La ville a en effet décidé de redynamiser le quai
du Port qui périclite depuis plusieurs années, contrairement à son voisin d'en face, le
Quai de Rive Neuve, branché et surpeuplé le soir. Il y a quelques années, la
municipalité avait, en effet, créé sur la rive droite un mini-quartier touristique
conçu autour de places piétonnes, désormais devenu l'un des lieux de rendez-vous des
noctambules chics de Marseille. Le Quai de Rive Neuve bénéficie notamment de la
présence de La Criée, le théâtre national.
Rien de tout cela, de l'autre côté du bassin, de part et d'autre de la mairie, où
plusieurs restaurants ou cafés ont fermé mais où subsistent pas moins de 34
établissements, tous équipés de terrasses.
Après diverses réunions de concertation, entamées il y a plus d'un an avec la CCI, la
Sociam, le CHR 13 et de l'ensemble des commerçants, la ville a commencé à concrétiser
son projet. Mais à titre expérimental seulement.
Elle a commencé par requalifier l'espace public en interdisant le stationnement
automobile côté terrasse, afin, d'une part de dégager la vue sur le Vieux Port, d'autre
part, de supprimer l'une des voies de circulation pour agrandir les terrasses et aménager
entre les terrasses et la rue un passage piétonnier, bordé de jardinières plantées de
palmiers.
Baisser les prix du parking souterrain
Le stationnement latéral ne reste autorisé que côté mer et les voitures sont
invitées à utiliser le parking souterrain de l'hôtel de ville qui propose des
chèques-parking d'une heure ou deux que les commerçants peuvent offrir à leurs clients.
"Ce n'est pas suffisant", estime M. Zanaboni, patron du restaurant Chez
Caruso et président fondateur de l'association Le Nouveau Quai du Port. Il craint que les
Marseillais ne soient trop paresseux pour fréquenter des établissements où le
stationnement est réglementé. "Les restaurants cotés comme nous, ou le Miramar,
poursuit-il, peuvent se permettre d'offrir des tickets de parking à leurs clients mais
les petits établissements n'ont pas une recette moyenne suffisante. Il faudrait qu'entre
midi et deux, par exemple, le tarif soit nettement inférieur, de l'ordre de trois heures
pour dix francs, comme les restaurateurs du Cours Julien l'ont obtenu en soirée".
Marcel Sportiello, patron du "Sanglier", vieux restaurant marseillais
spécialisé dans les produits de la mer et la bouillabaisse, partage cette opinion mais
ne s'en dit pas moins ravi de l'expérience. "Cela donne une ambiance
"vacances" sympathique : les gens flânent plus volontiers qu'avant et nos
terrasses sont plus fréquentées. Nous avons pu mettre gratuitement une rangée de tables
supplémentaires sur l'espace gagné sur la rue".
Une ambiance "vacances" plus sympathique
Quant au patron du glacier le Saint-Trop, il est encore plus enthousiaste. "J'ai
64 ans. Cela fait 22 ans que je suis là et j'avais la tête sous l'eau. Depuis qu'ils ont
aménagé le Quai du Port, j'arrive au moins à respirer d'une narine ! C'est le jour et
la nuit ! Je suis d'accord non pas à 100% mais à 1.000%".
Serge Tubeau, de l'Hippocampe, confirme : "C'est très très bien. Cela change
complètement le visage de la ville. J'en avais marre de voir les voitures. Marseille est
la seule ville de France où les gens se garent juste devant les terrasses. Et tant pis
pour les grincheux qui ne peuvent pas se passer de leur auto ! A terme, cela nous amènera
forcément du monde."
Ouvert il y a trois mois, à la place du Lacydon, le Ciné 28, brasserie-restaurant d'une
cinquantaine de couverts, fait un bilan plus mesuré. "En semaine, la limitation
du stationnement nous enlève du monde à midi car nous avons une clientèle de bureau qui
aime se garer à proximité immédiate. Mais en week-end, c'est excellent. C'est plus
joli. Nos clients n'ont pas les gaz d'échappement dans la figure. A terme nous serons
gagnants".
Rendez-vous en septembre
Tout n'est pas réglé pour autant. L'aménagement est provisoire et cela se voit : la
chaussée sur laquelle les terrasses se sont agrandies n'a pas été refaite et est
parfois en pente. D'où un air d'inachevé. La mairie n'a pas voulu entamer de travaux
lourds avant d'avoir l'accord définitif des commerçants. Or, celui-ci est prévu pour
septembre.
Par ailleurs, à terme, les professionnels devront réaménager leurs terrasses, en
utilisant des matériaux nobles. "Il faudra investir, mais cela prendra un peu de
temps car pour l'instant nous n'avons pas les moyens", estiment-ils
généralement. Et M. Zanaboni de conclure : "Il faudrait que la mairie aille bien
plus loin dans son projet de redynamisation du quartier. On pourrait par exemple, pour
attirer plus de promeneurs, rouvrir au public le Fort Saint-Jean, faire un point fort de
la Cathédrale Major, monter un projet mettant en valeur la vie traditionnelle qui se
déroule encore de ce côté du port avec les cabanons, les pêcheurs, etc. Bref , trouver
un vrai style. Mais Euroméditerranée nous aidera peut-être..."
Sur la rive gauche du Vieux Port, piétons et terrasses ont détrôné les voitures.
L'HÔTELLERIE n° 2568 Magazine 2 Juillet 1998