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du 24 février 2005

HÉBERGEMENT

Entretien avec André Martinez, membre du directoire de Accor, en charge de l'hôtellerie Europe Moyen-Orient Afrique

"NOS CLIENTS ONT CHANGÉ : ILS NE SONT PLUS DE SIMPLES DORMEURS, MAIS DES VOYAGEURS"

Une pièce spacieuse, au 26e étage de la tour Maine- Montparnasse, siège du groupe Accor. Un bureau plutôt modeste, d'une grande sobriété, qui bénéficie par contre d'une vue imprenable sur tout Paris. "C'est beau, n'est-ce pas ?", lâche André Martinez, le sourire aux lèvres. Et de poursuivre en désignant au loin la butte Montmartre, le Louvre ou bien encore les Invalides : "Un tel spectacle permet de s'échapper tout en favorisant la réflexion." En l'occurrence, ce diplômé d'HEC (promo 1975) et de Sciences-po, membre du directoire de Accor en charge de l'hôtellerie Europe Moyen-Orient Afrique (EMOA) depuis janvier 2003,
ne manque pas de réflexion.

D'autant qu'il n'en est pas à son galop d'essai dans le secteur. Avant de rejoindre l'état-major du leader de l'hôtellerie européenne en 1997 au poste de directeur général de la Compagnie des Wagons-Lits, ce jeune quinqua dirigeait en effet la Société des Hôtels Méridien.
Le tout avec énergie, intelligence, et une lucidité assez surprenante aux dires de ses anciens collègues. Une qualité que ce père de deux enfants, aujourd'hui à la tête de quelque 45 000 collaborateurs répartis à travers 2 200 hôtels, conserve intacte à l'heure où le comportement des consommateurs évolue à la vitesse grand V.
Propos recueillis par Claire Cosson


"L'avenir de Formule 1 n'est pas Etap Hotel. Nous sommes en train de réinventer le premier prix de l'hôtellerie version 2010."

L'Hôtellerie Restauration : Pour commencer, quel regard portez-vous sur le groupe Accor compte tenu de votre expérience hôtelière antérieure ?
André Martinez, membre du directoire de Accor, en charge de l'hôtellerie Europe Moyen-Orient Afrique :

J'ai rejoint Accor en 1997 après avoir passé plusieurs années au sein de la chaîne Méridien dont je garde un bon souvenir. Au bout de 8 ans, je dois avouer que je suis toujours étonné par les ressources incroyables dont dispose Accor. C'est un groupe unique en son genre qui a développé un véritable état d'esprit et une vraie culture. Une culture du service, mais aussi de l'innovation et du respect d'autrui (tant interne que vis-à-vis du client). Il existe indiscutablement un ciment collectif au sein de cette entreprise, qui constitue un avantage concurrentiel hors du commun.

Notre groupe bénéficie par ailleurs d'un autre atout considérable : une offre hôtelière unique de l'économique au luxe destinée aussi bien à la clientèle affaires que loisirs. Cette capacité à offrir une gamme d'hôtellerie diversifiée répond parfaitement aux conditions d'expansion du tourisme international ainsi qu'aux évolutions des comportements des consommateurs, devenus de plus en plus 'zappeurs', de plus en plus exigeants… Reste à relever un défi : ajouter aux produits hôteliers les valeurs et l'image de chacune des marques.

Vous dites que les comportements des clients ont changé. En quoi, exactement ?
Nos clients n'agissent plus comme par le passé. Tant dans leur façon de vivre que dans leur rapport au travail et leur manière de voyager. En fait, ils ne sont plus de simples dormeurs, mais des voyageurs, des consommateurs de plus en plus avertis, exigeants, sensibles, désireux de reconnaissance et de considération. On peut assimiler ces évolutions comportementales au passage d'une économie de besoin à la recherche du bien-être et de la satisfaction des envies personnelles.

En somme, nous passons d'un marketing segmenté à un marketing fragmenté. Les consommateurs roulent dans une petite voiture, mais n'hésitent pas à descendre le week-end dans un Sofitel. Ils dorment dans un Formule 1, ce qui ne les empêche pas pour autant de s'offrir la veille un dîner dans un 3 étoiles Michelin… Face à cette nouvelle donne, Accor a une chance extraordinaire ! Doté de toutes les catégories d'hôtels, réunies sous une marque fédératrice, Accor hotels, le groupe a la possibilité d'accélérer la satisfaction des envies des clients et également de son développement.

Comment l'hôtellerie Accor s'adapte-t-elle à un client qui n'est 'plus dormeur, mais voyageur' ?
Naturellement, nous capitalisons sur nos produits hôteliers en les remettant au goût du jour. Une démarche que nous avons d'ores et déjà engagée sur plusieurs de nos enseignes ou que nous sommes en train de finaliser sur d'autres. Toutefois, le travail le plus important à réaliser pour réussir cette adaptation est celui qui vise à mobiliser nos collaborateurs. Il faut en effet que ces derniers prennent conscience du réel changement de comportement des clients et de la nécessité de leur apporter désormais un service plus personnalisé. Eux-mêmes doivent également s'épanouir davantage au sein de leurs établissements respectifs. Ils sont en effet nos premiers clients.

L'humain est véritablement la clef de notre succès ! Raison pour laquelle nous avons lancé des projets de marque pour chacune de nos enseignes, baptisés 'Le jardin extraordinaire' s'agissant de Ibis, Etap Hotel et Formule 1, et 'défi Novotel' pour la chaîne historique d'Accor. Les projets en question ont pour principal objectif de fédérer les équipes autour de quelques principes communs afin de repenser l'attitude de service en général. Rien n'est imposé. Chacun est libre d'exprimer ses idées. Résultat : cette capacité à entretenir des échanges sincères et transparents crée un remarquable esprit d'innovation qui profite pleinement aux clients finaux.

Concrètement, comment l'esprit d'innovation des équipes se manifeste-t-il ?
Les exemples sont multiples, mais prenons celui du 'Livre
voyageur'. Cette initiative a vu le jour à l'hôtel Ibis Calais Coquelles. L'équipe de l'établissement a créé une bibliothèque où chaque livre a été sélectionné par un collaborateur. Les clients peuvent emprunter ce livre, le rendre à l'hôtel prêteur, ou à un autre Ibis. L'histoire fait son chemin en France, et commence à s'étendre à d'autres pays, notamment au Royaume-Uni. Le grand gagnant, dans cette affaire, c'est évidemment le client, qui peut se distraire durant son voyage.

Face aux changements de comportement de la clientèle, avez-vous modifié en profondeur vos produits hôteliers ?
Face aux nouvelles exigences de nos clients, nous apportons bien sûr de nouvelles réponses qui se traduisent par une innovation constante de nos produits hôteliers. L'exemple de Suitehotel est éloquent en la matière. C'est une véritable innovation, une vraie rupture marketing ! Avec un espace à vivre de 30 m2 modulables conjuguant les atouts de la chambre, du salon et du bureau, Suitehotel satisfait pleinement les attentes d'une clientèle moderne et autonome.

Tout comme son concept de snacking haut de gamme, baptisé la Boutique gourmande. Voilà une petite chaîne qui monte ! Elle comptera ainsi 34 unités d'ici à 2007 contre 13 à l'heure actuelle (représentant 1 871 chambres). Rien qu'en 2005, 5 nouvelles adresses vont voir le jour à Cannes, Montpellier, Nancy, Genève et Munich. S'agissant de Novotel, nous avons réalisé un gros travail de modernisation au travers par exemple du Novotel Café en restauration et de la chambre Novation pour l'hébergement.

Accueillants et plus contemporains, ces nouveautés produit nous permettent de réaffirmer la vocation même de Novotel : être la référence en matière d'innovation hôtelière. D'autant plus rapidement que la rénovation du réseau va s'accélérer au cours des prochains mois. Le programme de rénovation des Novotel dans le périmètre EMOA est du reste multiplié par deux en 2005. En fait, le défi Novotel consiste à passer d'une signature à une autre, à
savoir de 'Bienvenue, vous êtes chez vous' à 'Détendez-vous, vous êtes chez vous'.

Et qu'en est-il des marques de l'hôtellerie économique Accor ?
Aux yeux des consommateurs, nos marques économiques connaissent un grand succès. Cela se traduit d'ailleurs par des taux d'occupation élevés. Ce succès résulte d'une équation simple : une offre de bonne qualité, moderne, confortable et pas chère. Malgré cela, ces enseignes doivent maintenant 'mettre de l'émotion dans le béton'. C'est-à-dire exprimer un peu plus de chaleur afin que les clients viennent dans ces hôtels autant par envie que par besoin. Nous menons donc un travail en profondeur sur les chaînes concernées, qui porte tant sur des évolutions de produits que sur la façon de repenser le service et le style de management.

à propos d'Ibis, par exemple, nous avons déjà récolté le fruit de nombreuses réflexions et mettons progressivement en place de nouveaux espaces restauration comme le Bar Rendez-Vous, le Café Pasta & Cie, Graine d'appétit… Une nouvelle génération de chambres est en outre en cours de finalisation. Autre élément important : Ibis est devenue la première enseigne hôtelière à recevoir la certification environnementale ISO 14001.

à l'heure de la recherche du bien-être, c'est un atout compétitif. D'ailleurs, l'hôtel du XXIe siècle devra être un hôtel vert : économe en énergie et construit avec des matériaux non polluants. En clair, l'hôtel

devra s'impliquer dans une démarche de développement durable.

Toutes vos marques économiques sont-elles appelées à se développer de la même manière ?
Notre chaîne confort, Ibis, est bien sûr promise à une forte croissance, notamment sur le marché européen. Nous devons ainsi consolider nos positions en Grande-Bretagne, en Espagne et en Italie. L'Europe centrale et orientale offre également de bonnes opportunités en termes de développement. Tout comme le Maghreb, le Moyen-Orient et le continent africain.

Quant à l'hôtellerie économique, - Formule 1 et Etap Hotel -, elle a aussi de beaux jours devant elle. Je profite de l'occasion pour dire que l'avenir de Formule 1 n'est pas Etap Hotel. Loin s'en faut. Produit de grande consommation ayant accueilli plus 100 millions de clients depuis sa création, Formule 1 a certes un cycle de vie plus court que d'autres enseignes plus sophistiquées. Il est donc nécessaire aujourd'hui de mener action et innovation sur le terrain, une 'inovaction' au sein de ce réseau, afin de le rendre plus convivial. Nous travaillons en ce sens, et sommes en train de réinventer le premier prix de l'hôtellerie version 2010. Enfin, au sujet d'Etap Hotel, il est certain que la chaîne est appelée à croître de manière significative.

Que pensez-vous de Sofitel et de Mercure ?
Je crois pouvoir affirmer, s'agissant de Sofitel, que c'est aujourd'hui la seule chaîne haut de gamme à la française de renom dont le développement s'accélère.

Quant à Mercure, l'enseigne se porte plutôt bien. Cela n'empêche pas de réfléchir à son évolution. Un projet de marque est en cours et devrait aboutir dans l'année. L'idée est de faire de ce réseau une référence en matière de tradition hôtelière. Une tradition qui n'en demeure pas moins à la pointe de la technologie.

Vous avez précédemment indiqué que vos marques pouvaient se développer sur le continent africain. L'Afrique constitue-t-elle un enjeu particulier pour Accor ?

L'Afrique, on y croit ! D'abord parce que nos établissements en exploitation sur ce continent sont d'ores et déjà indispensables au tourisme dans cette zone géographique. Ensuite, parce qu'ils sont rentables.

à ce jour, nous avons près de 60 hôtels dans 19 pays en Afrique. Un chiffre qui devrait bientôt augmenter. De belles perspectives de croissance s'offrent à nous, notamment pour Ibis, qui colle parfaitement aux attentes d'une demande régionale. Des Ibis sont ainsi programmés en Algérie (Alger, Constantine, Oran…) et en Éthiopie. Nous allons également développer un réseau en Afrique du Sud.
THIERRY SAMUEL zzz36v


"Face aux nouvelles exigences de nos clients, nous apportons bien sûr de nouvelles réponses qui se traduisent par une innovation constante de nos produits hôteliers".

Ses dates repères
Naissance le 10 janvier 1953.
école des Hautes études Commerciales en 1975.
Institut d'études Politiques de Paris en 1977.
Maîtrise de Sciences économiques Faculté de Paris-II en 1977.
Négociateur de contrats chez Airbus Industrie de 1979 à 1982.
Entre à la Société des Hôtels Méridien, où il occupe différents postes de 1982 à 1995 : il est notamment directeur du développement, président de Méridien Canada Ltd, président du conseil d'administration de Méridien Hotels Investissements Groupe Inc. et directeur général de la Société des Hôtels Le Méridien.
Création d'une entreprise de conseil en hôtellerie et tourisme, André Martinez Conseil SARL.
Rejoint le groupe Accor en 1997 en qualité de directeur général de la Compagnie des Wagons-Lits.
Nommé directeur général développement et stratégie hôtellerie Accor en 1999.
Prend la direction générale du pôle Accor Hôtellerie économique en 2002.
Membre du directoire, en charge de l'hôtellerie Europe Moyen-Orient Afrique en janvier 2003.
THIERRY SAMUEL


"Novotel prévoit d'ouvrir 17 nouveaux hôtels en 2005, notamment à Cardiff (UK), Bilbao et Valladolid (Espagne), Singapour…"

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L'Hôtellerie Restauration n° 2913 Hebdo 24 février 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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