L'indispensable stratégie de recrutement des hôteliers
L'hôtellerie ne s'est
jamais aussi bien portée à l'échelle mondiale. Les
groupes hôteliers se développent rapidement et, dans
certains pays et pour certaines marques, présentent une
croissance à deux chiffres. Néanmoins, ce secteur qui
recrute ne trouve pas toujours de candidats. Accor,
Dolce, Hilton et Rezidor dévoilent les actions mises en
place pour attirer les jeunes au sein de leurs
établissements.
Evelyne de Bast
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Les
demandes les plus fortes concernent les femmes de
chambre et les 'night audit' (réceptionnistes de
nuit). |
On le sait, les secteurs de
l'hôtellerie et de la restauration recrutent. Le taux de
croissance annuel des effectifs salariés serait de 3,1 %
d'après l'Unedic (de 1993 à 2004), croissance liée d'une
part à la création d'emplois nets, et d'autre part, à la
présence d'un turn-over important dans la profession. Au
sein du groupe Accor, il se situe autour de 21 %, ce qui est
moins que la moyenne nationale (33 %), alors qu'il est de 32
% chez Hilton, avec quelques variantes en fonction des
établissements, le turn-over étant forcément plus important
dans les hôtels d'aéroports. Chez Dolce, on serait à 30 %
mais uniquement la première année, car "les autres années,
nous sommes aux alentours de 10 à 20 %", déclare Philippe
Attia, directeur des ressources humaines du groupe. Face à
cette offre, le personnel se fait encore trop rare. La faute
aux conditions de travail ? "Les opérateurs ont toujours
traité le département RH comme peu important, poursuit-il,
on rémunère faiblement, les conditions de travail sont peu
attrayantes et parfois nos méthodes de recrutement sont peu
adéquates." Un constat que ne partage pas tout le monde :
"L'hôtellerie possède maintenant une législation qui ne nous
permet pas de faire n'importe quoi", déclare Marie-José
Chaussende, directrice des ressources humaines des hôtels
Hilton pour la région Île-de-France, alors que Cathy Kopp,
directrice générale des ressources humaines d'Accor, parle
de convention collective et de rémunération. Que faut-il
donc pour séduire de nouvelles recrues, même si chez
certains, le problème semble moins aigu que pour d'autres,
comme le déclare Morgan Butty, responsable des ressources
humaines pour la France et la Tunisie du groupe Rezidor,
fier de parler de "l'image excellente du groupe chez les
jeunes" ?
Des métiers plus 'tendus' que d'autres
Mais s'il y a pénurie, ce n'est par partout. Les demandes
les plus fortes se concentrent sur des métiers comme ceux de
commis de cuisine ou de serveur dans la restauration, alors
que l'hébergement peine à trouver des femmes de chambre. Le
groupe Accor le sait bien, qui recrute essentiellement des
métiers nécessitant peu de qualifications, ce qui lui permet
de "faire jouer l'ascenseur social" et de faire grimper les
salariés dans la hiérarchie. Toutefois, l'emplacement
géographique, les contraintes liées au transport et au
logement vont compliquer les efforts faits pour trouver du
travail. Ainsi, on peine à trouver des 'night audit'
(réceptionnistes de nuit) ou du personnel en 'Food and
Beverages' sur Paris et la région parisienne. En revanche,
une récompense pour l'hôtel, l'octroi d'une étoile Michelin,
- comme ce fut le cas au restaurant Carmontelle au Dolce
Chantilly - peut contrebalancer cette "mauvaise image".
Pour attirer les jeunes, les politiques de ressources
humaines se renforcent pour mettre au point de nouvelles
stratégies. Les salariés redeviennent l'une des
préoccupations essentielles des managers. Cathy Kopp le
déclare : "nos employés font notre réussite". Pour
Marie-José Chaussende, de Hilton, "chaque individu a un
potentiel et on l'accompagne". C'est en effet en
capitalisant sur les hommes que les groupes attirent les
jeunes. En premier lieu, les méthodes de recrutement sont
améliorées. On valorise une ambiance, les relations de
travail. Des outils spécifiques sont mis en place comme la
révision des horaires de travail pour éviter les coupures,
le soin particulier accordé aux entretiens d'évaluation
annuels ou pluriannuels… Tous les efforts sont faits pour
augmenter le développement personnel des individus. "Les
clients d'abord et les employés avant tout", déclare-t-on
chez Dolce. Tous ces avantages font désormais partie
intégrante du salaire. La politique de formation est au
coeur du développement. Elle propose tous types de stages :
intégration, savoir être, savoir-faire, stages d'immersion
de deux, huit ou quinze jours, comme chez Hilton, jusqu'aux
'formations qualifiantes' proposées par l'Académie Accor.
La mobilité avant tout
Aujourd'hui, dès le recrutement, des plans de carrière sont
offerts aux jeunes embauchés, où la mobilité est souvent de
mise. Les jeunes peuvent changer de métier s'ils le
souhaitent et s'ils en ont les compétences. Au sein du
groupe Accor, le maître mot, si on veut évoluer, c'est
'bouger'. Chez Hilton, un dispositif intitulé 'Cross
Exposures' permet, sur une période de huit à quinze jours,
de se 'tester' à un autre poste. Chez Dolce, les 'Carrer
Track' permettent d'accéder à des postes de haut niveau,
alors que chez Rezidor a été mis au point le 'Yes I can',
formule très motivante qui permet de dénicher les salariés
prêts à prendre des responsabilités quels que soient leur
niveau et leur métier. Et ça marche…
Ainsi, alors que les formations 'e-learning' viennent en
appui pour améliorer les performances, certains allant même
jusqu'à mettre à disposition des ordinateurs en libre accès
(Hilton), toutes les directions de ressources humaines
suivent avec attention ces plans de carrière. Cela permet de
fidéliser les salariés sur les postes à haut niveau, avec du
personnel issu de la promotion interne. Ainsi, 90 % des
directeurs d'hôtel chez Accor sont issus du groupe, cette
proportion pouvant atteindre 97 % dans d'autres entreprises.
Recruter ailleurs
Enfin, si l'hôtellerie n'attire pas toujours les jeunes
formés dans ce métier, il faut quelquefois aller voir
ailleurs. Philippe Attia, du groupe Dolce, l'affirme sans
ambages : "Quand je suis à l'extérieur et que je croise des
jeunes à fort potentiel, je n'hésite pas à laisser ma carte
de visite." Si cette méthode est empirique, d'autres le font
de manière plus technique, comme la chambre de commerce et
d'industrie de Provence-Côte d'Azur, qui a mis en place un
outil spécifique de recrutement, pas forcément adapté aux
métiers.
Car l'hôtellerie ne véhicule pas toujours une mauvaise image
: "Malgré ses horaires décalés, elle offre des possibilités
de mobilité à l'international et peut séduire", affirme
Philippe Orville, directeur régional des ressources humaines
pour le nord de la France pour Starwood Hotels and Resorts.
Une affirmation valable auprès des grands groupes, mais
moins auprès des indépendants qui devront trouver un autre
argumentaire, basé justement sur les horaires décalés, le
rapport à la clientèle, la pratique des langues, la sécurité
de l'emploi… Séduire et vendre les métiers de l'hôtellerie,
tous sont concernés, qu'il s'agisse de grands directeurs RH
de groupes internationaux ou d'indépendants isolés. Un bel
avenir pour l'hôtellerie.
Morgan Butty, directeur des
ressources humaines et responsable business pour la France,
la Tunisie, le Mali et le Sénégal du groupe Rezidor
"The Rezidor Hotel Group est l'une des compagnies à la plus
forte croissance avec une ouverture d'hôtel par semaine dans
la zone Emea sur nos différentes marques : The Regent (4
étoiles luxe), Radisson SAS (4 étoiles), Missoni (4
étoiles), Park Inn (3 étoiles) et Country Inn (3 étoiles).
Pour Rezidor, l'humain est au centre de notre politique de
ressources humaines et le développement des salariés est
stratégique pour répondre à cette croissance. Aujourd'hui,
97 % de nos directeurs généraux sont issus de la compagnie
grâce à notre programme de promotion interne. Il n'est pas
rare également de retrouver d'anciens stagiaires occupant
des postes à responsabilités. Enfin, notre philosophie 'Yes
I Can !' donne à chaque salarié autorité et autonomie, et
ainsi l'opportunité de confirmer son potentiel."
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