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Restauration

Avec un savoir-faire français

Ils réussissent en Allemagne

Jean-Claude Bourgueil, la cinquantaine, est une référence gastronomique à Düsseldorf, sur les bords du Rhin. Son établissement propose deux tables sous le même toit : l'une possède trois macarons et lutte quotidiennement pour les garder, l'autre est un « simple » étoilé d'atmosphère plus germanique. Vincent Moissonnier, plus jeune d'une demi-génération, a réinventé le bistrot de luxe dans le quartier turc de Cologne. Un restaurant très français, mais aussi très attentif à sa clientèle locale. D'un côté l'exigence même, de l'autre l'innovation au pouvoir, montrent un chemin possible à leurs collègues français, dans une région rhénane qui approche les dix millions d'habitants.

Par Alain Simoneau

Pourquoi l'Allemagne ?

Question d'opportunité et de volonté. Après son service militaire à Pau, Jean-Claude Bourgueil a tenté sa chance en Espagne, où il a entendu dire par un autre voyageur que le nouveau Hilton de Düsseldorf embauchait pour l'ouverture. Vincent Moissonnier, quant à lui, conseillle de voyager pour apprendre.

Ce fut le déclic de sa carrière. "A l'époque, c'était un restaurant qui tenait debout. J'y ai fait mes premières armes dans une grande brigade. Et surtout j'y ai appris l'organisation." Puis il entre au Wallisepstuben ou il devient chef à l'âge de 28 ans et est le premier de la région à décrocher deux étoiles au Michelin. Dès lors, il est intégré, et cherche à s'installer... Filière berlinoise pour Vincent Moissonnier. Ce vosgien d'origine élevé en Afrique, fils d'enseignant devenu proviseur de lycée, désespère son père quand il est jeté dehors du LH de Strasbourg pour actes d'indiscipline. Au lieu du BTH espéré, il sort avec un simple BEPC en poche et se dispose à ramer dur. En amitié avec la langue allemande, il file à Berlin pour se former. Il passe par une agence de placement parisienne, Hotel Consultant, et débute chez le chef propriétaire français du Maître à Berlin Ouest, un deux étoiles disparu. En trois ans il devient chef de rang puis second maître d'hôtel. Quand le patron ferme son affaire trois ans plus tard, il le replace à Cologne où il devient rapidement, à l'âge de 23 ans, directeur d'un groupe de trois établissements, dont deux brasseries et un étoilé. "Le propriétaire était rarement là... J'ai beaucoup appris, commis des erreurs, je les ai réparées, et je me suis beaucoup fatigué à travailler à un rythme infernal." Mais surtout il maîtrise sa clientèle de Cologne et cherche à la convaincre à son propre compte. La brasserie de la Krefelderstrasse était sur le marché à un prix abordable.
Chez Moissonnier, sept personnes en cuisine, quatre en salle, le personnel est 100 % français, la plupart recrutés via L'Hôtellerie. Les recrutements sont très difficiles d'avril à fin juillet. On demande donc au personnel d'éviter les démissions pendant cette période.

Le personnel : français ou international ?

L'organisation a évolué avec la société ambiante. Deux jours de congé par semaine, six semaines par an, le restaurant ferme quatre semaines en été et deux semaines en hiver. Echaudé par la direction du restaurant qu'il a occupée avant de s'installer, à raison de dix-sept heures de travail par jour, Moissonnier est strict sur les ouvertures. Du mardi au samedi, c'est 12 h-15 h et 19 h-24 h, sans plus, la dernière commande étant prise à 13 h 50 le midi et 22 h 15 le soir. Une discipline peut-être plus difficile à faire accepter en France. Les salaires sont proches des salaires français au départ (impôts prélevés à la source, le net peut paraître moins élevé), mais après quelques années la comparaison serait plutôt en faveur de l'Allemagne. Aux jeunes Français, il dit : "Partez, voyez du pays. La France est le seul pays à fournir du personnel formé à l'ensemble de l'Europe". Vincent Moissonnier se dit prêt également à dégager un peu de temps pour parler de cette expérience en école hôtelière. Chez les Bourgueil, vingt-six personnes pour moitié en salle et en cuisine, l'ambiance est au contraire internationale. Tout doit être parfait, donc les jeunes sont très encadrés et surveillés. "Si quelque chose ne va pas, il ne faut pas le louper, mais rester juste dans la critique", dit Jean-Claude Bourgueil. La maison fait partie d'un parcours de formation en Europe du Nord. Néerlandais, Danois, Allemands, Français mais aussi Espagnols, Japonais ou Chinois apprennent chez Bourgueil. "Je suis 100 % français, avec l'esprit européen. Quelle que soit sa nationalité, un jeune qui persévère peut réussir. Il faut essayer de garder l'esprit qui a envahi la France pendant le Mondial. Se motiver. Oui, il faut voyager. Gare à l'immobilisme français."


Ambiance internationale dans la vaste cuisine d'Im Schiffchen et d'Alschokker.

En chiffres

Im Schiffchen et Alschokker servent de l'ordre de cent repas/jour en hiver, un peu moins en été, pour un ticket moyen de l'ordre de 850 F. Avec 26 salariés, le chiffre d'affaires est de l'ordre de 12 MF. L'affaire a vingt ans et n'a cessé d'investir. Le plus difficile, comme pour tous les trois étoiles est de tenir le choc sur le plan économique en maintenant un niveau de prestations aussi élevé. Jusque-là ça va, semble dire ce patron sous pression. "Nous avons toujours été bénéficiaires", affirme son jeune collègue du Moissonnier, onze personnes à bord y compris les propriétaires. Avec 80 à 90 repas/jour hors saison et 100 à 120 repas d'octobre à avril, le CA atteindra cette année quelque 6,50 MF. La carte de taille modérée offre huit entrées de 40 F à 98 F et autant de plats principaux de 125 F à 145 F. Tous les desserts sont à 57 F. Cela donne un ticket moyen un peu inférieur à 400 F le midi et un peu supérieur le soir où se réalise 75 % du CA.


L'HÔTELLERIE n° 2607 Magazine 1er Avril 1999

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