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du 27 janvier 2005
ACHATS

La restauration française change peu à peu ses habitudes côté tenues de salle, et s'autorise enfin un peu plus de décontraction…
KATIA KULAWICK

Tenues de salle

Les nouvelles tendances

Jacques_Caillaut.jpg (13017 octets)
Tablier Bragard créé exclusivement pour l'équipe en salle du restaurant d'Alain Ducasse Mix in New York.


De nouveaux tabliers chez Fauchon.

Pas de révolution, mais une lente évolution des tenues de salle dans la restauration française. La tendance phare du moment ? Le retour du tablier, en version chic et colorée, qui se développe à vitesse grand V auprès du grand public… comme des professionnels. Dans sa nouvelle boutique traiteur, place de la Madeleine, Fauchon a rhabillé son personnel de tabliers aux couleurs noir et rose : tabliers noirs deux poches en toile de jean pour les hommes et tabliers seyants pour les femmes, le tout porté sur des t-shirts et pantalons noirs. Les hôtesses d'accueil endossent des tabliers avec deux gros noeuds signés par la créatrice Corine Cobson, des tabliers tellement craquants qu'ils pourraient être aussi vendus au grand public tôt ou tard. "Le tablier sert d'uniforme mais n'est pas trop 'rigide', il restitue l'approche professionnelle du personnel. Il exprime le côté parisien et chic de la marque, en toute décontraction", explique-t-on chez Fauchon. Dans son pavillon Élysée, Lenôtre vend avec de beaux tabliers dans les tons de la maison, orange et marron. L'Atelier du Vin a sorti une ligne de tablier 'winewear' pour hommes et femmes, des tabliers en denim bretelles ajustables et imprimés. Bref, le tablier a la cote auprès du grand public. C'est le cadeau idéal à décliner, la prolongation d'un instant gourmand ou gastronomique, le souvenir d'un bon moment (que ce soit dans un cours de cuisine ou au restaurant) à remporter chez soi…

Le come-back du tablier


Tablier 'Couture' de l'Atelier du Vin.


La mode gagne les cuisines. C'est important, surtout quand elles sont ouvertes sur la salle. Veste Maracana de Clément.

En attendant que les restaurants ne se mettent à vendre leur propre ligne de tabliers, on constate son retour en salle, même dans les lieux les plus branchés, à commencer par le groupe Alain Ducasse : Au Mix in New York, le créateur Joseph Abboud a habillé les serveurs de chemises roses et de pantalons noirs, d'une cravate bleue et d'un tablier créé exclusivement pour Mix New York par Bragard. Le sommelier porte, lui, une chemise grise et un tablier de boucher en cuir marron (exclusivité Bragard pour Alain Ducasse). Dans les restaurants Spoon, les serveurs portent un pantalon noir (Bragard), une chemise blanche (Georges Feghaly), des boutons de manchette, une cravate spoon (noir, bleu ciel, rouge, jaune, orange, Georges Feghaly) et un tablier blanc avec un logo central et un tour de cou en cuir (Clément). Au restaurant Aux Lyonnais à Paris, les serveurs portent un tablier bordeaux, et le sommelier, un tablier de cuir. Ghislaine Oudry, responsable gastronomie chez Bragard, confirme cette tendance : "Le tablier dans les couleurs chocolat, prune, safran, olive, beige, bleu et marron fait un malheur. Nous brodons souvent le nom du restaurant en couleur fluo, et nous réalisons des coordonnés gilet-tablier. Le t-shirt a fait son apparition il y a 2-3 ans, puis on a vu le polo noir, le col mao. Aujourd'hui, dans les restaurants semi-gastro, on trouve des gilets en tissu rayé, plus décontractés ; il n'y a plus forcément de veste. Dans l'ensemble, il y a davantage de décontraction ; le tablier aurait été inimaginable en salle il y a 10 ans, il était réservé aux brasseries de luxe… On constate aussi pas mal de chemises avec un col officier portées à l'intérieur ou en liquettes. En gastronomie comme en brasserie, on retrouve beaucoup de boutons en métal, une inspiration rétro et art déco. En brasserie, il y a beaucoup de grands tabliers, et l'on joue sur le graphisme noir et blanc, avec le gilet de limonadier pour donner un côté année 1930. On vient du monde entier pour voir les tenues des Deux Magots ou des Folies Bergères : le tablier blanc, le rondin, le style 1920 des grands cafés de Paris sont des institutions qui ne changeront pas… La gastronomie française a du mal avec le changement, elle est très traditionnelle." Autre domaine intouchable, la haute gastronomie : "En gastronomie, pas de changement. Le col du smoking évolue, le croisé se fait plus ou moins grand et large, mais le smoking ne va pas disparaître de sitôt chez Alain Passard ou au Grand Vefour… Par contre, on évolue dans le tissu pour éviter le pressing. On trouve maintenant des costumes stretch en lycra lavables en machine." Pour Thierry Bouville, directeur associé de la société Clément à Nice, spécialisé dans les restaurants gastronomiques, la demande pour la salle est en train de bouger : "Il y a une demande de vêtements japonisants : une veste sans bouton, épurée, devenue un standard. Il y a une saturation du classique chemise-noeud papillon." Bref, des vêtements plus appropriés aux nouveaux concepts du style Spoon ou des salles lounge. Thierry Bouville est même en train de travailler sur une version revisitée du kimono… Avec le phénomène des cuisines ouvertes, la cuisine s'est aussi sentie obligée de faire un effort et s'harmonise parfois à la salle. Ainsi, on a pu constater chez Joël Robuchon que dans les cuisines comme dans la salle, tout le monde porte des tabliers et des tenues noirs. Thierry Bouville reprend : "Au restaurant Parcours de Jean-Marc Delacourt, ils portent des tabliers beiges avec deux liserés marron, tout comme chez Michel Sarran à Toulouse. Hippopotamus nous demande en ce moment dans le même esprit un tablier, et pour Charlot, le restaurant de coquillages de la place de Clichy à Paris, nous travaillons autour du bleu marine. Le pantalon noir se démocratise en cuisine, comme les chaussures d'ailleurs, mais on ne vend plus de pieds-de-poule par exemple." Suivant le rythme de la mode, les tendances accélèrent aussi chez les professionnels. "Avant, un catalogue durait 2 ans ; maintenant, ça va très vite. Notre coeur de cible étant les restaurants étoilés, on ne peut pas se permettre de les déguiser. En France, on est très sobre." Et pourtant… "Nos premiers tabliers, nous les avons faits pour Nicolas Le bec il y a 4 ans : le pâtissier était en gris et le chef en noir. Depuis, le noir s'est démocratisé, c'est la troisième meilleure vente, mais c'est un cycle, on reviendra au blanc… Le gris anthracite marche très bien. Il y a aussi une demande pour les vestes de couleur en cuisine, et quand les chefs les ont vus, ça leur a donné des idées pour la salle… Le marron est très tendance, le noir, incontournable, et en ce moment nous sommes en train de travailler sur des parmes, violet-orange-vert pour des boutiques de chocolatiers, mais aussi le beige et le bordeaux."

Et à l'étranger ?
À l'étranger, les propositions sont difficilement comparables puisque la demande et le goût de la clientèle ne sont pas forcément les mêmes qu'en France. Toutefois, certaines idées sont bonnes à prendre, comme chez Jamie Oliver à Londres, où les serveurs portent des chemises du créateur anglais Paul Smith, alors que dans sa Trattoria, toute l'équipe porte des t-shirts à l'effigie de Jamie Oliver qui sont également en vente sur son site www.jamieoliver.com

L'uniforme, le reflet de l'établissement


Tenue pour maître d'hôtel signée Febvay.

Les tenues de salle sont un détail qui constitue l'harmonie générale d'un établissement. Elles sont aussi importantes que le décor, mais on y pense beaucoup moins souvent... "Notre travail est lié à celui des architectes. On part de la décoration. Nous assortissons les couleurs des tenues aux tentures", affirme Ghislaine Oudry de Bragard. L'architecte d'intérieur et designer Bruno Borrione confirme que la question des tenues du personnel dans un établissement est parfois prise à la légère. Diplômé de l'École Boulle et responsable du département architecture intérieure dans l'équipe de Philippe Starck, il a planché sur l'hôtel Mondrian à Los Angeles, le Hudson Hotel à New York, le Bon 2 à Paris, etc. "Les tenues sont en général assez classiques parce que les gens sont frileux et que l'offre est standard. Ça ne veut pas dire qu'ils ne veulent pas de changement, mais ils ne savent pas trop… Les tenues du personnel, c'est toujours le parent pauvre parce qu'on ne le confie pas à l'architecte d'intérieur et que souvent, on ne prend pas de styliste. La plupart du temps, c'est la femme du patron qui s'en charge." Bruno Borrione a signé le stand Pôle Hôtellerie Lorraine au dernier salon Equip'Hôtel et a signé avec Febvay à Nancy (confection de vêtements sur mesure, en particulier pour les CHR depuis 1947), un hôtel imaginaire avec des prototypes de tenue pour gouvernantes, réceptionnistes, maîtres d'hôtel et portiers. L'architecte avait une idée précise de ce qu'il voulait : "J'avais une vision de l'uniforme en tant qu'utilisateur, parce que je passe pas mal de temps dans les hôtels et le manque d'imagination m'a toujours gêné. L'élégance et la sobriété sont importantes parce que le client ne doit pas avoir l'impression d'être moins bien habillé que le personnel. On doit reconnaître un uniforme, mais ne pas avoir honte, être fier de travailler dans cette tenue. Il faut redonner un statut à l'uniforme."
C'est aussi l'avis de Jean-Charles de Castelbajac qui a créé JC de Castelbajac Uniform en collaboration avec Bragard, et qui a déjà signé des tenues pour le personnel des Sofitel et les tenues de salle du Publicisdrugstore sur les Champs-Élysées. "L'uniforme n'est pas l'uniformité : il se doit d'être le reflet de la philosophie d'une entreprise, de ses facteurs humains, du caractère de son équipe, et de sa dynamique dans la modernité. L'uniforme est le miroir, le reflet de la communication d'une société", confirme Jean-Charles de Castelbajac. Mais l'un des exemples les plus marquants du moment est sans doute l'alliance entre Karl Lagerfeld et Alain Ducasse au restaurant Beige à Tokyo, qui a ouvert en décembre en haut du building Chanel. Karl Lagerfeld y signe les tenues du personnel à la hauteur de son talent... Une première joint-venture entre une marque de mode et un grand chef. Une idée séduisante et qui ouvrira peut-être une nouvelle voie pour la mode dans le monde de la restauration… < zzz42x

Les recettes style des restaurateurs
Valérie Balard, gérante de L'Envue, 39 rue Boissy d'Anglas à Paris (VIIIe)
"Mes serveuses ont des bustiers le soir. Le midi, ça dépend : cet été, elles avaient un haut rose un peu décolleté ; l'hiver on rajoute des manches longues dans les tons rose et taupe. L'an dernier, elles avaient un haut rose avec des bottes et une jupe. La tenue du personnel fait partie d'une multitude de détails dont on a besoin pour capter l'attention des clients : c'est le personnel qu'on voit en premier. Pour nous, c'est sympa de s'habiller ainsi, mais il faut que tout soit en harmonie, c'est un ensemble. Il ne faut pas non plus que ce soit aguicheur mais que ça reste féminin. C'est raffiné, on n'est pas au Bermuda Onion ! Mais les tenues dépendent aussi du quartier : à Bastille, ce concept aurait été une dérive ; ici les gens savent se tenir. Et puis si je fais une faute de goût, mes clients le voient tout de suite. La tenue, c'est un plus : les hommes y font attention, les femmes aussi. Je fais mon shopping chez H&M ou d'autres marques de ce genre, et l'on choisit nos tenues ensemble avec les filles. Ce que je reçois par courrier via les catalogues n'est pas assez sophistiqué. Mais cette solution est possible parce que nous sommes une petite structure."

William Ledeuil, chef et directeur de Ze Kitchen Galleries, 4 rue des Grands Augustins à Paris (VIe)
"On n'a pas opté pour quelque chose de particulier, on n'a pas looké les gens avec une marque, il y a un minimum de liberté à partir du moment où l'on respecte l'esprit contemporain de la maison. C'est au bon goût de chacun, j'ai un personnel qui soigne son apparence et qui attache de l'importance au vestimentaire. Il n'y a rien qui flashe ou qui dénote.
Les codes vestimentaires sont en train de changer pour la clientèle : on est capable de reconnaître le banquier de l'architecte et du VRP. Eh bien, c'est un peu pareil dans nos professions entre la brasserie, le restaurant gastronomique, le bistrot, etc. Pour moi, les restaurants ne devraient plus être classés dans une catégorie, il faut vivre avec son temps. Côté vestimentaire, c'est pareil. On attire les gens parce que l'on présente en salle…"

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L'Hôtellerie Restauration n° 2909 Magazine 27 janvier 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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