Pas facile pour un jeune chef sans moyen de monter sa propre affaire. Le pari était risqué, mais Alain Parodi vient de le remporter avec sa première étoile.
m Elodie Bousseau
Aucun doute, Alain Parodi est conduit par ses coups de
cur. Issu d'une famille italienne où les tablées de 30 couverts sont chose
courante, il attrape dès l'enfance le virus de la cuisine. "Ce n'est pas un
métier donné à tout le monde, s'enflamme le jeune restaurateur. Il faut l'avoir
en soi. C'est un métier de passion."
Sa formation reste toutefois classique, du BEP au bac pro, avec comme touche
d'originalité une spécialisation en cuisine végétarienne au lycée Auguste Escoffier
de Cagnes-sur-Mer. L'envie de s'installer à son compte est déjà forte quand, en 1994,
il tombe sur une annonce concernant un petit établissement mis en vente à 450 000
francs. Seul hic : le manque d'argent. Qu'à cela ne tienne, le jeune cuisinier se
démène, et en une semaine, l'affaire est réglée grâce à un banquier qui accepte de
miser sur lui.
Alain Parodi ne se contente pourtant pas de ce qui aurait satisfait plus d'un jeune
cuisinier de 26 ans. Il veut pouvoir faire son métier comme il le rêve, et pour cela, il
commence par transformer les lieux. Du restaurant à la décoration tendance provençale,
sombre et faussement authentique, il fait un petit bijou lumineux et raffiné de 7 tables
uniquement. Mais avec plus de 2 millions de francs d'investissements, la rénovation
n'améliore pas la situation financière de l'affaire. D'autant plus que le nouveau
maître des lieux ne veut pas perdre l'ancienne clientèle, et conserve les premiers mois
des menus plus que raisonnables. "Après trois mois d'ouverture, j'avais 150 000
francs de découvert et le banquier qui m'avait accordé mon crédit était parti."
Pas de terrasse mais une belle
clientèle
Pour s'en sortir, il s'implique à fond dans son restaurant. "Pendant six ans, je
ne me suis pas accordé de salaire et j'ai tout sacrifié." Avec seulement une
autre personne en cuisine, une serveuse et un apprenti, il cherche à se démarquer des 26
autres établissements de la commune. En travaillant des produits simples mais de
qualité, il élabore dans sa minuscule cuisine de 6 m2, non pas une carte, mais seulement
deux menus qui changent quotidiennement, parfois même deux fois par jour.
A l'heure où le consommateur recherche la qualité et s'inquiète de la sécurité
alimentaire, la cuisine d'Alain Parodi, qui accorde une large place aux légumes, a de
quoi séduire. Petit à petit - et un article élogieux dans la presse aidant -, il
parvient à se forger une belle clientèle d'habitués. Au Lou Cigalon, le vrai touriste
est plutôt rare, découragé par l'absence de terrasse. Ce sont plutôt les touristes
étrangers, ayant une résidence sur la Côte d'Azur, qui ont aidé Alain Parodi à
poursuivre aux heures les plus difficiles. Six ans après l'ouverture, il dirige une
équipe de 7 personnes et a plus que doublé le prix de ses menus.
Aujourd'hui reconnu grâce à cette première étoile, le jeune chef ne se prend pourtant
pas à rêver trop fort. Il espère simplement pouvoir vivre correctement et faire vivre
ses employés. "Je ne me suis pas vraiment rendu compte que j'avais une étoile
avec tous mes soucis d'endettement, avoue-t-il simplement. Ce restaurant, c'était
un coup de poker. Je lui ai tout sacrifié. Maintenant, je vais tout faire pour conserver
mon étoile." n
Lou
Cigalon 4, bd Carnot 06560 Valbonne Tél. : 04 93 12 27 07 |
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En chiffres |
Investissements 2,5 MF dont 450 000 F pour
l'achat de l'établissement Nombre de couverts 40 à 50 Prix moyen 480 à 500 F Prix menus 240 et 360 F (déjeuner), 280 et 380 F (dîner) Chiffre d'affaires 3 MF Effectif 7 personnes |
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L'HÔTELLERIE n° 2716 Magazine 3 Mai 2001