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restauration Belgique

Geert Van Hecke
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Une pincée d'épices en Flandres

A Bruges, toutes les pierres sont classées, ou presque. Mais la cuisine de Geert Van Hecke, flamande, française, influencée par l'Asie qu'il connaît pourtant à peine, elle, est inclassable. Tout le mystère d'un talent.

Alain Simoneau

 
Geert Van Hecke,
timide, mais au caractère fort, passionné d'arts plastiques.

Il est timide au premier abord, pas très grand, un peu rond, les yeux doux et la barbe joviale. Mais derrière cette modestie surgit vite la passion, servie par un caractère fort. Il lui en a fallu pour imposer sa cuisine dans une agglomération prospère, mais moyenne, où les touristes, certes très nombreux, ne recherchent pas en priorité la grande gastronomie, à l'exception des Japonais fortunés. Le restaurant d'aujourd'hui est le second De Karmeliet de Geert Van Hecke. Le premier, un très petit établissement où il a gagné son premier macaron, se trouvait près d'un couvent qui lui a donné son nom. Il a acquis en 1990 cette maison de style postclassique construite en 1830, longtemps louée à l'administration fiscale, puis utilisée comme maison de loisirs par un riche bourgeois de la région. La demeure est classée comme il se doit à Bruges, "on n'y fait pas ce qu'on veut", soupire Geert Van Hecke. Impossible d'ouvrir davantage la salle sur le charmant jardin de curé. Avec tout le respect dû au passé, il fermera six semaines, en février et mars prochains, pour refaire la cuisine et le restaurant de fond en comble. Sans toucher aux murs. Avec sa classe naturelle, cette maison permet non seulement de donner une touche gracieuse au restaurant, mais aussi aux Van Hecke de placer judicieusement le fruit de leurs recherches. Passionnés d'art contemporain, ils écument les galeries et expositions en Europe, en Belgique surtout dès qu'un peu de temps libre se présente. Ils suivent particulièrement Pierre Alechinsky, un artiste belge qui vit en France.

Une rencontre du nord et du sud
A 44 ans, il est le benjamin des 3 étoiles belges, le flamand du trio et le seul établi hors de Bruxelles. Logiquement, c'est aussi le plus audacieux. "J'aime bien les classiques, mais il faut oser. On ne s'ennuie pas de manger si on change, si on cherche. Il faut faire autrement qu'ailleurs, éviter la fausse copie", professe-t-il. Un trait essentiel de sa cuisine est la rencontre du nord et du sud de l'Europe, de l'Europe et de l'Asie. Il mêlait, cette dernière saison, un Consommé de langoustines glacées avec un Tandori de saumon et un Sorbet au gaspacho. Son dernier Riz sauté à l'agneau n'est que l'avatar d'une tendance qui date de ses débuts. "J'aime les saveurs de l'Asie, et pourtant je n'y suis allé qu'une fois, au Sri Lanka. Mais je fais vraiment ce que j'aime, ce n'est pas une question de mode." Ce jeu d'équilibriste, il le joue aussi entre la tradition et l'innovation, ou en pâtisserie, entre le frais du fruit et le capiteux du chocolat, entre le chaud et le froid.
Mais sa formation est plutôt classique, belge et française. Après trois ans d'école hôtelière sur la côte de la mer du Nord à Coxyde, il débute deux ans à la Villa Lorraine, à l'époque l'une des deux premières maisons de la capitale belge. Puis c'est le passage en France, d'abord chez Jacques Manière, puis deux ans avec Alain Chapel à Mionnay qui lui donne notamment les bases et le goût de la pâtisserie. Il travaille ensuite deux ans et demi à Bruxelles avec le Français Abel Bernard, chef à la Cravache d'Or.
C'est en 1983 qu'il s'installe à son compte à Bruges avec son épouse Mireille, flamande comme lui malgré son prénom provençal. Cette institutrice de métier, vite entrée dans l'entreprise, amoureuse des arts comme lui, le soutiendra dans sa quête d'innovation. Le premier De Karmeliet est très petit, dix tables assez serrées, une cuisine un peu juste. Mais la première étoile est là dès 1985. Au même endroit, toujours avec très peu de moyens et de personnel, il reçoit en 1989 une seconde étoile et une forte notoriété qui l'étonne. Déjà, la clientèle régionale est très fidélisée, mais on commence à venir de loin. De Karmeliet est trop petit. Il saisit l'opportunité de la Langestraat, la "rue longue" de Bruges. L'immeuble qu'il acquiert, outre sa grande taille, présente l'avantage d'être proche de tout, notamment des meilleurs hôtels du centre-ville, des départs des promenades en canaux, comme des musées. Il a la place pour embaucher et servir davantage de couverts. En 1996 la troisième étoile est là.
La tête ne lui tourne pas pour autant. Les prix, certes élevés, ne flambent pas sur sa carte. Il faut garder les habitués de longue date.

Un goût pour l'honnêteté
Geert Van Hecke déteste la frime. Pour lui, le rapport qualité-prix n'est pas seulement une affaire commerciale, mais un goût pour l'honnêteté. En remontant de nouveau d'un cran sa notoriété, les 3 macarons lui donnent encore davantage de liberté. Ainsi avait-il dû, après cinq ans d'efforts infructueux, abandonner les recettes à base de poissons dits pauvres, que ses compatriotes appréciaient peu, en tout cas pas dans l'idée qu'ils se faisaient d'une grande table. Il y revient à présent, avec obstination. Mais prix maîtrisé ne veut pas dire compromis sur la qualité. Geert Van Hecke, flamand et belge dans l'âme, va chercher les meilleurs produits dont il a besoin, là où ils se trouvent : le cabillaud, le turbot, le coucou ou les asperges de Malines chez lui et fait son marché en France surtout, pour la majorité des légumes, la quasi-totalité des viandes. "Nous avons quelquefois ici un superbe lapin, mais ce n'est pas constant." Il se procure bon nombre de produits en France : les saint-jacques, les rougets, et autres bons produits de la mer en Bretagne, les produits de saison de toutes les régions, ainsi que vins - mais comme sur toutes les cartes belges, les vins "étrangers", comme on dit aussi en Belgique, ont fait leur apparition -, et fromages... Toujours l'honnêteté. Fermes sur leurs convictions, leur drapeau national et plus encore régional, les meilleurs chefs belges n'en sont pas moins de grands connaisseurs et illustrateurs des terroirs français. zzz18p zzz22i zzz99

Restaurant De Karmeliet
Geert Van Hecke
Langestraat, 19
8000 Bruges - Belgique
Tél. : 00 32 0 50 33 82 59
Fax : 00 32 0 50 33 10 11
E-mail : karmeliet@freegates.be

Parlons chiffres

Chiffre d'affaires
9 MF

Nombre de couverts
60/jour

Effectif
20 employés

 

Pavé de cabillaud à la chapelure d'échalotes et moules de Zélande, sauce au vert ients

Ingrédients
(pour 4 personnes)

4 pavés de cabillaud de 180 g
2 tranches de pain rassis
Bouquet d'herbes : cerfeuil, persil, basilic, estragon, épinards
3 échalotes hachées
1 dl d'huile d'olive
Un morceau de beurre
Oignons fanes
Pommes de terre
2 tomates concassées
24 moules
2 verres de vin blanc
Sel, poivre, muscade

Préparation
- Mettre le poisson sur une plaque beurrée avec sel et poivre, poser les tomates concassées dessus. Réduire le pain en miettes, ajouter une cuillère d'échalotes hachées, 2 cuillères d'huile d'olive et 1 cuillère de vin blanc. Bien partager sur le poisson, mettre au four pendant 12 mn à 180 °C avec 2 verres de vin blanc et un peu d'eau.

- Faire suer les échalotes hachées, ajouter les moules, couvrir, laisser cuire jusqu'à l'ouverture de celles-ci.
- Récupérer le jus des moules et le jus de cuisson du cabillaud, y jeter une grosse poignée d'herbes vertes et laisser cuire 30 secondes. Mixer, puis passer au chinois, finir avec 20 g. de beurre.

- Servir avec des pommes de terre écrasées à l'huile d'olive et oignons fanes : couper les oignons en brunoises, les laisser suer dans l'huile d'olive, ajouter les pommes de terre cuites dans leur peau puis épluchées, assaisonner de poivre, sel, et noix de muscade.

 


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L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000

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