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du 1er juin 2006
RESTAURATION

À CONDITION D'ÊTRE UN TRAVAILLEUR ACHARNÉ AVEC LE SENS DES AFFAIRES

CHICAGO ACCUEILLE LES CUISINIERS FRANÇAIS AMBITIEUX

La principale ville de l'état de l'Illinois compte quelques belles réussites françaises. Pour certains, elle est un petit New York, pour d'autres, l'une des villes des États-Unis les plus intéressantes sur le plan culinaire. Le guide Michelin l'a placé parmi ses prochaines cibles pour ses nouveaux guides rouges, US. Et le président américain en personne s'y est déplacé le 22 mai pour s'adresser à plusieurs milliers de professionnels du secteur à l'occasion du 87e NRA Show, le principal salon américain de l'industrie hôtelière et de la restauration. 'Windy City' pourrait être rebaptisée 'Win City' par certains Français qui y ont pris racine avec succès. Portraits groupés.
Par Tiphaine Beausseron


Chicago borde le lac Michigan, l'un des cinq grands lacs d'Amérique du Nord.


Windy City compte 4 fois plus de musées que Paris.


La ville est un joyau de l'architecture moderne.

 

Sébastien Canonne, cofondateur de la French Pastry School de Chicago

Sébastien Canonne, cofondateur de la French Pastry School et initiateur de l'association Pastry Chicago.

"Nous sommes la seule école des États-Unis exclusivement dédiée à l'enseignement des techniques de pâtisserie française", explique fièrement Sébastien Canonne,
38 ans, MOF et cofondateur de la French Pastry School de Chicago. Créée en 1995, l'école française de pâtisserie accueille chaque année 144 étudiants pour des sessions de formation de 6 mois avec possibilité de compléter par 3 mois de stage en entreprise. "90 % de nos étudiants sont des femmes, et dans 60 % des cas, il s'agit de reconversion professionnelle. Et la majorité d'entre eux a pour objectif d'ouvrir leur affaire après quelques années d'expérience en entreprise", explique Sébastien Canonne, qui, depuis l'ouverture du centre de formation, s'astreint à transmettre un savoir-faire de haute qualité. "Nous sommes volontairement organisés en
4 classes de 18 élèves.
Chacune d'elle est dirigée par un chef et un assistant, de sorte qu'il y a un véritable suivi individuel des étudiants
", complète-t-il. L'objectif de l'école est le succès de ses élèves, et par-là même, la promotion de la pâtisserie française à travers le monde. Bien que le certificat obtenu à la fin du stage ne soit pas un diplôme reconnu par l'État,
"le niveau de formation se situe entre le CAP et le Brevet de maîtrise. Le but est de leur faire acquérir le niveau que l'on souhaitait trouver chez ceux que nous embauchions quand nous travaillions dans les hôtels de luxe", compare le chef.
Ce niveau de formation semble être reconnu et apprécié par un nombre grandissant de grands hôtels et restaurants à travers tous les États-Unis : Hotel Bellagio de Las Vegas, Charlie Trotter's à Chicago, Fauchon et François Payard à New York, les 3 macarons Michelin à New York… pour ne citer que quelques-uns des établissements avec lesquels la French Pastry School collabore régulièrement pour placer ses étudiants et les diplômés.
Parallèlement à cette formation étalée sur plusieurs mois, la French Pastry School propose aussi à tous les professionnels du monde des sessions de 2 à 3 jours pour leur permettre de se perfectionner dans une technique en particulier. "Certaines sont complètement réservées 6 mois à l'avance comme ce fut le cas en 2005 pour la session animée par Albert Adria. Et cette année, pour la session qui sera dirigée par le chocolatier belge Jean-Pierre Wybauw", explique Anne Kauffmann, directrice marketing de l'école.
(www.frenchpastrychicago.com)

Martial Noguier, 42 ans, chef du One SixtyBlue, le restaurant de Michael Jordan à Chicago

Martial Noguier, chef du One SixtyBlue : "Aux États-Unis, on ne vous apprend pas seulement la performance culinaire. On vous apprend aussi à devenir un businessman."

"Rentrer en France ? Pour quoi faire ?", s'interroge Martial Noguier, 42 ans, parisien d'origine expatrié aux États-Unis depuis 16 ans.
Aujourd'hui chef du One SixtyBlue, le restaurant de Michael Jordan situé à l'ouest de la ville. Entré en cuisine pour échapper à l'internat dans lequel l'avait placé ses parents, Martial décroche un CAP de pâtisserie et un CAP de cuisine à l'école Ferrandi. Il apprend ensuite la dureté et les exigences du métier à travers des expériences plus ou moins longues dans les maisons de chefs étoilés (Alain Morel, Alain Ducasse, Alain Passard, Jacques Maximin, Alain Dutournier…). "Quand je travaillais à Paris, je me levais à 6 h 30 pour arriver à 8 h 30 en cuisine. De 15 à 17 heures, coupure, puis reprise du travail jusqu'à 23 heures. J'arrivais chez moi vers 1 h 30, épuisé pour recommencer le lendemain et 6 jours par semaine, sans aucune reconnaissance ni encouragement de la part du chef. Alors, un jour j'ai craqué. Je me suis dit qu'il y avait certainement mieux à voir ailleurs", se souvient-il avec une légère amertume. C'est ainsi qu'il décide de partir à Passadena en Californie avec le rêve américain en tête et 100 $ en poche. Il a alors 25 ans. "J'ai commencé par travailler illégalement en faisant le service du soir dans un petit restaurant de Venice Beach où je gagnais 5 $ de l'heure. Chose impossible aujourd'hui vu le durcissement des lois américaines sur l'immigration", raconte le chef avec nostalgie. C'est en 1990 qu'il pousse la porte de l'univers gastronomique américain avec la rencontre de Joachim Splichal à Patina et Michel Richard (à la tête de plusieurs restaurants Citrus et Citronnelle dans plusieurs villes de l'ouest des États-Unis). Ce n'est que 6 ans plus tard qu'il découvre Chicago, en tant que chef du restaurant de l'hôtel Pump Room. 3 ans plus tard, il est appelé par la compagnie du célèbre basketteur Michael Jordan pour redorer l'image de son restaurant de Chicago, le One SixtyBlue. "Aux États-Unis, on ne vous apprend pas seulement la performance culinaire. On vous apprend aussi à devenir un businessman. Il est inconcevable d'inscrire une recette à la carte sans avoir analysé au préalable son coût (prix des produits, prix du temps consacré à sa préparation) ni estimé son prix de vente par comparaison à la concurrence et au budget moyen de la clientèle. Je fais également constamment un gros travail d'anticipation pour deviner quels seront les produits à la mode les mois suivants, les événements culturels locaux dont je peux tirer profit pour faire un menu spécial, ainsi qu'un énorme travail de mailing et de relations publiques", explique Martial.

Christian Clair, 36 ans, sous-chef exécutif du Café des Architectes, le restaurant gastronomique du Sofitel Water Tower de Chicago

Ce qu'il aime le plus à Chicago ? "La diversité des produits et la possibilité de les cuisiner à n'importe quel moment de l'année."

Christian Clair est l'exemple type du jeune chef de cuisine entré chez Accor non pour son offre culinaire (il commence chef de cuisine dans un Ibis de province de 60 chambres), mais pour les possibilités d'évolution à l'international offertes par le leader européen du tourisme présent dans 140 pays. Après s'être formé 5 ans en France à la culture de l'entreprise et aux procédures internes, tout en perfectionnant sa technique culinaire dans un Mercure des Pyrénées tout près de la frontière espagnole, il se sent prêt à partir à l'étranger pour combler une lacune : apprendre l'anglais. "J'ai fait savoir que je souhaitais partir en Grande-Bretagne, destination plus facile que les États-Unis pour une première expatriation", confie-t-il. Envoyé dans un Novotel de Birmingham, au centre de l'Angleterre, entre Londres et Manchester, le jeune homme, alors âgé de 27 ans, traverse une période difficile. "J'ai découvert une ville pauvre sur le plan gastronomique, et un pays où la restauration n'est pas considérée comme un métier, se souvient-il. Au bout d'un an, j'ai demandé ma mutation en Australie. 6 mois plus tard, on me proposait un poste de responsable banquet au Sofitel de Minneapolis. J'ai accepté sans hésiter et remis mon rêve australien à plus tard." Cette montée en gamme lui convient bien et il prouve qu'il est compétent pour gérer des volumes beaucoup plus importants. Un an plus tard, la direction de l'hôtel lui confie l'ouverture de la Fougasse, un restaurant à tendance méditerranéenne. Succès. Il est promu sous-chef exécutif, puis transféré début 2002 pour la pré-ouverture du Sofitel Water Tower de Chicago. Lorsque son supérieur Fréderic Castan libère la place chef exécutif*, Christian refuse délibérément le poste, pour se laisser le choix d'une nouvelle aventure, ailleurs. "Aux États-Unis, en Australie ou en Europe, je ne sais pas, cela dépendra des opportunités… mais certainement pas en France", conclut le chef profondément motivé par le besoin de s'enrichir d'autres cultures.

*Fréderic Castan est actuellement executive chef au Saint-Regis de Los Angeles.

 

3 questions à Dominique Tougne, chef associé du Bistro 110 à Chicago

Très impliqué dans la vie locale de Chicago, Dominique Tougne est aussi toujours prêt à conseiller - à leur faire profiter de son réseau de relations - les jeunes chefs ou entrepreneurs français projetant une expatriation aux états Unis.

Quelles sont vos responsabilités aujourd'hui ?
Je suis chef exécutif et associé du Bistro 110*, un restaurant français de 340 places (terrasse comprise). Je gère ce restaurant en véritable chef d'entreprise. On sert régulièrement
1 500 couverts/jour et cela nous arrive de grimper jusqu'à 1 800. Nous employons 130 personnes au total. Notre chiffre d'affaires 2005 atteint 7,3 millions de dollars avec une marge bénéficiaire de 15 à 20 %. Cela peut paraître invraisemblable en France, mais ce n'est pas le cas aux États-Unis en raison de la flexibilité de la législation du travail, et le faible montant des charges salariales.

Cela implique-t-il des conditions de travail plus dures pour les salariés ?
C'est vrai qu'ils doivent travailler beaucoup. En moyenne 40 heures/semaine, sans vacances la première année, et avec seulement 2 semaines annuelles pendant les 4 suivantes. Mais, paradoxalement, je constate aussi que je n'ai jamais fait autant de social depuis que je travaille dans une économique ultra-capitaliste comme les États-Unis. Grâce aux bénéfices que nous faisons, je peux mener une politique RH encourageante pour mes équipes (système de bonus et d'augmentation, possibilité de souscrire une assurance santé, fête du personnel organisée deux fois par an…). De savoir que mon entreprise permet de faire vivre décemment plus de
100 personnes et leur famille est pour moi une de mes plus grandes satisfactions.

Que conseillez-vous aux jeunes tentés par le rêve américain ?
De tenter l'aventure sans se décourager, de préférence en entrant dans une chaîne internationale, et une fois sur place, de commencer sans tarder les démarches pour obtenir une carte verte. Je déconseille vivement aujourd'hui de travailler sans autorisation de travail. Les risques sont trop importants. S'ils sont travailleurs, l'Amérique le leur rendra. S'ils ont en plus le sens du business, ils pourront le développer et gagner beaucoup plus d'argent qu'en France.

*Qui vient d'être repris par le groupe anglais Compass.

L'emploi à l'international

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Complément d'article 2979p6

3 questions à Marie Vavassori, attachée hôtellerie-croisière restauration de la mission économique de Chicago

L’Hôtellerie Restauration : Comment aidez-vous les professionnels du secteur CHR qui souhaitent s’implanter à Chicago ?
Marie Vavassori : Nous pouvons leur apporter de nombreuses informations à la fois nécessaires et utiles dans la phase qui précède l’acte de création d’entreprise : données économiques, conseils, mise en relation avec des professionnels de la ville et des fournisseurs locaux, aide à la réalisation du business plan… Tout cela pour leur donner une vue générale des avantages et des contraintes à ne pas négliger.

Quel est le profil de ceux qui s’adressent à vous ?
Le plus souvent, ce sont des professionnels du métier qui rêvent d’une nouvelle vie et d’Amérique.

Quelles sont vos mises en garde ?
Ils doivent avoir en tête que Chicago est une ville chère. Il faut donc avoir des capacités d’investissement conséquentes. Le succès est possible, mais pour les restaurateurs, il implique de trouver (et d’avoir les moyens) un emplacement situé dans le centre, de grande surface et élégant. L’analyse de marché est donc un préalable indispensable. Là encore, nous pouvons lui donner le maximum d’informations et l’orienter vers des interlocuteurs compétents.

 

Chicago en chiffres
Population 2,9 millions d’habitants (3e plus grande ville des États-Unis)
Population française estimée 4 000 dont 2 000 immatriculés au consulat de France
Nombre de restaurants Entre 6 000 et 7 000
Nombre de chambres d’hôtel 101 926 en 2005

 

Organismes utiles

Le Vatel Club du Midwest
Association de chefs français
Michel Bouit
MBI, Inc.
1121 S. Clinton Street
Chicago, IL 60607
Tél. : 312 663 5701/5702 Fax
Restaurant Association www.restaurant.org

 

Mission économique de Chicago/Détroit

205 North Michigan Avenue, suite 3730
Chicago Illinois 60601
Tél. : 001 312 327 5243
Fax : 001 312 327 5251
www.missioneco.org/etatsunis
Contact de l’attachée hôtellerie-croisière-restauration marie.vavassori@missioneco.org

 

La French American Chamber of Commerce de Chicago

www.facc-chicago.com/index.htm

L’Ufec (L’Union des Français de l’étranger)
www.facc-chicago.com/index.htm

Salon professionnel
Le NRA Show www.restaurant.org/show organisé par National Restaurant Association (www.restaurant.or). Axé à 70 % vers les professionnels de la restauration contre 30 % pour l’hôtellerie, il se tient chaque année aux alentours de mai. Il est l’un des plus importants des Etats-Unis.

 

Adresses des établissements cités dans l’article

The French Pastry School at City Colleges of Chicago
226 West Jackson Blvd
Suite 106
Chicago, Illinois 60606
www.frenchpastryschool.com

CDA (Café des architectes)
Hotel Sofitel Water Tower
20 East Chestnut Street
Chicago, IL 60611
www.sofitel.com
Genre : Restaurant gastronomique français
Capacité : 84 couverts
Chiffre d’affaires : 2 millions de dollars, soit 1/5 du CA F&B
Ticket moyen : 65 $ TTC
Employés : 12 en cuisine, 10 en salle
Nombre de Français : 2

One SixtyBlue
1400 West Randolph Street (Randolph at Ogden)
Chicago, IL 60607
www.onesixtyblue.com
Genre : Restaurant gastronomique français
Capacité : 200 places, dont 1 salle privée de 12 place et 35 places au bar
Ticket moyen : 100 $ TTC vin compris
Chiffre d’affaires 2005 : 4 millions de dollars
Employés : 15 en cuisine, 14 en salle (aucun Français)

Bistro 110
110 East Pearson Street
Chicago
Illinois 60 611
www.levyrestaurants.com
Genre : Bistro français
Capacité : 200 places + 140 en terrasse
Chiffre d’affaires 2005 : 4 millions de dollars
Employés : 130, dont 35 en cuisine et 60 en salle

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L'Hôtellerie Restauration n° 2979 Hebdo 1er juin 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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