Femme jusqu'au bout des doigts, l'actuelle directrice de l'Hôtel Inter-continental Paris n'en est pas moins reconnue comme une véritable professionnelle. Un "quasi" événement dans un secteur d'activité encore parfois hostile à la féminité.
Claire Cosson zzz22v
raLe
regard est angélique. La poignée de main franche et directe. Quand elle parle, Dagmar
Woodward ne peut cependant pas s'empêcher de bouger une seconde, ni même d'avoir au coin
des lèvres une petite moue narquoise, comme si, au bout du compte, elle n'était dupe de
rien et surtout pas d'elle-même. A 47 ans, cette femme particulièrement énergique ne se
prend toujours pas au sérieux et aime peu parler d'elle. "Il y
a tellement d'autres personnalités plus passionnantes", prétend-elle sans
fausse modestie. Pourtant, le palmarès de cette fille de restaurateurs allemands en
ferait rougir plus d'un. On ne décroche effectivement pas le titre de Meilleure
hôtelière européenne de l'année (décerné en 1999 par l'Ehma) par hasard. Pas plus
d'ailleurs que celui de Meilleure professionnelle de l'industrie hôtelière outre-Manche
en 1992.
Qu'elle le veuille ou non, l'actuelle directrice générale de l'Hôtel Intercontinental
Paris semble, aujourd'hui, véritablement faire l'unanimité au sein du petit monde fermé
de l'hôtellerie internationale haut de gamme. "Cette fille est extraordinaire !
Elle parvient à générer un enthousiasme sans faille autour d'elle", confie
ainsi avec sincérité Pierre Ferchaud, grande pointure de l'hôtellerie parisienne
puisque président-directeur général de l'Hôtel Bristol. "C'est une femme
exceptionnelle", s'empresse volontiers d'ajouter Volker Zach, chef d'orchestre du
Westminster à Paris, tout en précisant qu'il n'en est pas amoureux.
"Jamais jouer les gros bras"
Même refrain dans les rangs de ses propres troupes. "En vingt ans de carrière,
c'est la première fois que je travaille avec une femme. Sincèrement, je dois l'admettre
maintenant : jamais je n'ai été un homme aussi heureux", confesse Arnaud
Pigeon, chef concierge à l'Intercontinental Paris. Incroyable, une telle admiration dans
un secteur d'activité où l'on prône, encore très souvent, le machisme en guise de
règle de bonne conduite.
Pourtant, les faits sont là ! A première vue, Dagmar Woodward a bel et bien réussi à
attirer les regards admiratifs de ses collègues sans être ni un top model (initialement,
la carrière de mannequin l'a néanmoins beaucoup titillée), ni une riche héritière, ni
une "emmerdeuse" notoire. Alors, quel est donc le secret de cette jolie brune,
pleine de charme, capable de s'exprimer couramment dans les langues de Molière, Goethe et
Shakespeare ? "Chacun apprécie Dagmar pour différentes raisons. A commencer par
sa capacité à se détacher d'elle-même, son naturel, son professionnalisme...",
explique Pierre Ferchaud. Et de surenchérir, "parce qu'elle sait également
diriger ses équipes d'une manière qui sort de l'ordinaire, en incarnant la force et la
douceur".
Malgré des allures fragiles, Dagmar a, de fait, montré qu'elle pouvait relever n'importe
quel défi. A commencer par celui que lui avait lancé son père, adolescente : effectuer
un apprentissage en cuisine. Puis celui d'ouvrir des établissements (à Washington DC) ou
mieux, de les fermer (à San Diego par exemple). "Reste que, face aux épreuves,
elle ne joue jamais les gros bras à la manière de certains hommes", indique un
membre du personnel de l'Intercontinental Paris. Réalisant l'essentiel de sa carrière en
restauration, cette femme a en réalité appris à supporter les coups de gueule des chefs
et les humeurs des grands patrons, tout en conservant son sourire séducteur.
Crédit à ses équipes, à leurs paroles...
"Lorsque j'ai été nommée directrice de la restauration au Meurice en 1983,
j'étais jeune et je parlais encore assez mal le français. Ma mission n'était donc pas
très aisée", se rappelle du reste l'intéressée. Son passage laisse toutefois,
aujourd'hui encore, quelques regrets dans le palace parisien. D'ailleurs, durant les
récents travaux de l'hôtel, une partie du personnel est venue déjeuner à la
cafétéria de l'Intercontinental Paris. "Il est impossible d'oublier l'époque de
Dagmar Woodward. Cette femme est géniale ! Une bosseuse invétérée, d'une part. Et une
incroyable fonceuse, d'autre part. Sans oublier son sens inouï de l'écoute",
reconnaît Marc Simon, actuel directeur de la restauration au Meurice, autrefois sous les
ordres de Dagmar Woodward.
Personne, plus que cette dernière qui ne se plaint d'ailleurs jamais, n'accorde plus de
crédit à ses équipes, à leurs paroles et à leurs gestes. "On ne fait jamais
en vain appel à son aide", précise Stéphanie George, gouvernante générale de
l'Inter-continental Paris. "Je considère qu'il est en effet primordial d'écouter
ses collaborateurs. Je ne serais rien sans eux", insiste Dagmar Woodward.
Résultat : sa porte de bureau demeure ainsi toujours ouverte pour que chacun puisse
s'exprimer librement. Tout comme celle de sa maison pour accueillir ses amis venus des
quatre coins du monde. "En fait, Dagmar Woodward a des convictions personnelles,
mais elle sait aussi échanger avec les autres", déclare le patron du Bristol.
1 800 francs de prix moyen
Une ouverture d'esprit qui lui a permis de gravir rapidement les échelons pour diriger
avec succès les plus beaux fleurons de la chaîne Intercontinental, désormais
propriété du groupe britannique Bass. Après le Portman et le May Fair à Londres, elle
manage ainsi quelque 420 personnes à l'Intercontinental Paris depuis plus de quinze mois.
Ayant subi une importante cure de jouvence (350 millions de francs), l'établissement se
porte plutôt bien, affichant un taux d'occupation proche des 80 %, et un prix moyen
chambre de l'ordre de 1 800 francs HT en 1999.
"Ce qui ne m'empêche pas d'avoir pour objectif d'améliorer encore le chiffre
d'affaires et le profit de cette belle maison parisienne", souligne Dagmar
Woodward. L'Intercontinental s'apprête d'ailleurs à investir à nouveau près de 10
millions de francs pour peaufiner sa jeunesse d'antan (création d'un fitness, ravalement
du hall...). Un investissement supplémentaire qui tombe à pic. D'autant que les hôtels
de luxe de la capitale sont aujourd'hui "armés" jusqu'aux dents pour séduire
les clients. Avec son charme, Dagmar Woodward n'a toutefois guère de souci à se faire... *
Elle a des convictions personnelles, mais elle sait aussi échanger avec les
autres"
Avec une patronne expérimentée et un produit entièrement rénové, l'Inter
continental Paris est paré pour affronter les concurrents.
Ses dates1953 naissance en Allemagne dans une famille de
restaurateurs |
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'HÔTELLERIE n° 2673 Magazine 6 Juillet 2000