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DECORATION
Décors

Univers zen presque immatériel

L ô   S u s h i

A deux pas des Champs-Elysées, Lô Sushi se positionne comme le dernier lieu branché de la capitale. Né d'une étrange rencontre entre Laurent Taïeb, jeune producteur devenu restaurateur, et Andrée Putman, grande prêtresse du design avant-gardiste, Lô Sushi baigne dans une ambiance épurée presque immatérielle : un décor feutré, dépouillé à l'extrême, dont les moindres détails sont pourtant travaillés dans une sophistication ultime... C'est là la griffe d'Andrée Putman. Découverte.

Par Cécile Junod
Photos V. Thibert

C'est donc au numéro 8 de la rue de Berri que Laurent Taïeb décide d'ouvrir, début janvier, le temple parisien des sushis :
« Un tel concept existait déjà à New York et Londres... Pourquoi pas à Paris ? », interroge ce producteur de courts métrages affichant déjà deux succès en matière de restauration parisienne avec Le Trésor et Le Café du Trésor. Toujours à l'affût de nouveautés et toujours prêt à se lancer dans de nouvelles aventures, Laurent Taïeb décide donc courant 98 d'innover, sans trop savoir comment. Après un petit tour du monde, Singapour, New York, Tokyo, l'Indonésie... l'idée est là : ce sera un restaurant de sushis.
Pour matérialiser ce dessein, Laurent Taïeb part à la recherche du lieu. Rue de Berri, il découvre une superficie de 200 m2 lui permettant l'installation de la pièce maîtresse du concept : le convoyeur, sorte de tapis roulant sur lequel défilent les assiettes garnies préparées sous les yeux des clients. En effet, le principe de Lô Sushi est la distribution permanente de sushis, sashimis, makis et autres temakis par un tapis roulant en boucle, à hauteur de comptoir, autour duquel une centaine de personnes sont assises. D'une longueur de 41 mètres, ce tapis roulant permet aux clients de choisir leurs assiettes selon leurs envies. Leur curiosité est par ailleurs comblée par le spectacle permanent offert par les maîtres japonais en action, au centre du comptoir.


Lô Sushi, c'est le fruit de l'inattendue rencontre entre Andrée Putman, grande prêtresse du design avant-gardiste et Laurent Taïeb, jeune producteur devenu restaurateur.

Andrée Putman, disciple de l'émotion pure

Conscient de l'importance du décor, Laurent Taïeb a voulu ce qu'il y a de mieux. Son objectif : que Lô Sushi soit un lieu où technologie et luxe soient accessibles à tous. Entre autres, les murs sont habillés d'une ligne d'écrans de télévision high tech diffusant non stop une chaîne interne, baptisée Lô Channel, imaginée et créée par Laurent Taïeb lui-même. Cependant, pour la partie décoration intérieure, et pour garantir le succès de son concept, il fait appel à une grande dame, disciple de l'émotion pure.
De ses jeunes années où elle se consacre exclusivement à la musique, Andrée Putman acquiert la rigueur, la ténacité et le sens de l'harmonie. Plus tard, elle traduira tout ceci dans ses réalisations, par la pureté des volumes, la perfection des lignes et la sérénité du dépouillement. Chez elle, géométrie et rigueur se côtoient sans cesse : la géométrie est là pour assouplir la rigueur, et la rigueur, de son côté, affine éternellement la géométrie...
A moins que ce ne soit l'inverse.
Quoi qu'il en soit, Andrée Putman est inimitable dans sa façon d'épurer l'espace par le vide, de travailler la lumière par la réflexion et les transparences, de sophistiquer les formes par la simplicité, d'adoucir les matériaux bruts par la poésie, d'obtenir un équilibre parfait entre le primordial et l'élaboré, entre la modernité trépidante et le classicisme essentiel. Andrée Putman signe un style singulier et intemporel dominé par l'élégance du minimalisme. Au Lô Sushi, elle ne dément pas sa ligne de conduite : son décor est empreint de dépouillement et de lumières feutrées, le tout créant une atmosphère quasi irréelle, véritable antidote du stress quotidien. « Dans ce nouveau lieu, explique Andrée Putman, il s'agissait vraiment d'un exercice sur la lumière. Elle enrobe, diffuse, se reflète. Elle est partout tamisée, vaporeuse, immatérielle. Les comptoirs, les colonnes, les tables... Tout est lumineux. Et en tous cas, il n'y avait aucune intention de décoration folklorique à coup de laques, de tatamis ou de lourds insignes pour recréer une ambiance japonisante. La priorité devait rester au convoyeur qui ballade la nourriture à travers le restaurant. C'est cette innovation qui crée le dépaysement et l'amusement. Le reste se devait d'être confortable et je le repète encore, merveilleusement éclairé. »
Ici, les matériaux ont été sélectionnés très minutieusement. Le comptoir en bois sombre de wengé contraste et apaise le blanc de gris des murs nus. La lumière venue de l'extérieur est filtrée, tamisée par des paravents de dentelle mordorés, dessinés bien sûr par Andrée Putman. Et pour rompre une monotonie par trop conformiste, les tabourets de bar sont de couleurs différentes.


Murs blanc de gris, comptoir en bois sombre de wengé, paravents mordorés, téléviseurs high tech... Ici, on flotte dans un univers feutré et serein, inondé de lumières irréelles. (Au-dessus du comptoir, on aperçoit le tapis roulant).


Au centre du comptoir, c'est la zone de travail où officient les maîtres sushis, sous le regard attentif des consommateurs.


Dans la zone d'accueil, les moulures anciennes du plafond exacerbent la pureté des lignes du décor signé Andrée Putman.

Plan du restaurant : Les plats, préparés sous les yeux des clients par les maîtres sushis au centre du comptoir, sont déposés sur le tapis roulant, long de 41 mètres. Les tables étant disposées tout autour du convoyeur, les convives n'ont plus qu'à se servir lorsque le met de leur choix passe devant eux. La facture à régler est ensuite établie en fonction du nombre d'assiettes présentes sur la table et leurs couleurs.


L'HÔTELLERIE n° 2599 Magazine 4 Février 1999

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