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L'Hostellerie de l'Abbaye de La Celle
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Signé Ducasse 

Alain Ducasse et Bruno Clément reprennent l'Hostellerie de l'Abbaye de La Celle dans le Var. Une association qui crée l'événement.

Veille d'ouverture à l'Hostellerie de l'Abbaye de La Celle en décembre dernier. La bâtisse du XIXe siècle, dans son parc au pied de la montagne de la Loube, est une ruche. Ballet de femmes de chambre dans les suites Marie-Antoinette et Charles de Gaulle. On fait la chasse au dernier grain de poussière. Dans le hall, une équipe de restaurateurs s'affaire autour de la porte d'entrée : "Trois heures pour éclaircir la rosace. Il faut rendre la pièce plus lumineuse avec des tons blond clair. Regardez : avec des teintes au départ différentes, nous avons réussi à avoir les mêmes tons sur la porte et sur cette armoire..." Partout maçons, cuisiniers, architectes, jardiniers et serveurs règlent les derniers détails. Pourtant, les équipes de télévision se pressent autour d'un seul homme. Alain Ducasse redresse du doigt une gravure sur le mur, prend un appel à la réception, donne quelques consignes à sa chargée de communication. Le chef aux six étoiles n'a rien d'un blasé. Calé dans un des confortables fauteuils du fumoir pour une courte pause, sa main caresse une boîte à cigares en bois laqué : "Une merveille. Ces trois-là forment une collection unique. Nous sommes dans les m2 les plus chers de l'établissement : 4 m2 qui contiennent pour plus de 150 000 francs d'objets. Toute la décoration de l'Hostellerie est le résultat de mes chines dans le monde entier..."

"Des outils magnifiques dans les mains des bonnes personnes"
Si l'hôtel porte incontestablement la patte Ducasse - Benoît Witz, chef à La Bastide de Moustiers œuvre en cuisine, et tous les postes clés sont dévolus à des purs produits de l'école du chef landais - l'homme n'y sera présent que par épisodes. Mais il est certain que tout sera fait selon son bon vouloir. De l'antiquaire parisien venu sur place restaurer le mobilier de l'Hostellerie jusqu'au barman et au directeur de l'établissement, du collaborateur occasionnel au salarié, on sent une profonde admiration pour le nouvel exploitant. On sait que Ducasse porte une attention méticuleuse au travail de chacun et on est fier. "Ça me suffit de travailler derrière Alain Ducasse, témoigne un anonyme. Son point fort, c'est de mettre des outils magnifiques dans les mains des bonnes personnes. Des gens compétents et fidèles. Ensuite, ça ne peut que marcher. Sa présence n'est même plus indispensable." C'est peut-être là la plus grande réussite du président de Châteaux et Hôtels de France : livres, collection d'objets, restaurants concept (Bar & Bœuf à Monaco). La marque Ducasse suffit désormais à assurer le succès de toute entreprise en rapport avec les arts de la table. L'établissement de La Celle n'est-il alors qu'un produit Ducasse de plus ? Bruno Clément, son associé à la tête de l'Hostellerie de l'Abbaye de La Celle, ne biaise pas : "Opération marketing ? Vous savez, les gens ne se déplacent jamais pour rien. Un nom peut servir de déclencheur. Bruno, l'homme du terroir, le roi de la truffe et Ducasse, le plus grand communicateur du monde, deux personnalités médiatiques complémentaires, mais aussi deux amis qui font deux grands chefs d'orchestre. Nous avons une affaire à faire marcher. 1 250 m2 à exploiter au mieux."

Une clientèle régionale puis internationale
Car si l'hôtellerie avec ses deux suites et ses huit chambres (avec un premier prix de 1 150 francs en basse saison) s'adresse à une clientèle fortunée, le restaurant, avec deux menus à 215 et 280 francs peut s'ouvrir à un public de proximité. "Nous nous adressons d'abord à une clientèle régionale - Aix, Marseille, Toulon -, poursuit Bruno Clément, ensuite la synergie avec les autres établissements Ducasse nous amènera des gens du monde entier. Et puis nous sommes directement sur l'axe Milan-Barcelone, à quatre kilomètres de la sortie de l'autoroute. Chacun a un rôle précis : la machine est rodée comme une montre suisse." Une montre qui aura nécessité pour le seul exploitant, la SARL Les chefs associés, un investissement de 23 millions de francs (18 millions de rénovation plus 5 millions d'ameublement-décoration). Confiée après appel d'offres du conseil général du Var aux deux ténors des fourneaux, la gestion du domaine est l'objet d'un bail de 550 000 francs par an. Attenante à une abbaye bénédictine du XIIe siècle, l'Hostellerie partage avec le monument classé une de ses salles de restaurant, ancienne salle capitulaire, qu'elle doit rendre accessible à tout public entre les repas. Ce cadre permet à l'Hostellerie de faire partie, dès son ouverture, du groupement d'indépendants Châteaux et Hôtels de France. "Mais le public qui visite l'abbaye n'est pas celui que vise notre établissement, s'empresse-t-on de préciser à la direction. Il s'agit souvent de visites de moins d'une demi-journée. Des groupes qui ne restent pas dans le village."

"Un exemple pour l'hôtellerie provinciale"
"Nous avons voulu faire une très belle auberge provençale. Sincère, vraie, accessible, résume Alain Ducasse. Ce sera vite un des établissements phare des Châteaux et Hôtels de France car chaque établissement se doit d'être l'interprète de la région dans laquelle il se trouve. Comme une synthèse d'authenticité, le chemin vers lequel l'hôtellerie provinciale devra se diriger." L'auberge aura quand même nécessité d'importants travaux, notamment le parc de 2,5 ha planté de platanes, marronniers, et cyprès bicentenaires. Meublé et décoré avec les trouvailles d'Alain Ducasse - "il en a un hangar plein à Monaco, de quoi meubler encore cinq hôtels comme celui-là", plaisante Bruno Clément - l'hôtel paraît déjà habité, malgré une fermeture de quinze ans. La banque d'accueil, vieux meuble de bois patiné, voisine avec une pendule sûrement récupérée dans une gare. Sous la véranda, au bar, un banc africain côtoie deux vieilles tables de cuisine de ferme. Sur tous les murs, des gravures et tableaux de style divers. "Toutes ces choses ont un passé", assure le patron. Les deux suites se veulent plus homogènes, avec un univers plus féminin et XVIIIe siècle pour la "Marie-Antoinette". La suite De Gaulle, plus vaste, semble presque militaire avec ses gravures et ses bottes de cavalier comme oubliées par le général dans un coin. Les trois chambres de l'étage supérieur, plus petites, multiplient les petits détails, décorées et ordonnées chacune différemment. "Maintenant, c'est à Benoît Witz le chef et Thierry Blanc le directeur de jouer, conclut Bruno Clément. A eux d'assurer le devenir de l'Hostellerie. Mais nous ne serons jamais loin pour venir saluer une personnalité quand il le faudra. De toute manière le conseil général est certain de s'assurer une visibilité maximale avec notre association." Vu les investissements réalisés, l'établissement se doit de mettre la barre très haut. n

L'Hostellerie en chiffres

22 personnes (30 à 35 à la belle saison)
Investissement total : 23 MF
Loyer annuel au propriétaire, le conseil général du Var : 550 000 F/an
Retour sur investissement complet prévu pour dix ans
Dix chambres (cinq dans le bâtiment principal, maison bourgeoise du XVIIIe siècle, dont deux suites. Cinq en bordure de la propriété, dont trois en duplex avec jardins privés)
Deux salles de restaurant de 20 et 25 couverts
Parc de 2,5 ha
Piscine


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L'HÔTELLERIE n° 2655 Magazine 2 Mars 2000

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