du 23 juin 2005 |
RESTAURATION |
QUAND LES NOURRITURES TERRESTRES RENCONTRENT LA CULTURE
LES RESTOS DES MUSéES
Paris - Île-de-France L'attractivité de Paris et de sa région réside dans la richesse de ses sites culturels, de ses innombrables musées et de son patrimoine. 8 des 10 sites les plus visités se trouvent en Île-de-France. Filière majeure du schéma régional du tourisme du CRT, la filière culturelle est aussi l'une des motivations majeures des touristes d'après la dernière étude Eurostat puisque "la culture est de loin la seule motivation pour le tourisme urbain". Même perception chez les Franciliens qui choisissent la visite des musées et des expositions en 4e choix au niveau de leurs loisirs (dernière enquête réalisée en 2000 par Démoscopie pour l'observatoire régional).
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Du plus classique au plus branché, les restaurants de musées proposent pour certains des cartes conçues par des chefs. |
Pourtant, depuis quelques années, l'offre
culturelle a tendance à se diversifier : boutiques, restaurants, animations et soirées
privées
Ces lieux traditionnellement feutrés deviennent des lieux branchés.
Comment ces 'veilles dames' se sont-elles adaptées à ces comportements commerciaux ?
L'alliance
culture-commerce est-elle harmonieuse ? Les conservateurs sont-ils devenus des
gestionnaires ? Et les gestionnaires de restaurant, malgré les contraintes, arrivent-ils
à atteindre la rentabilité qu'ils s'étaient fixée ? Les réponses sont variées selon
le type de musées, mais l'évolution actuelle est devenue irréversible. Le phénomène
urbain fait tache d'huile en province, et la problématique restauration est au coeur du
développement de la fréquentation des musées.
Nouveaux
statuts et gestion déléguée
L'adaptation des musées franciliens
à leurs visiteurs est relativement récente, qu'il s'agisse des musées appartenant à
l'État, à la collectivité locale ou à une entreprise privée. En ce qui concerne les
musées d'État, seule l'attractivité des collections importait auparavant aux
conservateurs, qui ne connaissaient même pas le profil de leur public visiteur ; les
subventions d'État satisfaisaient à leur fonctionnement. Depuis quelques années, en
revanche, les subventions sont devenues plus rares, et le public visiteur plus exigeant
vis-à-vis de nouveaux services. Le Musée du Louvre ou la Cité des Sciences et de
l'Industrie ont depuis plusieurs années anticipé le mouvement, offrant boutiques
diverses et espaces restauration variés alors que pour d'autres, la réflexion est plus
récente.
Par ailleurs, pour pouvoir mieux gérer les espaces
commerciaux, les musées d'État se sont transformés en Épic (Établissement public
d'intérêt commercial). Ils confient à des sociétés privées le soin de mettre en
place les services appropriés en fonction d'un cahier des charges très précis. En
contrepartie, ils perçoivent une redevance perçue sur le chiffre d'affaires. Cette
délégation de services publics pour la gestion des restaurants est appliquée sous la
forme de concessions dont la durée varie de 5 ans (en moyenne) à 18 ans pour les plus
longues. Même réflexion au niveau des musées privés appartenant à des associations ou
à des structures privées : confier à des professionnels la gestion des restaurants.
L'adaptation
des locaux liés aux sites
Le public visiteur des musées,
clientèle captive pour les restaurants, ne représente pourtant qu'une faible part des
visiteurs du restaurant. "Environ 10 %", dit-on à Orsay, "la
moitié de la clientèle du midi", nous a-t-on précisé à Georges Pompidou. Les
restaurateurs s'adaptent. Ils doivent bien évidemment satisfaire cette clientèle mais
recherchent d'autres publics. Toutefois, les contraintes sont nombreuses, de même que les
exigences du cahier des charges qui leur est confié.
La contrainte majeure tient au respect du lieu.
L'interdiction de modifier la conformité des locaux, de rénover les espaces publics, de
mettre une signalétique appropriée dans le musée, ou au niveau de la cuisine, de
laisser s'évacuer des fumées dans un espace préservé ne rend pas la tâche facile aux gestionnaires. Leur marge de
manoeuvre est mince : soit jouer sur la carte, en l'adaptant en fonction des visiteurs du
musée, avec traduction obligatoire en anglais, voire en japonais, en proposant une carte
simplifiée des plats les plus appréciés (voire en éliminant les plats chauds pour
certains pour cause de fumées et d'odeurs), soit jouer sur les arts de la table, en
adaptant le mobilier, la vaisselle, les couverts au décor du lieu, etc.
Ainsi, au Centre Georges Pompidou, dirigé par la
SNC Costes, on a surtout préservé l'unité du style Costes, et le côté élégamment
sobre de la décoration. Le décor, très design, dont la totalité des investissements a
été financée par la SNC, est épuré, les espaces très ouverts. La carte reprend les
plats traditionnels présentés par la société. Le restaurant Georges a su imposer son
style contemporain, dépouillé, mais tout en finesse. Les consommateurs ne s'y sont pas
trompés : ils apprécient sa cuisine moderne, de larges espaces et la vue sur Paris,
imprenable. À midi, le restaurant est fréquenté à 50 % par les visiteurs du musée, et
le soir, à 100 % par la clientèle locale, induisant deux services qui se terminent à 2
heures. C'est ainsi devenu l'un des lieux branchés du centre de la capitale, même si le
ticket moyen est élevé (+ de 80 E le soir).
Musée Jacquemart-André. Le décor du restaurant devient parfois une partie du musée. |
Au
restaurant du Musée d'Orsay
Tenue par la société Elior -
leader incontestable de la restauration concédée -, la transformation a été réalisée
en douceur. La direction s'est faite discrète sur les modifications en cours car la
concession se renégocie en fin d'année. Le mobilier et la vaisselle ont été changés,
les assiettes se sont faites transparentes pour mettre en valeur les plats préparés en
cuisine, la carte présente des plats typiques convenant à la clientèle du musée (de 75
à 80 % de visiteurs étrangers, avec des plats espagnols pour une clientèle hispanique
très présente), et une assiette de mignardises autour du café qui remporte un
véritable succès auprès de la clientèle anglo-saxonne, majoritaire au musée.
Toutefois, la modification du concept et la multiplication des points de vente sont un
succès : "Nous pouvons dire que notre chiffre d'affaires a enregistré une
augmentation à deux chiffres", dit-on au service communication qui ne souhaite
pas faire de révélations fracassantes, "avec plus de 2 000 repas distribués
chaque jour", précise-t-on au restaurant. Par ailleurs, celui-ci n'est ouvert
que le midi à la clientèle individuelle et uniquement au travers du pass musée, ce qui
est évidemment un blocage pour la clientèle d'affaires touristique de passage ou pour la
clientèle locale. En revanche, au Musée Jacquemart-André, "la clientèle de
proximité d'affaires remplit en semaine tous les midis environ 90 % de la clientèle du
café", nous a-t-on répondu chez Culture espaces, la société gestionnaire.
Alors, clientèle captive ou clientèle de proximité, voire les deux, les restaurants de
musées urbains pensent maintenant marketing.
Formule
gagnante : jouer la carte de l'événementiel
L'autre volet de la démarche
marketing, pour les sociétés de restauration, s'appuie sur l'événementiel. Utilisant
le privilège d'être dans des locaux exceptionnels, ils ont - en accord avec les
conservateurs - décidé de jouer cette carte qui leur permet de rentabiliser au mieux
l'espace restauration. Devenant tout à tour traiteur, organisateur de soirées privées,
l'événementiel culturel représente aujourd'hui une part de plus en plus importante dans
le chiffre d'affaires des musées. Au Musée du Vin, c'est environ 70 % du chiffre
d'affaires HT du restaurant qui est affecté à ce type de clientèle. Des animations
oenologiques sont proposées dans toutes les soirées privées et pas moins de 400 à 500
références de vins sont proposées. Au Musée d'Orsay, chez Elior, la partie
événementielle représente environ 40 % du CA HT. "De plus en plus, nous sommes
sollicités par les conservateurs pour organiser des soirées expos privées. De simples
restaurateurs, nous sommes passés traiteurs haut de gamme." Chez Costes, ces
soirées sont organisées quand le musée est fermé, le mardi soir, et cela représente
un mardi par mois. La soirée privée est vendue 61 000 E. "Nous sommes totalement
associés à ces soirées et nous aimerions même en faire davantage, précise-t-on au
service de communication de la société. Actuellement, nous planifions un mardi par
mois environ."
Pour d'autres, comme pour le musée
Jacquemart-André, l'événementiel représente une centaine de manifestations par an et
représente environ 40 % du chiffre d'affaires.
Centre Georges Pompidou Les musées confient souvent la gestion de leur restaurant. |
La
restauration, un accompagnement des visites
Enfin, la problématique
restauration qui commence pour certains à s'intégrer dans une démarche marketing
commune musée-restaurant en centre-ville fait tache d'huile sur la province. Ainsi, dans
tous les projets d'aménagement de musées ou de sites protégés en province, la
restauration est une problématique indépendante, même si d'après le cabinet Planeth
Consultants, "il n'y a pas de ratios type en matière d'aménagement. Les
espaces restauration sont calculés en fonction de la fréquentation".
Dans les écomusées, la problématique restauration
est réelle puisqu'elle doit devenir "le prolongement de la visite du musée, précise-t-on
à la Fédération des écomusées. C'est ce que nous avons mis en place à Marquès
dans les Landes, sachant que nous avons également demandé à de grands cuisiniers de
venir constituer la carte. Nous voulons que la restauration soit un moment festif et que
le prolongement de la visite se retrouve jusque dans l'assiette". Cela va
jusqu'à mettre des plats et des assiettes anciennes sur les tables
Ainsi, tout le
décor, des salles d'exposition du musée à la restauration, devient une partie du
musée.
Entre les musées urbains et les écomusées,
la restauration est bien au coeur du sujet. C'est un complément indispensable au musée,
proposant des solutions différentes mais adaptées. Dans tous les cas de figure,
l'activité restauration est conçue comme un élément incontournable qu'il faut confier
à des professionnels. En effet, la complexité de la clientèle nécessite des plans
marketing rigoureux en zone urbaine, pour fidéliser la clientèle du musée mais aussi la
clientèle locale, et par ailleurs, en zone rurale, l'intégration de l'activité
restauration nécessite un vrai travail de création et d'analyse des publics visés.
Agathe Roumanov zzz22v
La restauration dans les musées en chiffres
Quelques musées | Appartenance | Nombre de | Société | Type de restauration |
en Île-de-France | visiteurs (en 2004) | |||
Musée du Louvre | Épic | 6 600 398 | Elior | Tout types de rest. |
Centre Georges Pompidou | État | 5 368 549 | SNC Costes | Tout types de rest. |
Cité des Sciences et de lIndustrie | État | 2 795 000 | SNC Costes | Tout types de rest. |
Musee d'Orsay | Épic | 2 590 316 | Elior | Tout type de rest. |
Musée de l'Armée | État | 1 031 945 | - | Cafétéria |
Sainte-Chapelle | État | 689 005 | - | Sans rest. |
Musée Grévin | Privé | 705 100 | - | Petite rest. traditionnelle |
Musée Rodin | Privé | 528 779 | Oreta | Sans rest. |
Musée Carnavalet | Ville de Paris | 395 355 | - | Sans rest. |
Musée Jacquemart-André | Privé | 182 000 | Culture espaces | Brasserie haut de gamme |
Musée de l'Homme | Privé | 126 689 | - | Rest. Haut de gamme |
Musée du Vin | Privé | 50 000 | Association | Petite restauration traditi |
Galeries nationales du Grand Palais | Privé | Suivant expos | - | Cafétéria pendant les expos |
Musée Guimet | État | 260 153 | - | Sans restauration |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2930 Hebdo 23 juin 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE