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du 1er décembre 2005
S'EXPATRIER

MOSCOU

Les chefs jouent la carte du monde

La gastronomie en Russie se joue avec ses propres règles, son propre rythme. Exemple avec trois chefs français qui s'y retrouvent plus ou moins.
Dossier réalisé par Pierre Boyer


Michel del Burgo aux côtés de son pâtissier Gaël Majchnzak.

Dans le décor style cathédrale gothique du restaurant Le Duc à Moscou, Michel del Burgo ne cache pas son désappointement. Depuis plusieurs mois dans la capitale russe, le chef qui flirtait avec les trois macarons en France a du mal à s'accoutumer à ce nouveau rythme. Par exemple, les soubresauts des livraisons. "Rien n'est arrivé ce matin, ni viande ni poisson. Et tout le monde s'en balance. Débrouillez-vous comme vous pouvez ! En France, le fournisseur essaie de vous dépanner. Ici, rien !"
Pourtant, il a réussi à incorporer les productions locales dans ses plats, comme les écrevisses, les girolles, la betterave rouge, le crabe : Royale de foie gras aux écrevisses et pommes granny smith ou encore Chou vert à l'émiettée de crabe à la moutarde de Dijon. Mais est-ce que les Russes souhaitent de la gastronomie ? Pas sûr pour le chef français. "Trop souvent encore, les clients viennent étaler leur richesse, ce qu'il y a dans l'assiette reste moins important que le montant de l'addition."
Et en plus, la carte reste à rallonge. Pas moins de 60 plats. "Avec certains de mes prédécesseurs." Car c'est le patron, André Delos, qui décide de tout. Il goûte, critique, impose des changements. "S'il est absent pendant quinze jours, on ne peut rien changer." Michel del Burgo devait superviser l'ensemble des restaurants d'André Delos, dont le café Pouchkine, et travailler sur les projets à venir. Mais il reste pour l'instant cantonné dans les cuisines du Duc, avec son équipe d'une vingtaine de personnes aux fourneaux et autant en salle. En plus, le rythme ici n'a rien à voir avec les coups de feu en France : très peu de clients à midi, un peu l'après-midi et un pic en soirée. "J'ai l'impression que je ne sais plus faire la cuisine", se désespère le chef qui rêve de restaurants dans l'ambiance de Paris.

Terroir du monde entier
Au Tretyakov, David Desseaux se montre beaucoup plus optimiste. "Ici, j'ai la chance de pouvoir travailler à ma guise. Je choisis, je décide des plats. J'ai les mains libres", précise-t-il. Et comme une clientèle existe pour le très haut de gamme, pour régler l'addition quel que soit son prix, le chef se ravitaille dans le monde entier. Des produits du terroir à l'échelle planétaire.
Il propose du boeuf de Kobé, qu'il achète à plus de 150 E le kilo, ville du Japon où les bêtes sont engraissées à la bière et massées tous les jours. Les bars sauvages viennent du Chili ; le veau élevé sous la mère d'Italie, l'agneau de lait des Pyrénées, etc. "Je ne fais pas forcément de la grande gastronomie, mais je cuisine les produits, tous de grande qualité." La carte propose aussi, pour agrémenter les plats, de la truffe d'été ou du vinaigre balsamique de 25 ans d'âge à 150 roubles (4,50 E ) le gramme. "Nous avons une clientèle très haut de gamme, mais ce sont aussi des gourmets respectueux de la gastronomie, même s'il faut savoir céder à leurs caprices", ajoute le chef.
Comme une preuve des progrès accomplis aussi en cuisine par les Russes, David Desseaux a présenté sont second au Bocuse d'or 2005. Georges Denisenkov a terminé à la 20e place sur 24 candidats. "Nous étions plein de bonne volonté, mais comme des amateurs face à des grosses machines de professionnels, avec un budget 10 fois moins important." Mais ce n'est certainement que partie remise.
Originaire de Moissac dans le Tarn-et-Garonne, David Desseaux est titulaire d'un BEP cuisine et d'un CAP pâtisserie. Il est arrivé à Moscou via le traiteur Potel & Chabot. Il a oeuvré au lancement de Nostalgie, restaurant très tendance avant de diriger le Tretyakov. Maintenant il participe à un projet d'un complexe hôtelier et 3 restaurants avec spa et salles de conférence à Joukovka, banlieue chic et huppée de Moscou, où se trouvent les datchas de toutes les personnalités politiques, artistiques et financières du pays. Et il vient de publier un ouvrage bilingue franco-russe mariant foie gras et caviar.

Poissons et crustacés au poids
Pour sa part, Marc de Passario, ancien du Château de Marçay près de Tours, est aussi passé par Nostalgie, avant de s'occuper de La Marée, un restaurant venu compléter les activités du plus important importateur de poissons, crustacés et coquillages de Moscou. Sur la carte du restaurant, les rascasses, rougets, bars, langoustes s'alignent comme un poème marin. Ils viennent d'Australie, de France, du Canada, de Madagascar, etc. la plupart des prix sont en roubles pour 100 grammes. Il y a d'autres produits français comme l'agneau du Limousin avec de la moutarde violette de Brive. "Ici, c'est plus comme une belle et grande brasserie parisienne qu'un restaurant gastronomique. Et j'ai pris du recul par rapport aux étoiles Michelin", raconte Marc de Passario. Pendant 21 ans, elles ont fait partie de ma vie professionnelle. Maintenant, je ne leur trouve qu'une importance très relative. Si je devais rentrer en France, je chercherai une petite affaire entre Nice et Gap, plus près du coeur et de la terre."
Spécialiste en consulting, avec une expérience au Vietnam, à Malte, il continue sur cette voie en s'occupant de formation, de réorganisation, d'introduire des notions de management, avec 40 personnes en cuisine, 30 en salle et 6 pour la boutique. Avec une moyenne de 180 couverts par jour, les propriétaires envisagent de lancer une chaîne sur ce concept en Russie et dans le monde. < zzz99 zzz22v

DES PRIX DE TROIS MACARONS (LE DUC, LE TRETYAKOV LOUNGE ET LA MARÉE)

LE DUC 2 rue Goda 1905 · Tél. : 007 095 255 0390


La salle du Duc, ambiance cathédrale gothique.

Huîtres françaises de 6 à 8 E pièce ; entrées de 17,50 E (Pot d'escargots à la tomate fraîche, beurre aux aromates) à 43 E (Royale de foie gras aux écrevisses et pommes granny smith). Poissons de 28 E (Saint-Jacques grillés à la plancha, bouillon de légumes safrané en aïoli) à 55 E (Homards en tronçons meunières, pat choy et raisin bleu, jus de tête au tamarin). Viandes-volailles de 29 E (filet de boeuf tartare, pommes frites nature) à 129 E (pour 2 personnes, poulet de Bresse farci sous la peau d'un beurre d'herbes doré en cocotte pommes de terre à la fourchette au lard paysan). Desserts de 14,50 E (Risotto crémeux aux fruits rouges du moment, sorbet tvorog et quelques pignons de pin) à 21 E (Parfait pistache au jus de fruits rouges, barbe à papa, sorbet fromage blanc et une gelée tremblotante de groseilles).

TRETYAKOV LOUNGE Passage Tretyakov · Tél. : 007 095 933 3389


De gauche à droite : David Desseaux avec ses 2 seconds de cuisine, George Denisenkov, qui a participé au dernier Bocuse d'or, et Alexis Gorevoy dans les cuisines du restaurant.

Salades de 21 E (Salades sucrine et iceberg, asperges vertes, concombre, tomates et carottes avec une sauce à l'estragon) à 57 E (Salade de homard breton et sauce lyonnaise). Entrées chaudes de 27 E (Foie gras poêlé) à 57 E (langoustine, caviar béluga et purée de pommes de terre). Poissons de 45 E (mulets de Méditerranée aux pommes de terre) à 87 E (homard grillé avec son trio d'aubergines). Viandes de 33 E (Filet de canard à la purée de céleri et chicorée caramélisée) à 105 E (Pavé de boeuf de Kobé aux champignons shitaki et aux épinards). Desserts à 18 E (Soufflé chaud aux trois saveurs : baies rouges, fruits et chocolat).

LA MARÉE 28 rue Petrovka · Tél. : 007 095 200 0930


La Marée, un restaurant et un magasin de poissons et produits de la mer.

Huîtres de 4 à 14 E pièce (de la Marennes-Oléron n° 2 à l'huître des îles Kouril) ; plateau de fruits de mer de 44 à 190 E. Entrées de 18 E (Crottin de Chavignol au bacon) à 30 E (Terrine de foie gras maison). Poissons à la plancha, prix pour 100 grammes de 6 E (moules d'Espagne) à 21 E (Filet de saint-pierre). Poissons entiers au four ou à la vapeur, dorade royale ou merlu à 6 E les 100 g ; turbot à 13 E les 100 g. Homard breton à 18 E les 100 g et langouste royale à 33 E les 100 g. Viande de 29 E (Veau à la sauce moutarde) à 57 E (Steak de boeuf normand, sauce béarnaise). Et aussi, pour 36-38 E,une bouillabaisse ou une sole meunière. Desserts de 10 E (Crème brûlée sauce pistache) à 15 E (crêpe fourrée aux baies rouges et à la glace vanille).

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L'Hôtellerie Restauration n° 2953 Magazine 1er décembre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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