En mars 1968, alors qu'il vient tout juste de débarquer à Roanne chez les Troisgros, Bernard Loiseau vit... en direct l'arrivée de la troisième étoile de ses maîtres. Il se jure alors de faire aussi bien. Plus tard...
Jean-François Mesplède
En lui offrant sa troisième étoile,
le guide Michelin concrétise le rêve
de gosse de Bernard Loiseau.
La petite phrase est passée
à la postérité. Vraie ou fausse ? Allez savoir ! "Si ce gamin devient un jour
cuisinier, moi je me fais évêque", aurait lâché Jean Troigros un jour de
grande colère à l'endroit du jeune Loiseau qui avait une fâcheuse tendance à rater
tout ce qu'il entreprenait et à casser un peu trop de vaisselle. Avec le temps, les mots
ont eu d'autant plus de succès que, dans son paradis, le bon Jean a pu constater que le
gamin avait obtenu son CAP en juin 1971, était devenu cuisinier, talentueux et paré à
son tour de ces astres scintillants dont il avait rêvé.
"C'est vrai que cette journée de mars 1968 m'a profondément marqué. J'avais
dix-sept ans et moi, le petit gosse de Chamalières, je me suis promis que je connaîtrai
un jour le même bonheur que celui que je ressentais chez Jean et Pierre Troisgros."
La route est pourtant longue qui mène aux sommets. Elle passe par Clichy où, en 1972, il
rencontre Claude Verger.
Verger installe Bernard Loiseau à la Barrière de Clichy, puis à la Barrière Poquelin.
Le courant passe si bien entre les deux hommes qu'en mars 1975, le "patron"
propose à son chef de s'installer à Saulieu, où il est devenu propriétaire de la Côte
d'Or, dont il lui offre la gérance. S'il n'est pas dans un excellent état et s'il vit
beaucoup sur sa gloire passée, l'établissement est historique : c'est Alexandre Dumaine
qui a rendu célèbre ce relais de poste dont l'origine remonte au XVIIIe siècle. En
1931, un peu las de l'Afrique du Nord, où il est depuis 1922 directeur et chef de cuisine
de la Compagnie Générale Transatlantique, il veut revenir en France. Il saisit
l'opportunité qui lui est offerte de reprendre cette affaire.
Jusqu'en 1963, Dumaine resta à Saulieu, avec Jeanne, son épouse, à ses côtés.
Ancienne journaliste, devenue sa plus proche collaboratrice, elle n'est pas pour rien dans
sa réussite. Et, curieux clin d'il de l'histoire, il en sera de même quarante ans
plus tard et dans le même établissement pour Bernard Loiseau et son épouse Dominique...
elle aussi ex-journaliste... à L'Hôtellerie !
Bernard Loiseau s'installe en 1975 et décroche sa première étoile au Michelin
deux ans plus tard. La deuxième arrive en mars 1981. Dès lors, plus rien n'arrête
Loiseau qui rachète le fonds de commerce et les murs en 1982, crée la résidence Relais
& Châteaux en 1985, et restructure totalement le restaurant en 1990, en démolissant
l'ancien garage et les cuisines de Dumaine qui se trouvaient dans le jardin.
En 1991, quelques mois à peine après la fin des travaux de rénovation du restaurant,
c'est la consécration : en lui offrant sa troisième étoile, le guide Michelin
concrétise le rêve de gosse de Bernard Loiseau. "Une semaine avant la sortie du
guide, j'ai reçu un coup de téléphone de Bernard Naegellen qui m'a solennellement
demandé de garder le silence vis-à-vis des médias avant de m'annoncer que j'avais 3
étoiles. 'Je suppose que vous êtes content', m'a-t-il ensuite demandé comme je gardais
le silence. Je n'ai pu que bafouiller bien sûr, bien sûr". Le 4 mars, jour de
sortie officielle du guide, reste un grand jour pour lui. "C'est formidable !
Quand je pense que j'ai débuté dans le métier avec une brosse à dents pour seule
propriété", s'amuse le chef.
Même s'il admet volontiers que les remboursements bancaires sont élevés, il n'arrête
pas sa marche en avant. La Côte d'Or est régulièrement agrandie ou rénovée. Outre sa
collaboration avec des entreprises de l'agroalimentaire, il diversifie son activité dans
quelques restaurants parisiens (Tante Louise, Tante Marguerite, Tante Jeanne) et entre en
Bourse au second marché.
"Celui-là, s'il devient un jour cuisinier...", aurait dit Jean
Troisgros. zzz18p zzz22i
Merci à William Echikson pour l'emprunt du titre de son livre La quête des
étoiles paru chez Hachette en 1995.
La Côte d'Or
21210 Saulieu
Tél. : 03 80 90 53 53
Fax : 03 80 64 08 92
E-mail : loiseau@relaischateaux.fr
Parlons chiffresChiffre d'affaires 20,4 MF
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Ingrédients
(pour 4 personnes)
48 cuisses de grenouilles (1 kg)
400 g d'ail
100 g de persil plat équeuté
60 g de beurre
5 cl de graisse d'oie
1/2 verre de lait
Farine, sel fin
Gros sel et poivre du moulin n
La purée d'ail
- Casser avec la paume de la main les têtes d'ail, puis les blanchir trois fois
de suite dans de l'eau. Enlever alors la peau et le germe de chaque gousse d'ail. Blanchir
de nouveau les gousses d'ail autant de fois qu'il sera nécessaire pour, d'une part en
enlever l'amertume, et d'autre part les cuire. Après cuisson, bien égoutter l'ail, puis
le passer au mixer pour en faire une purée. La détendre légèrement avec un peu de
lait. Réserver.
Le jus de persil
- Laver le persil et l'égoutter. Le cuire dans l'eau bouillante et salée
pendant 4 à 5 mn, puis le rafraîchir dans l'eau froide. Bien l'égoutter dans une
passoire puis le mettre dans un mixer pour en faire une purée. Passer cette purée au
tamis, puis la détendre dans une casserole avec un peu d'eau pour obtenir la consistance
d'un coulis. Réserver.
Les grenouilles
- Couper le bout des cuisses de grenouilles, puis enlever les deux muscles
inférieurs de chaque cuisse pour garder uniquement le muscle supérieur.
Cuisson des jambonnettes de grenouilles
- Assaisonner de sel fin et poivre du moulin les jambonnettes puis les fariner.
Faire chauffer la graisse d'oie et le beurre dans un sautoir. Quand la matière grasse est
chaude (légèrement noisette), mettre les cuisses de grenouilles à cuire dedans, les
faire colorer pendant 3 mn sur le même côté, puis les faire cuire 1 mn de l'autre
côté. Une fois qu'elles sont cuites, les débarrasser sur du papier absorbant.
Finition
- Pendant la cuisson des jambonnettes de grenouilles, chauffer et assaisonner la
purée d'ail et le jus de persil. Napper le fond des assiettes avec le jus de persil et le
mettre au milieu de celles-ci avec une cuillère de purée d'ail. Disposer les cuisses de
grenouilles autour.
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L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000