Actualités

L'auberge de la Fenière à Lourmarin

La "Reine" de cœur

Venue tout droit de sa Lorraine natale, Reine Sammut est aujourd'hui devenue une enfant du Sud. Elle y a trouvé toutes les raisons de vivre : son mari, ses filles, ses amis, sa famille, son rire communicatif... Elle y a également appris la cuisine. Une cuisine gorgée de soleil, qui n'a qu'une envie, partager le goût des bonnes choses avec autrui.

Par Claire Cosson


Pour Reine, rien n'est jamais définitivement acquis. Résultat : elle cherche sans cesse de nouvelles recettes.

Rien n'agace plus Reine Sammut que d'être flattée. Alors, inutile d'aller lui confier, même sous le sceau du secret, qu'ici à Lourmarin, en plein cœur du Lubéron, elle est véritablement épatante et contribue pleinement à la renommée de la cuisine provençale à travers le monde. Ce petit bout de femme, haut comme trois pommes, doté d'un sourire d'enfant et d'un regard rieur, se croit simplement "utile". Tout comme estime l'être, du reste, une mère lorsqu'elle imagine de bons petits plats pour régaler sa famille.
Son truc à elle a toujours été en effet de cuisiner pour partager avec ceux qui lui sont chers. Qu'on le veuille ou non d'ailleurs, la cuisine de Reine se définit avant toute autre chose comme une affaire de cœur. Comment aurait-il pu en être autrement ? Sachant d'une part que la Provence rime, depuis la nuit des temps, avec tolérance et générosité. Et que d'autre part, cette fille de douanier, née en Lorraine, s'est mise au "piano" uniquement par amour. Si Reine a renié, sans aucun scrupule, le serment d'Hippocrate pour celui d'Apicius (elle étudiait la médecine à Marseille), c'est parce qu'elle a effectivement ren
contré "un grand frisé avec une tête comme ça" : Guy Sammut, son mari.
"Il était plein d'allant et ressemblait comme deux gouttes d'eau à Jimi Hendrix", se rappelle avec tendresse le chef de L'auberge de la Fenière. Mais, cet homme-là était aussi fils d'un père sicilo-maltais et d'une mère, Claudette, d'origine franco-tunisienne qui tenait à l'époque un petit bistrot, sacrément réputé, à Lourmarin. Adieu donc piqûres, ponctions et autres points de suture ! Bonjour Joues de bœuf en daube provençale, Pieds paquets marseillais, Aumônières croustillantes de brousse au miel...

Les secrets de la vie
Quelques mois seulement suffisent, et Reine trouve d'emblée sa place au sein de la tribu des Sammut. Celle-là même où on aimait à discuter entre amis, assis autour d'une table, tout en partageant les "nourritures terrestres" simples et bonnes, mijotées avec le cœur et sous le soleil de la Méditerranée.
Alors qu'elle n'avait jamais touché une casserole de sa vie (excepté quelques-unes à la cafétéria de la faculté de médecine de Marseille où, de midi à deux heures moins cinq, elle assurait le service des professeurs), Reine se prend très vite au jeu et demande à rejoindre sa belle-mère derrière les fourneaux. A la manière d'une mère qui enseigne à sa fille les secrets de la vie, Claudette prend volontiers la "petiote" sous son aile. L'apprentissage durera près de deux ans. "J'ai d'abord commencé par le sucré en confectionnant des tartes tatin et autres desserts variés", raconte Reine. Et d'ajouter : "Devenue un peu plus habile, je me suis lancée dans le salé. Mais je dois avouer qu'en ce temps-là je n'étais guère autonome."

Une jolie casquette blanche
Pas toujours très à l'aise dans ses baskets, la femme de Guy se borne en effet au début à exécuter ce que Claudette lui a appris. Reste qu'elle a cependant d'ores et déjà acquis l'art et la manière d'exalter les saveurs locales gorgées de soleil. Ainsi, lorsqu'il s'agit de remplacer au pied levé sa belle-mère, les choses se passent plutôt bien. Et puis, la confiance venant, l'élève tente un jour le diable en testant des recettes de plus en plus personnelles. "J'avais envie de montrer à mon mari ce dont j'étais capable. D'autant plus souvent qu'il ne ratait pas une occasion de me dire qu'il avait mangé ailleurs des plats extraordinaires", avoue Reine le sourire aux lèvres.
Alors la cuisinière laisse libre cours à son imagination. Et d'aventure en aventure (reconnaissant que certains de ses essais n'étaient pas toujours transformés), les clients semblent apprécier chaque jour davantage les propositions du nouveau chef. Même sa seconde fille, Nadia, atteinte d'une grave maladie des intestins, retrouve l'appétit en dégustant d'incroyables gâteaux préparés par sa mère.
Bientôt, le couple Sammut prend son envol et installe son restaurant, La Fenière, dans la maison de la rue du Grand-Pré. Coiffée de sa jolie casquette blanche, Reine poursuit ici ses recherches culinaires mariant de nouvelles saveurs entre elles. Mais, c'est uniquement lors d'un voyage aux Eyzies, dans le Sud-Ouest, chez Roland Mazère, qu'elle trouve enfin sa propre voie. "Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant les prouesses réalisées par mes collègues ! Ils avaient réussi à rendre hommage à une région, le Périgord, en sublimant de manière fantastique les produits issus de ce terroir", se souvient, ému, l'un des chefs féminins les plus connus de France aujourd'hui.

Petits artichauts violets
De retour dans sa belle Provence, les dés sont définitivement jetés. Reine, devenue enfant du Sud, va tout mettre en œuvre pour personnaliser sa cuisine en magnifiant sa région. "Il y avait tant de produits que je n'avais pas exploités et tant d'idées auxquelles je n'avais pas encore pensé", explique-t-elle sur un ton de gamine prise en faute.
Avec son savoir-faire, tout ce qui lui a été transmis et son âme de poétesse, la patronne de La Fenière va dorénavant défendre les intérêts de la cuisine provençale coûte que coûte. Elle n'a sur ce point pas fini d'épater son mari, ses amis, ni même les critiques gastronomiques. Tout le Luberon sera bel et bien désormais servi dans ses assiettes. Et de quelle façon !
Pour parvenir à ses fins, elle n'hésite pas en effet à remuer ciel et terre et remet bien sûr au goût du jour bon nombre de produits locaux tels les petits artichauts violets, le mulet et le "caviar" de Martigues (la poutargue), le turbot et le pistou ou bien encore les petites courgettes à la fleur farcies arrosées d'une crème de ciboulette, les asperges de Villelaure... Ces dernières, du reste, lui portent chance. Puisque grâce à son Carré d'agneau de lait truffé en croûte aux pointes d'asperges de Robert Blanc, elle rafle le 1er prix du trophée des Mères cuisinières en 1991, seul concours de cuisine auquel elle n'aivait jamais participé en vingt ans de carrière. "Le thème était la cuisine provençale. Je ne pouvais décemment pas être absente", plaisante l'intéressée.
Couronnée, elle n'en perd pas pour autant la tête. Bien au contraire. Reine Sammut poursuit pas à pas son voyage initiatique à travers la Méditerranée. A chaque jour suffisant sa peine, elle découvre des alliances toutes plus agréables les unes que les autres.

Un rire qui vous ensoleille
L'eau vient vite à la bouche ! Et cela plaît à tout un chacun. Résultat : elle affiche maintenant la note de 18/20 au Gault Millau, 1 étoile au Michelin. Installée depuis le mois d'avril 1997 dans sa nouvelle et grande maison
(7 chambres d'hôtel et 70 places au restaurant), toujours à Lourmarin évidemment, elle laisse enfin aujourd'hui éclater son naturel. "Tout vient en son temps", commente Reine.
Tous les matins, elle enfile ainsi sa veste blanche et s'en va plonger son nez dans les senteurs fraîches et acidulées de son immense potager, cultivé quatre jours par semaine par son père. De quoi lui permettre ensuite d'exalter avec brio tous les parfums, arômes et épices du bassin méditerranéen.
De fait, Reine flatte désormais tout autant vos papilles gustatives qu'olfactives avec un Cannoli de brousse croustillant aux zestes de citron (dessert d'origine sicilienne) ou mieux encore un Pageot rôti à la peau épicée accompagné de légumes farcis et d'une fine semoule safranée. Sa cuisine n'en est que plus chaleureuse. D'ailleurs, il suffit d'entendre son rire... Un rire qui vous ensoleille et vous rappelle que Reine cuisine avant tout par amour. "Elle aime les autres !", résume simplement Guy, son mari. Tout est dit, il n'y a plus rien à ajouter.


C'est dans ce merveilleux village, perché tout là-haut, que Reine trouve de succulentes asperges.


Nichée en plein cœur du Luberon, à Lourmarin, L'Auberge de la Fenière s'est fait un nouveau look depuis avril 1997.

Tartare de tomates à la coriandre et petits violets au parmesan

Ingrédients pour 4 assiettes :
- 120 g de dés de tomates (roma), précédemment émondées, épépinées, puis égouttées
- 4 petits artichauts violets tournés, puis émincés finement. Placer ces derniers dans de l'eau bien citronnée
- 1 oignon blanc haché
- 10 g de coriandre fraîche hachée
- 2 c. à soupe d'huile d'olive
- 1 filet de vinaigre de vin vieux
- Parmesan
Réalisation :
- Mélanger les dés de tomates, l'oignon et la coriandre hachés. Ajouter du sel, du poivre et de l'huile d'olive.
- Disposer les artichauts en rosace dans chaque assiette. Placer un cercle au centre. Le remplir de tartare de tomates.
- Mettre une pluche de coriandre au centre et saupoudrer les artichauts de copeaux de parmesan.

 

Petit melon d'agneau de lait confit

Temps de cuisson et préparation : 2 heures

Ingrédients pour 6 personnes :
- 2 épaules d'agneau désossées. Conserver les os
- 5 pieds de porc
- 18 artichauts violets
- 2 petites échalotes hachées
- 1 citron
- 2 c. à soupe de persil haché
- 2 c. à soupe de chapelure
- 2 c. à soupe d'huile d'olive
- Quelques branches d'aneth
- 2 branches de thym
- 2 carottes, 2 oignons, 2 gousses d'ail pour réaliser le jus d'agneau la veille
Réalisation :
- Faire revenir les carottes, oignons et ail dans l'huile d'olive. Ajouter les os d'agneau et mouiller avec deux litres d'eau. Ajouter une branche de thym et laisser cuire deux heures. Passer le jus obtenu au chinois.
- Couper chaque épaule d'agneau en 3 et les ficeler pour leur donner la forme de petits melons. Les badigeonner d'huile d'olive et enfourner le tout à four préchauffé thermostat 7. Arroser régulièrement avec le jus d'agneau pendant 45 minutes.
- Avant de servir, débarrasser les melons de leurs ficelles. Dresser la caponate au centre des assiettes avec un melon au milieu de chaque assiette. Arroser avec le jus réduit.

 

Compote de rhubarbe à la vanille, fougasse feuilletée à la fleur d'oranger

Temps de préparation : 45 minutes
Temps de cuisson : 1 heure 15

Ingrédients pour 4 personnes :
- 1 kg de rhubarbe
- 250 g de sucre semoule, plus 30 g pour saupoudrer les fougasses
- 1 gousse de vanille
- 250 g de pâte feuilletée
- 1 jaune d'œuf
- 4 gouttes d'eau de fleur d'oranger
Réalisation :
- Laver soigneusement les tiges de rhubarbe. Couper les extrémités, les éplucher et les détailler en tronçons
de 3 cm.

- Fendre la gousse de vanille dans le sens de la longueur et en extraire les petites graines.
- Mettre les morceaux de rhubarbe à cuire sur feu doux dans une casserole avec le sucre et les graines de vanille. Remuer souvent à l'aide d'une cuillère en bois. Laisser cuire environ une heure jusqu'à évaporation de toute l'eau de végétation.
- Dans le même temps, étaler la pâte feuilletée au rouleau sur 3 mm d'épaisseur environ. Découper les fougasses de 15 cm de longueur sur 10 cm de large. Les déposer sur la plaque préalablement mouillée. A l'aide d'un petit couteau, pratiquer 7 fentes dans chaque fougasse. Laisser reposer le tout 20 minutes au réfrigérateur.
- Préchauffer le four à 220 °C (thermostat 7).
- Battre le jaune d'œuf avec la fleur d'oranger.
- A l'aide d'un pinceau, badigeonner les fougasses de ce mélange, saupoudrer de sucre semoule, enfourner et laisser cuire 15 minutes.
Avant de servir :
- Répartir la compote de rhubarbe sur quatre assiettes.
- Recouvrir avec les fougasses et saupoudrer de sucre glace.
- Servir tiède entourée d'un cordon de coulis de fraises.

Si vous souhaitez en savoir plus sur Reine Sammut, sa vie, ses recettes préférées, tout en vous promenant à Lourmarin, lisez La Cuisine de Reine, Photos H. Amiard (Hachette)


L'HÔTELLERIE n° 2603 Magazine 4 Mars 1999

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration