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du 28 avril 2005
MICHELIN 2005

Régis Marcon · Auberge des Cimes · Saint-Bonnet-le-Froid (43) 2005, année Marcon. Le chef de Saint-Bonnet-le-Froid, Régis Marcon, est le seul cuisinier à décrocher cette année une troisième étoile au guide Michelin. La preuve que les indépendants ont tous les atouts pour hisser leur art au plus haut. Rencontre avec un cuisiner manager engagé.
PROPOS RECUEILLIS PAR LYDIE ANASTASSION

"Mon bonheur passe par le bien-être de mes gars"


En 1979, ma femme et moi tenions le petit restaurant-café-bar du village avec le poste à essence. La semaine, je faisais les repas pour les ouvriers

L'Hôtellerie Restauration : En janvier dernier, un cuisinier de votre brigade (1) a remporté le Bocuse d'or. Le mois suivant, vous décrochez cette troisième étoile et en septembre, vous aménagerez votre restaurant dans un nouvel espace plus grand. Quel est votre mode de fonctionnement ?
Régis Marcon :
Je crois que la famille constitue une donnée essentielle. Ces étoiles (2), je les dédie à ma mère, qui a élevé seule ses sept enfants. C'est l'école du courage, de la persévérance. Et puis, il y a aussi la dimension 'village' à laquelle je suis très attaché. Je n'ai rien calculé pour obtenir cette récompense. Je suis passé par toutes les étapes, j'ai connu les petits boulots. En 1979, ma femme et moi tenions le petit restaurant-café-bar du village avec le poste à essence. La semaine, je faisais les repas pour les ouvriers, j'ai connu les repas de mariage les week-ends à la salle des fêtes, il y a eu l'hôtel avec les toilettes au fond du couloir…
Quand nous avons pu faire construire, j'ai commencé à respirer. La première et la seconde étoile nous ont apporté le confort. Tout ce parcours est à mettre au crédit de ce que nous sommes devenus. Je ne renie rien. Cette progression fait partie de moi. J'avais 22 ans quand je me suis installé : nous étions inconscients et en bonne santé !  

Que représente pour vous cette 3e étoile au regard de ce que vous venez d'évoquer ?
Vingt-cinq ans de travail ! C'est pourquoi je suis profondément blessé quand j'entends dire que j'ai eu cette 3e étoile grâce à mon décor. C'est faux. Nous sommes toujours dans les mêmes locaux, et les travaux que nous avons entrepris pour le nouveau restaurant qui ouvrira en septembre (N.D.L.R. : lire encadré) ont été décidés bien avant. Ceux qui critiquent ne voient pas que l'on prend énormément sur nous, tant au niveau financier qu'au niveau travail, même si ce nouveau chantier est plus facile que les précédents. Nous étions moins connus. C'est au milieu des années 1980 que nous avons été découverts par les guides. J'adorais la cuisine, et j'ai trouvé extraordinaire que des gens se transportent jusqu'à nous pour ma cuisine. Je me suis aperçu que je pouvais leur faire une cuisine d'expression.

'Isolé' à Saint-Bonnet-le-Froid, comment avez-vous appréhendé la gastronomie ?
C'est grâce aux concours. Je sais que cet aspect de mon par
cours n'est pas toujours bien compris, mais les concours représentaient un moyen de sortir de Saint-Bonnet et de me confronter à d'autres professionnels. J'y ai appris la maîtrise technique et la maîtrise de moi-même, ce que je n'avais pas pu trouver dans les grandes maisons puisque je ne les avais pas faites. Je me suis forgé et j'ai pris de bonnes 'patates' ! J'ai pataugé dans mes préparations, j'ai fait trois fois la finale du MOF, que j'ai raté… Mais j'ai mûri et appris beaucoup. J'étais un très bon cuisinier de restes !

Votre nouvelle installation comportera un terrain de football et un autre de pétanque destinés à votre personnel. Comment la fonction management est-elle devenue une telle évidence pour vous ?
J'adore la pédagogie. Cela s'est passé progressivement : nous avons embauché notre premier plongeur la seconde année de notre installation et aujourd'hui, nous sommes 45 ! C'est une force, mais cela peut aussi être terrible si l'on oublie que toute personne doit trouver sa place et se valoriser à travers son métier. J'ai beaucoup d'entretiens particuliers avec mes salariés ; en cuisine, les briefings font partie du travail. Pour le service, c'est la même chose : on travaille sur l'organisation de la salle, l'explication des recettes, le savoir être. Nous faisons appel à un comédien qui joue les situations.
Ce qui m'importe, c'est d'avoir un service qui colle à Saint-Bonnet : gentil et de qualité. À nous de faire en sorte d'y parvenir en veillant à ce que les salariés mangent bien et soient bien logés. Par exemple, les repas proposés sont équilibrés. Même si, bien entendu, ils mangent ce qu'ils veulent ! En ce qui concerne les nouveaux équipements, nous allons poser un environnement qui apporte le confort et qui servira également au village. Mon bonheur passe par le bien-être de mes gars.  

Vous êtes président de l'Umih 43 (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie) depuis quatre ans. Quels sont vos sujets de préoccupation ?
Je compte profiter du poids de cette troisième étoile pour faire avancer la réflexion sur la formation. Les écoles hôtelières ont trois problèmes : l'absence ou la quasi-absence d'expérience professionnelle pour certains enseignants, la RTT, qui réduit le temps dévolu à la formation en entreprise, et l'obsolescence du programme au regard
de la quantité de formation technique dont un jeune a besoin. En entreprise, nous avons un devoir de mise en place et de qualité vis-à-vis des clients, ce qui nous laisse peu de temps pour la formation des jeunes. Nous ne pouvons pas demander aux chefs de partie de s'y investir : eux, leur souci, c'est de satisfaire le chef de cuisine. Nous ne sommes pas en mesure d'assumer les responsabilités de formation des jeunes. Quant à les cantonner à des tâches répétitives… on va finir par les 'tuer' !

Avec vos trois étoiles, ne craignez-vous pas que l'on vous reproche d'être éloigné des soucis des petits patrons ?
Non. Mon parcours me permet au contraire de bien comprendre leurs problèmes. Il est essentiel d'être solidaires. L'image de notre métier constitue un autre gros dossier. Par exemple, dans notre département, nous avons créé une association baptisée l'Alliance gourmande. Nous organisons des stages pour professionnels sur le management, le tutorat, la RTT, afin d'améliorer peu à peu l'image de nos maisons en modifiant notre façon de faire. Parallèlement, nous avons mis en place un comité de pilotage il y a trois ans pour favoriser la relation entre les écoles et les entreprises. Notre prochain ordre du jour concernera la mise en place des classes de découverte.

Actuellement, un jeune peut-il envisager un parcours semblable au vôtre ?
L'impatience des jeunes me surprend, ils veulent progresser très vite au sein d'une brigade. Mais je crois que l'on peut trouver son bonheur dans ce métier, c'est un équilibre à construire. Travail ? Famille ? À chacun de trouver le sien… < zzz22i

(1) Serge Vieira.
(2) Le guide Michelin a attribué une première étoile à L'Auberge des Cimes en 1989 et une seconde en 1997.

Auberge des Cimes
43290 Saint-Bonnet-le-Froid
Tél. : 04 71 59 93 72 · Fax : 04 71 59 93 40
www.regismarcon.fr

En dates
14 juin 1956

Naissance de Régis Marcon
1973
Meilleur apprenti au championnat de France des Desserts
1974
CAP et BEP à l'école hôtelière de Grenoble
1978
Régis Marcon reprend l'affaire familiale avec sa femme Michèle
1985
Première tranche de travaux
1989
Première étoile
1995
Seconde tranche de travaux
Remporte le Bocuse d'or
1997
Deuxième étoile
Février 2005
Troisième étoile
Septembre 2005
Le chef recevra ses clients dans sa nouvelle Auberge des Cimes

Complet toute l'année
Situé à 400 mètres de l'actuelle Auberge des Cimes, le nouveau restaurant sera ouvert au public en septembre prochain. D'une capacité d'une soixantaine de places en salle, il sera doté de 4 salons : un salon jardin, un salon soleil couchant, un bar et un salon anglais. "Il arrive que les clients restent après leur repas, parfois jusqu'à tard dans l'après-midi. Nous aurons des lieux à leur offrir tout en ayant la possibilité de redresser la salle sans les gêner", explique Régis Marcon. Complet toute l'année, le restaurant enregistre un ticket moyen de 150 E pour 100 couverts par jour environ. L'hôtel de 12 chambres labellisées Relais & Châteaux ne bougera pas. Quant à l'actuel restaurant, il sera converti en bistro.

Complément d'article 2922mp12

Filet de rouget 'Retour de Tuades'

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L'Hôtellerie Restauration n° 2922 Magazine 28 avril 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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