Cet ancien de Borel et d'Accor a créé la concurrence sur le marché traiteur lillois,
et reprend les plus belles pépites du trésor hôtelier de l'ex-groupe Tutrice dans la Somme et peut-être dans le Pas-de-Calais.
Alain Simoneau
Joli parcours. En l'espace de huit ans, Pierre
Viallet, 39 ans, patron du Meunier, est parvenu à reprendre l'un des plus importants
espaces de restauration traditionnelle de Lille, à devenir l'un des leaders en
concurrence, notamment avec Lecoq traiteur du marché du grand banquet de la région
Nord-Picardie, avant de mettre le cap plus au sud avec la reprise, fin mai, du Prieuré à
Rancourt dans la Somme. L'ensemble, dans son périmètre actuel (lire encadré En
chiffres), emploiera en 2001 plus de 70 personnes en moyenne pour 35 à 40 MF HT de
chiffre d'affaires. Une holding sera rapidement nécessaire pour consolider
l'ensemble.
A 20 ans, sortant de l'école Jean Drouant à Paris muni d'un BTH et d'un BTS, Pierre
Viallet entre chez Jacques Borel International avec qui il travaille en particulier à
Parly II. Avec la reprise de cette société par Accor, sa formation de manager de
restaurant s'enrichit d'un parcours hôtelier au Novotel de Lille Lesquin, en Afrique, aux
Antilles, à l'île Maurice, avant de s'occuper quelques mois de la direction du Sofitel
de Marcq-en-Baroeul. Il décide alors de créer sa propre affaire dans le Nord. Ou plus
exactement d'en reprendre une, et pas n'importe laquelle. En effet, en 1992 il reprend
l'ensemble des affaires développées rue de Tournai près de la gare de Lille-Flandre par
Marc Lelieur, aujourd'hui maître de la Chicorée. Le paquet comprend le restaurant Le
Meunier, un restaurant brasserie traditionnel à la parisienne d'assez grande capacité,
un magasin traiteur attenant, et un grill également mitoyen, Les Feux de la Rampe. Pierre
Viallet investit 8 MF dans le fonds du Meunier, et 2 MF dans Les Feux de la Rampe. Un an
plus tard, il acquiert les murs pour 3,2 MF. Même après un séjour relativement long et
bien rémunéré outre-mer, il faut emprunter la quasi totalité de la somme pour
débuter. Il ajoutera encore au fil de l'eau quelques dépenses en aménagement intérieur
et notamment dans la création d'un salon de réception à l'étage, portant la capacité
du site à 500 couverts environ.
Le service traiteur
Un développement rapide était nécessaire pour amortir de tels emprunts. L'activité des
restaurants et du magasin étant déjà élevée, il fallait trouver un autre moyen de
croissance. C'est le service traiteur qui le fournira, d'abord à partir des possibilités
du site de la rue de Tournai, puis rapidement à l'extérieur.
Rue de Tournai, Viallet et son équipe développent le séminaire et le banquet,
accueillent des clubs services, diversifient carte et menus. D'autre part, le quartier de
la gare est en pleine restructuration. Apparaissent alors des bureaux propres et nets ; Le
Meunier y perd un vaste terrain vague attenant qui servait de parking gratuit. Le
restaurant ne suffit pas. Pierre Viallet s'attaque ensuite au service réception sur les
sites de congrès de la région et au marché traiteur institutionnel et entreprises. A
coups de prix très serrés, pour ne pas dire de dumping aux yeux de ses
concurrents, il se taille une place de challenger sur le marché à Lille, au Touquet, à
Amiens, Douai et Dunkerque. De grosses difficultés ont certainement pu être évitées
grâce au développement général du marché, qui a pu laisser la place à une seconde
entreprise à côté de Lecoq en plein développement au même moment. Aujourd'hui, la
concurrence est "normalisée", selon le patron du Meunier, qui estime
avoir augmenté ses prix moyens en service traiteur de 20 à 25 % ces trois dernières
années. "Chacun s'est relativement spécialisé dans une clientèle avec laquelle
s'est créée une plus grande affinité", commente Pierre Viallet, mais "la
concurrence demeure sur certains marchés", et il faut encore, dans certains cas,
pouvoir traiter à cent francs près. "Il reste alors huit francs nets du couvert,
mais on le fait en particulier pour de grandes quantités", reconnaît-il, "à
côté d'affaires à 250 francs". Le cur de marché en service extérieur
se situerait plutôt entre 120 et 160 francs.
Cap au sud lillois
"Nous faisons un métier qui évolue. Il faut investir, changer constamment,
former le personnel en permanence. Nous travaillons beaucoup avec Lenôtre en formation
pour avancer", indique Pierre Viallet. Point d'orgue de cette évolution, la
construction au sud de Lille en zone franche d'une cuisine centrale de 600 m2 rationnelle
et aux normes européennes fonctionnant en liaison chaude ou froide. Ce n'est pas la
stratégie de l'entreprise de développer la liaison froide systématique, mais le site
peut en sécurité surgeler, régénérer, stocker jusqu'à 8 000 couverts. Un nouvel
investissement de 5 MF, subventionné à hauteur de 1,2 MF par l'Etat et la Région pour
cette unité qui emploie 18 personnes sous plan HACCP. Avec cette nouvelle capacité, le
groupe peut encore progresser. A noter que la cuisine centrale ne travaille que pour les
prestations extérieures, et non pour les deux restaurants de ville qui disposent de leurs
propres cuisines.
La phase suivante de développement semble en comparaison moins risquée. Le groupe
d'Alain Tutrice, un important concessionnaire de marques étrangères d'automobiles,
diversifié dans l'hôtellerie et la restauration dans les régions de Bapaume, Péronne,
Albert et Arras est en liquidation complète. Mais non du fait particulier de l'activité
hôtellerie-restauration. Sur les quatre sites hôteliers, deux intéressent le groupe
Viallet. Le premier, situé à Rancourt dans le nord-est de la Somme entre Bapaume et
Arras, est déjà intégré dans l'affaire. Il s'agit du Prieuré et des Gourmandines, un
restaurant de campagne de 350 couverts doté d'un hôtel 2 étoiles de 27 chambres et
d'une capacité de traitement de séminaires et groupes importants. Le site dispose de
deux cuisines séparées, et peut accueillir des séminaires et banquets allant de 500 à
600 couverts. Le Prieuré vise les entreprises locales en semaine pour des repas ou
séminaires, les marchés des fêtes de familles et le tourisme en week-end. Il se trouve
au cur du front de la guerre 14-18 où ont péri un grand nombre de sujets du
Commonwealth, ce qui vaut à la région de nombreux pèlerinages. Enfin, situé à
distance de Paris et Lille, l'hôtel peut recevoir des séminaires résidentiels avec un
rapport qualité/prix intéressant. Le point faible du Prieuré est l'hiver, mais il ne
fermera pas pour des raisons de service à la clientèle. L'hôtel, en 1999, a réalisé
55 % de taux d'occupation. Il employait 20 personnes pour 13 à 14 MF de CA. L'objectif
majeur est d'accroître fortement la clientèle tour-opérateurs, à partir d'un
allotement de 25 % attribué à Eurotunnel et à Allez France. En raison des dettes du
groupe Tutrice, l'exploitation a été stoppée quelques mois et reprend, en grande
partie, avec le même personnel sous la direction de Didier Saloppé. L'affaire a été
acquise pour 700 000 à 800 000 F (fonds de commerce), et les murs pour 2,10 MF. Un pari
raisonnable aux yeux du nouveau patron. *
La cuisine centrale du groupe à Lille-sud. L'atelier de préparation du froid. Le
laboratoire sépare un circuit produits froids, un circuit produits chauds et une
boulangerie pâtisserie.
En chiffresTraiteur Meunier- Restaurant Le Meunier Grill Les Feux de la rampeChiffre d'affaires 4,5 MF Le Groupe Pierre Viallet : Objectifs 2001Chiffre d'affaires |
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'HÔTELLERIE n° 2683 Magazine 14 Septembre 2000