parisiennes, à La Petite Tour puis Au Pressoir, puis à Porto-Vecchio et à Montpellier aux côtés de François Szanto, il choisit de s'expatrier. Au Meridien de Londres pendant 3 ans, puis 12 mois à l'InterContinental de Madère. Devenu executive sous-chef, il rejoint ensuite Le Caire pour l'ouverture du Meridien, puis s'envole 2 ans plus tard pour le Resort Royal Mirage que One & Only ouvre à Dubaï. Il y restera 3 ans et demi. C'est sûr, son CV retient l'attention des chasseurs de têtes ! L'un d'eux l'invite à rejoindre le Ciragan Palace d'Istanbul…
Fabrice connaît la ville et apprécie tout particulièrement son rythme frénétique, son mélange d'Orient et d'Occident… Il n'hésite pas, et s'y installe voilà 18 mois. Son parcours professionnel ne s'arrêtera sans doute pas là. Fabrice rêve d'Asie mais, pour l'heure, il se régale. Pour lui, pas de doute, la cuisine turque est l'une des 5 ou 6 meilleures au monde. Un cuisinier grec-australien lui avait fait déjà découvrir les saveurs ottomanes à Dubaï. "Il suffit de moderniser un peu cette cuisine, lance le chef. Pour l'heure, je m'imprègne encore de la culture, des produits locaux." Fabrice sourit : 80 % de ses sous-chefs viennent de la province de Bolu, le 'Lyon de la Turquie'. Dépaysé sans l'être, Fabrice ! Cette 'antifusion' (trop de confusion !) aime marier les saveurs, et se délecte de toute nouvelle immersion culinaire. C'est sûr, le Normand n'envisage pas de revenir s'installer en France. Son seul regret : les difficultés d'approvisionnement qu'il connaît. Même le plus luxueux palace d'Istanbul ne parvient pas à importer certains produits. "Comme le beurre à croissant. C'est désolant", reconnaît le chef, furieux de ses limitations d'importation… n zzz22v zzz90

LES CONSEILS D'EXPATRIÉ DE JOSÉ PERREAU
"Saisir toutes les opportunités. Elles sont souvent très riches. S'imprégner de la cuisine du pays, mais aussi de sa culture et… apprendre sa langue. Cela peut faire la différence !"


José Perreau, responsable du Café du Levant : "Je forme l'équipe du Café du Levant à la cuisine française et poursuis mon apprentissage de la cuisine turque avec mon second du Halat."

LES CONSEILS D'EXPATRIÉ DE FABRICE LASNON
"Partir d'abord en Grande-Bretagne et aux États-Unis, réputés pour leur culture du management. Puis persévérer et saisir toutes les opportunités pour bouger."


Fabrice Lasnon : "Il suffit de moderniser un peu cette cuisine, lance le chef. Pour l'heure, je m'imprègne encore de la culture, des produits locaux."

LES CONSEILS D'EXPATRIÉ DE FABRICE CANELLE
"Il faut s'expatrier très vite. Cela forme la jeunesse, et le mélange des cultures est un fabuleux creuset d'inspiration."


Fabrice Canelle peaufine un projet de Choco Cokacokao, antre dédié au chocolat et implanté dans les galeries commerciales.

 

L'ISTANBUL DES SAVEURS

Bouillonnante, Istanbul la Magnifique offre aux gourmands un voyage inoubliable aux pays des saveurs. La gastronomie turque, façonnée au fil du temps et des brassages, décline toute sa richesse dans cette ville cosmopolite. On y délectera ses hors-d'oeuvre méditerranéens, les mezze, ses traditionnels baklavas ou loukoums, et autres délices… Les restaurants ne manquent pas. De très grands comme le prestigieux Beyti, table des plus grands depuis 1945, connue pour ses spécialités de viande et de grillades. Mais on appréciera également la cuisine méditerranéenne (de succulents et nombreux mezze !) concoctée par la propriétaire du Gititli, ou, plus rares, les spécialités de la mer Noire du restaurant Pafuli… Difficile d'en faire le tour en moins de 4 à 6 jours !

Pour y aller : Marmara, spécialiste de la Turquie, propose une liaison quotidienne au départ de Paris, et 2 par semaine (jeudi, dimanche) au départ de Lyon et Mulhouse, un large éventail d'hôtels et de formules découvertes de 3 à 6 nuits, à partir de 189 E !

Pour vous guider :
L'Amicale des gourmets de Turquie
Mme Sevim Gökyildiz, vice-présidente et écrivain culinaire
sevim@tr.net
www.cuisineturque.com

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L'Hôtellerie Restauration n° 2966 Magazine 2 mars 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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