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du 28 avril 2005
MICHELIN 2005

Pour le sixième directeur du guide Michelin, 2005 sera une année phare, celle de la première édition pilotée sous sa direction. L'occasion pour L'Hôtellerie Restauration de faire un zoom sur la carrière de cet ancien de l'école hôtelière Jean Drouant.
TIPHAINE BEAUSSERON

Pour maintenir la notoriété du guide en France et à l'étranger

Jean-Luc Naret, directeur-voyageur

Tout comme ses fonctions, Jean-Luc Naret dégage une part de mystère. L'homme doit sans doute la cultiver et s'en amuser. On subodore facilement que l'art de manier le secret doit faire partie des qualités requises pour assumer le poste, unique en son genre, de directeur du guide rouge. Sans surprise, ses rapports avec la firme au Bibendum ont d'ailleurs débuté en toute discrétion. "J'ai signé mon engagement avec une clause de confidentialité en décembre 2002. En septembre 2003, je rentrais chez Michelin, en commençant comme tous les cadres du groupe par un passage à Clermont-Ferrand dans l'usine de pneumatiques", se souvient-il. C'est donc uniquement après avoir goûté à la culture d'entreprise 'Groupe' qu'il s'imprègne de celle du guide proprement dit.
Il intègre l'équipe Cartes et guides en décembre 2003 avant d'être officiellement nommé directeur du guide rouge le 1er juin 2004. Une transition de 6 mois pendant laquelle il 'vadrouille' incognito avec des inspecteurs du guide, profitant de n'être pas encore connu sous sa casquette de successeur de Derek Brown. Ce sont 6 mois d'apprentissage pour comprendre concrètement en quoi consiste la mission des inspecteurs, leurs contraintes et objectifs, pour étudier la place du guide rouge dans le pôle 'Éditions des Voyages' de la firme de pneumatiques, et au sein du groupe même. Six mois indispensables pour mesurer le positionnement stratégique et commercial (vente, marketing, communication) du guide gastronomique. Pour acquérir une vision suffisamment complète et globale de la politique à mener pour maintenir et développer la réputation du guide en France et à l'étranger. Bref, pour être prêt à assumer le titre de directeur du Michelin sans y avoir fait carrière*.

Directeur général avant 30 ans
Contrairement à ses prédécesseurs, c'est ailleurs dans le monde de l'hôtellerie internationale de luxe que cet ancien diplômé de l'école hôtelière Jean Drouant s'est bâti une solide réputation professionnelle. Cet amoureux des voyages et de l'art de recevoir débute en 1982 comme maître d'hôtel à bord du train The Venice-Simplon-Orient Express. Coup de théâtre : lors du voyage inaugurant la remise en service du train historique créé en 1883, le jeune homme recruté sur annonce dans le journal L'Hôtellerie s'en voit confier la direction. Un démarrage inattendu qui le propulse responsable d'un véritable hôtel de luxe ambulant (le train comporte alors 17 voitures-lits, transporte 195 passagers et emploie 95 salariés), et marque le début de 20 ans de carrière dans l'hôtellerie haut de gamme, essentiellement concentrée à l'international.
Après deux années passées à redynamiser l'offre d'un luxueux hôtel à bungalows de Bora-Bora, et 4 ans à l'Hôtel Bristol (Paris VIIIe) comme attaché de direction puis sous-directeur, c'est à l'île Maurice qu'il pose ses bagages. "Je m'étais fixé comme objectif de devenir directeur général avant 30 ans", se souvient-t-il. Pour le jeune ambitieux alors âgé de 29 ans, le but est donc atteint.
De cette expérience, il se souvient particulièrement de ce qu'il a entrepris pour impliquer les équipes de Mauriciens et d'autres nationalités et les rendre acteurs de la vie de l'entreprise.
Convaincu que la réussite d'un produit hôtelier de luxe est conditionnée par le 'coeur des hommes' qui y travaillent, il mise sur son personnel pour "recréer l'âme de l'hôtel. Nous avons mis sur pied un système leur permettant de dormir sur place pendant une nuit afin qu'ils puissent se mettre à la place du client. Autre exemple : pendant les 3 mois de basse saison, les employés de l'hôtel travaillaient 1 mois dans un autre service que le leur. Enfin, on a également créé la possibilité - pour ceux qui le souhaitaient -
de retourner à l'école quelques semaines afin d'améliorer leur culture géographique, économique et linguistique. On a même organisé la réplique du jeu télévisuel Questions pour un champion avec le présentateur Julien Lepers pour l'animation de la finale dans un studio recréé de toutes pièces pour l'occasion", se remémore l'ancien directeur de l'hôtel, amusé. Il n'empêche que le succès de ses opérations fut au rendez-vous. "En investissant dans les hommes, on est passé de 7 à 33% de profit net", complète-t-il.

Un métier de métiers
Pour ce professionnel passionné d'ouvertures d'hôtel, le métier de directeur général est "un métier de métiers. Un peu comme un chef d'orchestre qui dirige une symphonie. Chaque musicien maîtrise sa partition, et il n'y a pas de concert possible sans eux. Cela dit, c'est le chef d'orchestre qui crée l'harmonie. Il ne manie pas forcément tous les instruments mais les connaît suffisamment bien pour savoir comment les musiciens doivent en jouer. Un directeur général d'hôtel, c'est un peu pareil", explique-t-il. Ainsi donc, pour Jean-Luc Naret, être directeur général n'implique pas de connaître tous les métiers en profondeur. Par contre, il lui faut être doté d'une faculté de prise de recul et d'analyse professionnelle lui permettant de déterminer où sont les besoins, et comment y remédier. Faculté qui s'acquiert par expérience à des postes-clés mêlant contraintes de terrain et responsabilités financières.
Lorsqu'il est approché par un chasseur de têtes pour le poste de directeur du guide rouge, l'idée d'opérer un revirement de carrière le séduit. Ce qui est logiquement compréhensible après quasiment 20 ans de direction d'hôtel. À 44 ans aujourd'hui, Jean-Luc Naret a donc fait halte dans la capitale, au 46 avenue de Breteuil. Il n'en est pas devenu sédentaire pour autant puisqu'il ne cesse de voyager. "Je passe en moyenne 3 semaines par mois hors de France", confie-t-il. Ainsi, si l'ancien de Médéric a changé de métier, il semble toujours aussi accro à ce qui l'avait fait entrer dans l'hôtellerie-restauration 20 ans plus tôt : le goût des voyages. Quoi de plus logique pour celui qui est aujourd'hui à la tête du guide le plus médiatisé du pôle Éditions des Voyages du groupe Michelin… zzz22i

*Les 5 précédents 'patrons' du guide, Pierre Bourdon-Michelin (jusqu'en 1945), René Pauchet (1945-1968), André Trichot (1968-1985), Bernard Naegellen (1985-2001) et Derek Brown (2001-2004), avaient tous exercé des fonctions au sein du guide Michelin avant d'être nommés directeurs.

Parcours express
15 ans 1/2

Titulaire d'un bac B

18 ans
Diplômé de l'école hôtelière Jean Drouant (Paris XVIIe)
21 ans
Directeur du train The Venice-Simplon-Orient Express
23 ans
Directeur Food and Beverage de l'Hôtel Bora-Bora à Bora-Bora (Tahiti)
25 ans
Sous-directeur de l'Hôtel Bristol (Paris VIIIe)
29 ans
Directeur général de l'Hôtel One & Only Le Saint-Géran (île Maurice)
33 ans
Participe à la réouverture du One & Only Palace de Lost City (Afrique du Sud)
35 ans
Participe à la réouverture du One & Only Ocean Club à Paradise Island (Bahamas)
36 ans
Créateur et directeur général de l'hôtel The Residence Mauritius (île Maurice)
39 ans
Directeur général de l'hôtel The Sandy Lane Barbados (La Barbade)
41 ans
Directeur des opérations pour Serena Hotel Group (Groupe de l'Aga Khan)
43 ans
Succède à Derek Brown en tant que nouveau directeur du guide rouge

Aperçu de ses responsabilités

Il est bien évidemment impossible de résumer les fonctions d'un directeur général en quelques lignes. Toutefois, voici un résumé de quelques-unes de ses principales responsabilités.

Pôle management
• Gérer et animer une équipe de 6rédacteurs en chef qui, avec les 70inspecteurs du guide, assurent la sélection des meilleures adresses d'hôtes et de restaurants dans 12pays
• Maintenir la liaison avec et entre les équipes dispersées dans les différents États et les manager à distance, mais aussi prendre la peine d'aller à leur rencontre régulièrement (Jean-Luc Naret se déplace à l'étranger environ 3semaines par mois)
• Veiller avec eux à l'harmonie et à l'homogénéité du standing des hôtels et restaurants sélectionnés (par exemple, 1étoile en France doit correspondre à 1étoile en Espagne, en Belgique ou en Italie), et être le garant de cette sélection
• Tenir des réunions régulières avec les inspecteurs pour analyser les propositions de classement sous tel ou tel symbole

Pôle stratégie de développement
• Réfléchir, élaborer et proposer de nouvelles classification (ex. : les Espoirs pour 1, 2 ou 3 étoiles dans le guide Michelin, les 'Gastropubs' en Grande-Bretagne)
• Moderniser certains pictogrammes de classification ou en concevoir de nouveaux
• Être constamment à l'écoute des attentes des clients et de l'évolution des marchés potentiels pour innover au bon moment pour le lancement
de nouveaux guides (ex. : lancement d'un guide Michelin New York, et éventualité d'un guide sur le marché asiatique…)
• Veiller à ce que la sélection du guide Michelin soit bien transmise sur le net www.viamichelin.com et accessible sur les équipements de navigation embarquée (GPS et PDA), ainsi que sur les téléphones portables
• Réaliser des enquêtes de développement et des études d'attente clients (qualité et quantité)

Pôle financier
• Atteindre des objectifs de rentabilité avec un budget établi selon un plan pluriannuel sur 5 ans

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