Installé dans un imposant château XIXe, Dieter Müller, 52 ans, fait partie depuis 1997 du club très fermé des 3 macarons Michelin. Passionné par le travail des poissons et des sauces, celui-ci avoue son admiration pour la cuisine française.
Sylvie Soubes
Dieter Müller est élégant, naturellement élégant.
Le menu
"amuse-bouches" (menu dégustation) est assez récent chez Dieter Müller. Bien
lui en a pris. Début août, un touriste français, qui visite l'adresse, le choisit au
déjeuner. L'homme, la trentaine, promène avec lui un livre d'or énorme, riche des plus
grandes signatures de chefs européens croisés depuis 10 ans. La cuisine, c'est son dada
!
Première assiette : trois sortes de foies gras accompagnées de petites brioches nature,
à l'orange... Le bonheur est immédiat et il grandit encore avec la deuxième assiette :
Gratin d'écrevisse, Daurade à la moutarde de violette, Turbot au céleri... Cinq belles
assiettes, dix-huit plats dégustés. Enchantements et remerciements gourmands se
succèdent ainsi jusqu'à la fin du repas. Mousse de champignons, Soupe de canard à la
chinoise, Cappuccino au curry et à la citronnelle, côte d'agneau et artichaut, cannelés
d'agneau, filet de chevreuil... L'amateur, au comble de la satisfaction, attend avec
impatience - on le lit sur son visage - l'arrivée du chef.
Dieter Müller est de taille moyenne, blond, le visage ouvert. Il sourit d'emblée, avec
un mélange d'humilité et de gentillesse. Non, il n'a pas la grosse tête. Comme le veut
la tradition ici, il passe de table en table à la fin du service. Le gestuel, l'approche
sont élégants. Dieter Müller est élégant, naturellement élégant. Le Français se
lève d'un bond lorsque le chef s'approche - enfin - de lui. Il ne peut pas rester assis.
Il voudrait aussi applaudir. Mais ce serait déplacé. Alors, il tend une main
reconnaissante vers Dieter Müller. La poignée de main est magique et l'instant à tout
jamais gravé.
Bergisch Gladbach
La grande cuisine est un art. Quand Dieter Müller, 3 étoiles Michelin depuis
1997, n'uvre pas aux fourneaux, il aime dessiner et écrire des livres de recettes.
Sa vie d'artiste s'harmonise avec une vie de famille heureuse. Trois enfants. Une épouse,
Birgit, à ses côtés dans la passion. Elle participe notamment au succès du restaurant
par un accueil parfait.
Issu du sérail, Dieter se souvient de sa mère préparant des plats réconfortants avec
des produits sains et généreux. Les odeurs, les saveurs lui restent en mémoire. Ses
parents tenaient une petite pension de famille avec table d'hôte, en forêt, pas très
loin de la frontière française. A l'heure des études, il opte pour la cuisine. Trois
ans d'apprentissage. Ses débuts dans la vie active sont marqués par de grandes maisons
en Suisse et en Allemagne, (au Schweigerhof notamment), mais aussi par le regret de
n'avoir pas réussi à travailler en France. "Ce n'était pas facile à l'époque
pour quelqu'un d'origine allemande d'entrer dans une brigade française, surtout quand on
ne connaissait personne. Ce qui était mon cas". Avec son argent de poche, il
s'offre toutefois des aller-retour en Alsace, à la découverte des grandes tables.
En 1973, il se lance, avec son frère Jorg, dans sa propre affaire, à Wertheim. Un an
plus tard, le Michelin lui accorde 1 étoile et, en 1977, une seconde étoile
récompense son talent. Elle ne le quittera plus jusqu'à son départ. "Au bout de
17 ans au même endroit, j'avais envie de voir autre chose."
Dieter reçoit de nombreuses propositions. Des sociétés américaines se placent en bonne
position. Mais le cuisinier avoue vouloir retrouver un esprit familial. Nous sommes en
1992.
Thomas Althoffs, qui a transformé le château de Bergisch Gladbach en hôtel, lui propose
de veiller sur le restaurant. L'idée fait son chemin. L'endroit, impressionnant de
verdure et de charme, se trouve à 50 kilomètres de Dusseldorf, à 1 heure de Paris en
avion. Le Schlosshotel Lerbach déploie luxe et raffinement. Le lieu se prête à la
création. Dieter Müller accepte.
80 % de produits français
Entre Wertheim et Bergisch Gladbach, Dieter Müller a beaucoup voyagé, cuisinant à Los
Angeles, Bangkok, Tokyo... Aux côtés de Bocuse, Ducasse, Guérard, Troigrois... "J'ai
toujours été fasciné par les sauces françaises et la créativité dont faisaient
preuve les grands chefs. La France porte en elle quelque de chose de particulier dans les
goûts, dans les arômes", estime-t-il. De cette confrontation des styles va
naître un intérêt nouveau, renouvelé, pour les poissons et les sauces. Même si Dieter
Müller "touche à tout" aux pianos. Certains amateurs parlent volontiers d'un
tour de main méditerranéen. La réalité se tourne davantage vers une cuisine de
cur. Le cuisinier va très loin dans l'harmonie, la festivité, la présentation.
Autre constat : 80 % des produits qu'il utilise aujourd'hui sont français.
Dieter Müller n'abandonne que très rarement les pianos du Schlosshotel Lerbach. "Question
d'éthique, insiste-t-il. Je crois que depuis que je suis ici, j'ai réellement
trouvé mon style. Le menu change tous les jours, ce qui me permet de ne jamais
m'endormir. Les 3 macarons n'ont fait que renforcer ma motivation et celle de l'équipe
qui m'entoure. Aujourd'hui, mon am-bition ? Faire en sorte que la clientèle soit toujours
satisfaite, toujours contente. Que tout soit parfait, plus que parfait. Tout en restant
sur terre. Ça aussi, c'est important."
Dieter Müller a reçu par trois fois le titre de Meilleur cuisinier d'Allemagne.
Interrogé sur la manière dont il gère une équipe, André Thomann*, Alsacien et maître
d'hôtel du restaurant Dieter Müller depuis quatre ans, confie : "Monsieur
Müller est un père. Il nous explique tout. Il fait en sorte que la salle et la cuisine
se connaissent, discutent. Vous savez, beaucoup de gens voudraient pouvoir travailler en
cuisine avec lui. Bien sûr, il demande 110 % de nous-même, mais en échange, il nous
apprend énormément et il nous respecte." La liste des demandes pour entrer dans
la brigade de Dieter Müller est longue. Un an d'attente minimum. zzz18p
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André Thomann* que nous remercions chaleureusement pour avoir collaboré avec patience et gentillesse à la traduction de l'interview.
Restaurant Dieter Müller
Schlosshotel Lerbach
Lerbacher Weg
D 51465 Bergisch-Gladbach
Allemagne
Tél. : 00 49 (0211) 40 10 50
Fax : 00 49 (0211) 40 36 67
Parlons chiffresChiffre d'affaires 15 MF
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Ingrédients
Filet de turbot
Céleri
Purée de céleri
Fumet de poisson
Safran
Beurre
Tomates
Estragon frais
Sel et poivre du moulin, vin blanc
Citron
Préparation
- Préparer le céleri en fines tranches, l'ébouillanter 30 secondes puis
le refroidir à l'eau froide. Assaisonner le turbot avec du sel et du citron.
- Recouvrir le filet d'un peu de purée de céleri, reconstituer les écailles avec
les lamelles de céleri. Faire réduire le fumet de poisson.
- Préparer un beurre de safran, ajouter un peu de fumet. Couper les tomates en
dés, ciseler l'estragon, placer dans la sauce. Réserver.
- Sur une poêle beurrée, placer le poisson, arroser de vin blanc et de fumet.
- Faire cuire à feu vif 8 mn. Servir le poisson accompagné de la sauce au safran
et de tortellinis.
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L'HÔTELLERIE n° 2686 Hebdo 05 Octobre 2000