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du 5 octobre 2006
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RENDEZ-VOUS AU SENS, À PARIS

Entretien croisé entre André Daguin et l'une de nos plus grandes animatrices de télévision et de radio, Ève Ruggieri

Ève Ruggieri partage avec André Daguin la passion du Gers. Leur première interview portait sur la recette de la soupe à l'ortie. C'était en 1974. Depuis, ils ont le Gers pour passion commune.
Propos recueillis par Sylvie Soubes


C'est au Sens, à Paris, chez les frères Pourcel, qu'André Daguin a convié l'animatrice Ève Ruggieri.

Ève Ruggieri : Eh oui, comme toi, je suis fidèle au Gers. J'aime ce département pour tellement de choses. Ses allées de cyprès, ses petits villages au sommet des collines, ses fortifications riches en anecdotes, ses maisons aux toits de tuiles et sa magnifique lumière… Tu le sais, j'apprécie également sa gastronomie. Il y a tous ces produits à base de canard, qui sont la réputation gourmande du département. J'ai aussi un petit faible pour ce que l'on appelle les 'demoiselles'. C'est ce que les bonnes ménagères cuisinent avec les carcasses et la viande qui reste accrochée dessus.

André Daguin : Sauf que je préfère ça chez les mauvaises ménagères, qui ne savent pas désosser et qui laissent davantage de viande.

E. R. : On les mange avec les doigts. Ça ne se fait pas dans les restaurants, et pourtant, c'est tellement bon.

A. D. : J'en ai proposé une fois. Je croyais que ça ferait un exploit, et ça a été un bide total. Les quelques restaurants qui s'y sont risqués ont arrêté parce que les gens voyaient des restes à la carte. Ils avaient l'impression qu'on essayait de les rouler dans la farine. Pourtant, ça et un bon petit vin, je suis d'accord, c'est un vrai bonheur.

E. R. : Dans le Gers, il y a bien sûr l'armagnac. Je suis toujours désespérée de voir que cet alcool n'a pas la place qu'il mérite sur le marché international. Je pense que cela tient à une mauvaise communication. On le vend trop vite. On ne prend pas le temps de le servir ni d'en parler. C'est pourtant le plus bel alcool qui soit. Il suffit de le faire déguster à l'aveugle pour comprendre. Je ne connais personne qui résiste au test. À chaque fois, l'armagnac ressort parmi les alcools les plus intéressants, les plus aromatiques, les plus ronds.

A. D. : Tu es aussi passionnée par l'histoire du cocu le plus célèbre de France.

E. R. : Effectivement, j'ai passé 4 ans à écrire l'histoire de Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan. Il a fait un mariage magique, avec Françoise de Rochechouart Mortemart. La beauté et l'intelligence faites femme. Dame d'honneur de la reine, celle-ci est devenue la maîtresse de Louis XIV. Le marquis l'a très mal pris. Pourtant à l'époque, lorsque le roi jetait son dévolu sur une dame, c'était plutôt bien vu. Cela voulait dire un titre supplémentaire ou de nouvelles terres. D'ailleurs, lorsque le père du marquis de Montespan l'a appris, il s'est exclamé : "Enfin la fortune s'abat sur notre famille." Mais le marquis de Montespan a tout refusé : les grades dans l'armée, l'argent et même les titres. Quand le roi a répudié Mme de Montespan, après avoir rencontré Mme de Maintenon, il voulait lui octroyer le titre de duchesse. Or, il fallait pour cela que son mari accepte le titre de duc. Le marquis de Montespan a fait cette réponse incroyable : "Sa Majesté s'étant passé de son accord pour faire un certain nombre d'enfants, il ne voyait pas du tout pourquoi il lui fallait son accord pour faire de son épouse une duchesse."

A. D. : Ta maison dans le Gers a appartenu au marquis de Montespan.

E. R. : Tout à fait. Quand je l'ai achetée, c'était 3 étages en ruine. Lors de sa remise en état, j'avais dit que je ne voulais rien qui rappelle Louis XIV. Bien plus tard, pourtant, on a acheté des médaillons de marbre qui le concernaient. 48 heures après les avoir accrochés, il y a eu orage épouvantable et la foudre est tombée sur la terrasse. Elle a traversé le mur où il y avait les médaillons en faisant un trou de 50 cm et a explosé ma salle de bains. Le lendemain, j'ai retiré les médaillons. Pour moi, le message était clair…

A. D. : Ah, le Gers et ses habitants !

E. R. : Le Gers et les Gersois… Lors de notre première interview en 1974, je t'ai demandé une recette. Je m'attendais à ce que tu me parles champignons, foie gras… Et tu m'as donné la recette de la soupe à l'ortie, qui a fait le tour de France avec… quelques précautions dans la cueillette. Arrête-moi si je me trompe, le repas gascon, ça commence en général par le potage de poule, après on a le foie gras, ensuite la poule farcie, le canard, les fromages et ça se termine par une croustade aux pruneaux.

A. D. : La salade, en général, c'est pour le décor. La dernière touche, c'est l'armagnac. Ce qui m'amuse, quand le repas est terminé, c'est qu'on vous dit "si vous avez encore un petit creux, il y a des bananes".

E. R. : Il y a une seule chose que je ne supporte pas et contre quoi je m'élève vigoureusement : c'est la tauromachie. Avec ces sombres personnages qui martyrisent cet animal avant de le tuer. Le taureau n'a aucune chance…

A. D. : Parlons d'autre chose, veux-tu… Du fabuleux succès de Marciac, par exemple. À l'origine, c'était le prof d'anglais du collège qui a eu l'idée d'apprendre la langue à ses gosses par un certain modernisme, et notamment par le jazz. Petit à petit, il a fait des concerts, et en même temps, il apprenait aux gamins à jouer du jazz. Ensuite, il est devenu maire du village et a fait un travail de plus en plus important. À tel point que la tente qui est dressée pour le festival couvre maintenant la totalité du terrain de rugby. Soit 10 000 places. C'est Mitterrand qui a aidé au lancement. Il y allait régulièrement, et ça faisait de la presse. C'est quelque chose d'énorme. Il n'y a pas que le festival aujourd'hui, il y a des concerts d'hiver, des classes de jazz. Le maire de Marciac a compris qu'en attirant les sponsors, il pouvait faire vivre toute une région. Et ce n'est pas en effectuant une opération tous les 3 ans, mais en faisant vivre sur la durée qu'on y arrive… On a un sacré potentiel touristique dans la région.

E. R. : Oui. Mais nous devons protéger l'environnement. Je pense que les hôteliers et les restaurateurs doivent comprendre que la protection du département, du patrimoine naturel, c'est leur avenir. Ce ne sont pas des jeunes qui vont venir en vacances en Gascogne. Ce sont des générations qui recherchent un autre type de détente.
A. D. : Un autre type de détente… La musique en fait partie. Et la musique, c'est une bonne partie de ta vie.

E. R. : La musique, c'est mon univers au-delà de mon métier. J'avais un père contrebassiste et chef d'orchestre et une mère violoncelliste. J'ai commencé le solfège à 5 ans et le piano à 10 ans. Je pense que les jeunes sont terrorisés par le solfège, car ça leur paraît être l'alphabet le plus compliqué de la terre. L'enseignement de la musique, comme l'enseignement des beaux-arts en règle générale, sont complètement négligés par l'Éducation nationale. zzzz74v

Repères

Ève Ruggieri est née à Limoges. Elle a été 1er prix de Piano du Conservatoire de Nice. Elle a notamment animé Le Regard des Femmes sur TF1, Ève Raconte sur France Inter ou l'émission Musiques au coeur sur France 2.
Elle est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages sur des personnages célèbres comme le Marquis de Montespan ou Pavarotti.

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L'Hôtellerie Restauration n° 2997 Hebdo 5 octobre 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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