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du 29 septembre 2005
JURIDIQUE

VOTRE ARGENT

LES CONSÉQUENCES OUBLIÉES DES DONATIONS SARKOZY

La possibilité de donner jusqu'à 30 000 E en espèces, en franchise totale d'impôts et sans formalités compliquées à ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants - ou en l'absence de descendance, à ses neveux ou nièces - a suscité l'enthousiasme des Français. C'est d'ailleurs pour cette raison que le dispositif prévu initialement jusqu'au 31 mai 2005 a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2005, et le montant maximum du don, limité dans un premier temps à 20 000 E, relevé avec effet rétroactif au début de la mesure à 30 000 E.

Mais si un ministre peut, par une mesure législative, modifier temporairement le Code général des impôts, les règles du Code civil en matière de donation demeurent. Attention donc aux conséquences 'civiles' de vos donations pour la paix future de votre famille.
Tout d'abord, une donation Sarkozy, comme toute libéralité, doit respecter 'la réserve'. Il s'agit de la part de votre patrimoine dont vous ne pouvez disposer librement, et qui revient de droit à vos héritiers. Ainsi, si vous avez 2 enfants, les 2/3 de vos biens leur reviennent obligatoirement et vous ne pouvez disposer librement que du tiers restant.
Or, première conséquence oubliée des donations Sarkozy : l'atteinte à la réserve souvent provoquée par les donations réalisées en faveur des petits-enfants. Par exemple, il suffit que des grands-parents généreux -mais dont le patrimoine est limité - décident de donner 30 000 E à chacun des enfants de leur enfant marié pour que la réserve de celui qui est encore célibataire soit entamée. À leur décès, le fils ainsi privé d'une part de son héritage pourra contester les dons effectués et exiger leur 'réduction'. Ce qui signifie concrètement que les sommes données devront être restituées partiellement ou totalement par les petits-enfants… Un beau conflit de famille en perspective !
Autre risque méconnu des dons Sarkozy : ils sont assimilés à des dons manuels en raison de leur absence de formalisme. En effet, les bénéficiaires doivent simplement remplir et déposer un imprimé de don spécifique (formulaire n° 2 730) à leur Centre des impôts. Aucun acte notarié n'est exigé.
Or, un don manuel, qu'il entre ou non dans le cadre du dispositif Sarkozy, est considéré, à défaut de précisions, comme réalisé en 'avancement d'hoirie', c'est-à-dire comme une avance sur la succession future. Il faudra donc le rapporter à la succession du donateur si le bénéficiaire du don est un héritier afin de rétablir l'égalité du partage. Le problème se complique si la somme donnée a servi à acquérir un bien qui s'est valorisé, car c'est sa valeur au jour de la succession qui doit être prise en compte au moment dudit partage.
Prenons l'exemple de deux frères qui ont perçu en 2005, chacun un don de 30 000 E de la part de leur mère. L'un a utilisé cette somme pour compléter le financement du logement qu'il souhaitait acquérir alors que l'autre a acheté une voiture, et a fait un voyage. Si le droit des successions n'a pas été modifié le jour du décès de leur maman, le premier fils devra rapporter à la succession la somme revalorisée reçue en donation (soit 60 000 E si la valeur du logement acquis a doublé), alors que le second fils n'aura à rapporter que 30 000 E (sa voiture n'ayant plus aucune valeur vénale). Du coup, le fils bon gestionnaire sera pénalisé. Est-ce vraiment ce que souhaitait sa mère ?

Les parades possibles
Soyez rassuré : il existe des parades permettant de bénéficier des possibilités fiscales offertes par le dispositif Sarkozy tout en respectant les règles du Code civil.
Bien entendu, les solutions les plus sûres - d'un point juridique - demandent l'intervention d'un notaire, et donc, généreront des frais. Sachez toutefois que si le donateur prend à sa charge le coût de l'acte notarié, l'administration fiscale ferme les yeux et ne considère pas qu'il s'agit d'un nouveau don. Un cadeau de Bercy pour encourager les actes notariés !
Et comme les problèmes successoraux ne se posent qu'en présence de plusieurs héritiers, la parade idéale aux risques susceptibles de découler des donations Sarkozy est la donation-partage. Il n'est pas obligatoire de la réaliser immédiatement ; vous pouvez attendre l'occasion d'un nouveau don. Vous demanderez alors à votre notaire de réintégrer les dons manuels effectués dans cette donation-partage, et de stipuler que les donations Sarkozy effectuées seront, selon votre choix, soit 'dispensées de rapport', soit rapportées pour leur valeur initiale.
Si vous ne pensez pas devoir effectuer de nouveaux dons, vous pouvez également demander à un notaire de rédiger un acte précisant que les dons réalisés dans le cadre du dispositif Sarkozy ont été réalisés 'par préciput et hors part'. Ils seront ainsi considérés avoir été prélevés sur la quotité disponible, et ne devront pas être rapportés à la succession. Mais cette solution a aussi un coût puisqu'il faudra payer les frais de l'acte notarié. À noter que vous pouvez également donner cette précision par voie testamentaire.
Il est également possible de se contenter de la rédaction d'un 'pacte adjoint', acte sous-seing privé, c'est-à-dire un document écrit, rédigé entre le donateur et le donataire sans intervention d'un notaire. Il permet au donateur de préciser notamment le 'mode d'emploi' de la somme donnée tant immédiate que future.
Il est ainsi possible de prévoir que le don est 'préciputaire et hors part', mais aussi, si vous le souhaitez, que les sommes données devront être versées sur un contrat d'assurance-vie, qu'elles ne tomberont pas dans la communauté conjugale ou seront indisponibles jusqu'à ce que le donataire ait fêté ses 18, 20 ou 25 ans. On peut inscrire toutes les clauses de son choix à condition, bien entendu, qu'elles ne soient pas contraires aux bonnes moeurs ou à la loi. Et si vous souhaitez donner à votre pacte adjoint une valeur juridique plus importante, il suffit de le présenter à la formalité fiscale de l'enregistrement (coût : 75 E).
Sachez toutefois que même enregistré, un pacte adjoint n'aura jamais le même poids juridique qu'un acte notarié en cas de conflits importants entre vos héritiers. Ils pourront toujours le contester sur la base de l'article 919 du Code civil (second alinéa), qui dit que la déclaration d'un don est à titre de préciput et hors part, et qu'elle ne peut être faite que par le biais de l'acte constatant le don. Or, en matière de don manuel, il n'y a pas d'acte ! Et s'ils n'obtiennent pas les résultats escomptés, il leur restera l'article 1 130 du Code civil, qui interdit les stipulations sur successions futures. Mais on peut imaginer que même en présence d'un testament ou d'actes notariés, des héritiers qui ne s'entendent pas trouveront toujours un motif de contestation.
En conclusion, soyez généreux, mais n'oubliez pas que la simplification apportée par le dispositif Sarkozy n'est que fiscale ; la réforme du droit civil des successions n'est - pour l'instant - qu'à l'état de projet. Prenez donc les précautions nécessaires pour que vos cadeaux ne s'avèrent pas un jour empoisonnés.

Marie-Claude Barbier zzz66f

MÉMO

Les grandes lignes du projet de réforme du droit des successions
Le projet de réforme, qui poursuit son chemin malgré les changements ministériels intervenus, repose sur 3 grands axes. Il s'agit, en premier lieu, d'accélérer et de sécuriser le règlement des successions, notamment en clarifiant les règles applicables en matière d'option héréditaire, et en simplifiant celles qui concernent la liquidation et le partage des successions. Le second objectif de la réforme vise à renforcer la liberté testamentaire en autorisant les pactes de renonciation à la réserve, et en favorisant les règlements anticipés des successions, notamment par un recours facilité aux donations-partages. Enfin, le dernier axe de la réforme devrait permettre d'adapter le droit des libéralités aux nouvelles configurations familiales (familles recomposées) et aux besoins spécifiques en matière de transmission des entreprises. Au total, plus de 200 articles du Code civil sont concernés par la réforme.

Donations : nouveautés à venir
Mi-septembre, le ministre délégué au Budget, Jean-François Coppé, a annoncé la possibilité de réduire de 10 à 6 ans, le délai à respecter entre 2 donations pour bénéficier de nouveau de l'abattement de 50 000 E en cas de donation d'un parent à un enfant.
Il a été aussi évoqué la possibilité de créer un nouvel avantage fiscal en faveur des parents et grands-parents qui prêteraient une somme d'argent à un enfant ou petit-enfant afin de l'aider à acquérir un bien immobilier.

En revanche, il est déjà assuré qu'à compter du 1er janvier 2006, les dons familiaux de sommes d'argent en pleine propriété, destinés à financer une opération de création ou de reprise d'une PME, seront exonérés de droits de mutation à titre gratuit dans la limite de 300 000 E.

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