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Dégustation

Saint Charles, des beaujolais qui aiment vieillir

Les Domaines Saint Charles se distinguent par une politique de vieillissement qui renoue avec les beaujolais d'hier. Entre tradition et modernité.

m Sylvie Soubes

Courtier et consultant dans le secteur vini-viticole en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Chili dans les années 70, Jean de Saint-Charles fonde ensuite avec ses fils, Rémy et Aimé, la Sofradi, une société spécialisée dans la vente de fûts français dans l'hémisphère sud. En 1986, celui-ci décide toutefois de reprendre les rênes du vignoble familial en Beaujolais. Distribuée pendant longtemps par Georges Duboeuf, la production des Domaines Saint Charles sert aussi de 'vin médecin' dans les années difficiles. Le vignoble, qui s'étend sur plus de 43 hectares, possède un cheptel de vieilles vignes allant de 50 à 70 ans en beaujolais village, et de 60 à 80 ans en brouilly. La moyenne des plus jeunes vignes tourne actuellement autour de 25 ans. Un joli potentiel pour des vins charpentés.
"Quand j'ai démarré mes vins, j'ai essayé de rester dans cet esprit. J'ai voulu également me démarquer du style Duboeuf, qui s'articule autour de vins assez légers dans l'ensemble. J'ai à la base quelque chose de différent, et j'en ai profité pour renouer avec les vins que faisaient nos pères et nos grands-pères." Jean de Saint-Charles connaît le prix du challenge. Ses vins sont rarement primés lors des concours. "Ce que j'ai fait faire en Australie il y a 20 ans, je l'applique aujourd'hui chez moi. Ce sont des vins plus élaborés pour lesquels on garde un maximum de caractère."
La cave de Jean de Saint-Charles abrite encore des brouilly de 1934. Sa politique d'élevage n'a pas fait l'unanimité parmi les viticulteurs et les négociants de la région. En revanche, la clientèle américaine a été très rapidement attirée par ces vins "inclassables", mais offrant une belle palette aromatique et une corpulence bien à eux.
Les vins de Jean de Saint-Charles ont eu aussi un joli succès dans les brasseries parisiennes de type Flo ou La Coupole. Mais "ces établissements travaillent désormais avec des stocks zéro et veulent être livrés dans les 48 heures en fonction de leurs besoins. Pour une propriété viticole comme la mienne, c'est quasiment impossible de répondre à ce type de demande."
Jean de Saint-Charles fait depuis peu appel à un multicartes, Olivier Boucher, pour se développer à nouveau sur le marché parisien. Ses vins sont présents pour l'instant dans une soixantaine de restaurants. Comment les sommeliers réagissent-ils à des beaujolais de corps ? "Ils sont surpris car ils ne s'attendent pas à ça. Mais ça leur plaît. Mes vins séduisent les nouvelles générations, de chefs notamment." Jean de Saint-Charles avoue une volonté de s'éloigner de la grande distribution au profit de la restauration. "Je veux tirer mes vins vers le haut, et cette démarche passe par la restauration. Vous savez, pour un vigneron, c'est beaucoup plus agréable et intéressant de discuter avec un restaurateur ou un sommelier qu'avec un acheteur de grande surface qui ne fait pas la différence entre un vin et une lessive." Les Domaines Saint Charles comprend deux propriétés au cœur du Beaujolais : le Domaine de Conroy et le Château du Bluizard qui offre, en outre, l'une des plus belles vues de toute la région. Le détour s'impose. n

(Jean de Saint-Charles est actuellement en train de refaire l'habillage de ses bouteilles qui bénéficieront toutes d'une nouvelle étiquette dans les mois qui viennent)

Notre coup de cœur

Beaujolais-villages blanc : Le vignoble, replanté en chardonnay entre 1986 et 1988, couvre 1 hectare et demi sur un sol de granit. C'est assez rare en viticulture d'associer ce cépage à ce type de sol. "C'est mon enfant chéri. A l'apéritif, très souvent, mes invités abandonnent le champagne au profit de ce vin." Le 1999, actuellement en vente, présente des arômes de fruits exotiques et beaucoup de finesse. A la grande surprise du maître d'œuvre, ce vin vient d'obtenir, en mars dernier, une médaille d'argent au concours Chardonnay du monde. Un hommage mérité.

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L'HÔTELLERIE n° 2716 Magazine 3 Mai 2001