Il est bien loin le temps où les Enfants de Gayant
vendaient la quasi totalité de leur bière au porte à porte dans la région. De cette
culture, il est resté dans le Nord de la France une consommation par habitant élevée,
qui reste une bénédiction pour les brasseurs. Mais l'essentiel pour cette PME familiale,
rebaptisée Brasseurs de Gayant, est d'avoir anticipé ou accompagné les principales
évolutions du marché ces dernières années : moins de volume ou au mieux une stabilité
dans les bières de grande diffusion ; virage vers les spécialités et mise en place de
moyens marketing pour les vendre, créativité permettant un lancement de produit nouveau
tous les deux à trois ans ; référence dans ces créations à la tradition du produit,
mais maîtrise bien présente du process industriel et de la qualité avec un rythme
d'investissement de l'ordre de 10% du chiffre d'affaires par an ; équilibre du
développement entre CHR, grande distribution et exportation.
Le résultat est une gamme de six produits de spécialités bien différentes, un chiffre
d'affaires de
132 MF en 1997 pour 180.000 hl produits. Hors de proportion avec les chiffres des grands
industriels, mais en croissance régulière et dégageant des profits chaque année.
Brasseurs de Gayant a conservé en portefeuille de marques une blonde forte, la Goldenberg
; une bière d'abbaye unique en France, la Saint-Landelin déclinée en blonde, ambrée et
triple brune ; une ultra forte, la Bière du Démon ; une blonde branchée très marketing
dont la forme rappelle les bouteilles de whisky, la Bière du Désert. La pils Saaz garde
sa place dans les CHR de la région.
Le développement récent s'appuie sur deux produits phares, la Goudale et l'Amadeus. La
Goudale est une blonde ambrée de 7,2° qui réussit l'exploit d'être à la fois marquée
en goût mais peu amère. C'est un produit moderne, très adapté aux cafés et
restaurants à thème d'aujourd'hui, mais qui fait référence à une mystérieuse recette
médiévale. L'Amadeus est une blanche sur lie, à base de farine de froment et
d'aromates, mise au point non sans difficulté. La blanche, tous les brasseurs le savent,
est un produit difficile à travailler. L'Amadeus est saluée par les Belges, orfèvres en
la matière, comme une réussite. Il est vrai que le directeur technique de l'usine, Alain
Dessy, est citoyen belge et que le P.-dg, Patrick d'Aubreby, a fait ses classes au Ceria
(la principale école de métiers de bouche belge) de Bruxelles. L'Amadeus avec ses 4,5°
et son goût légèrement acidulé pourrait devenir un grand produit d'été.
Synergie grande distribution-CHR ou concurrence ?
La méthode de lancement des produits s'appuie sur les CHR, à la fois pour créer un
premier volume, pour tester les réactions des consommateurs, et pour fonder un début de
notoriété alors qu'une PME est limitée en moyens publicitaires... D'autant que la loi
Evin s'applique aussi aux entreprises moyennes. C'est ainsi que l'on retrouve
systématiquement des fûts pour les produits les moins récents. Et en complément des
bouteilles de 25 ou 33 cl. Depuis quelques années, Brasseurs de Gayant s'inscrit
toutefois dans la tendance bouteille de 75 cl. Ce flacon présente l'avantage
d'intéresser à la fois les GMS et la restauration à thème bière. La bouteille
essayée à une table de quatre en restauration sera ensuite achetée en hypermarché et
consommée à la maison, puis reconsommée en CHR, etc.
Ainsi la Bière du Désert, d'abord disponible en fûts de 20 L et en 33 cl est-elle
vendue en 75 cl à bouchon muselé. La Goudale a été lancée exclusivement en 75 cl.
Elle représente non seulement le fer de lance de Gayant en restauration, mais aussi 30%
des ventes de cette brasserie en grande distribution. L'Amadeus est disponible en fûts de
20 L, en 25 et 75 cl, et à la demande de la grande distribution en boîtes de 50 cl. On
peut se demander si, dans une ambiance jeune, cette boîte ne serait pas intéressante sur
une terrasse.
Indiscutablement, les PME de la brasserie nordiste comptent actuellement davantage sur la
grande distribution que sur les CHR pour accroître leurs ventes. Même si les beaux
cafés et de plus en plus la restauration notamment régionale, s'intéressent à leurs
produits, le résultat total manque de dynamisme. Cela n'a pas empêché Brasseurs de
Gayant de créer sa propre Brasserie à Douai, La Glacerie, et de placer ses spécialités
non seulement dans sa région, mais, entre autres, à Paris au Pub Saint-Germain, au
Bedford Arm's, à l'Escurial, au Bar de la Marine, au pub Le Rétro de Lisieux, au
Bartholdy de Strasbourg, à l'ABC de Metz, à la Sorbetière de Croix- Valmer, au Café du
Théâtre de Bayonne, au Métropole de Lyon, etc. Il ne s'agit jamais toutefois de gros
volumes. Le brasseur compte sur les CHR pour amorcer la pompe en hypermarché. Faut-il s'y
résigner ou promouvoir plus résolument les produits en CHR ?
La blanche Amadeus, une possible vedette de l'été, si elle avait la diffusion
qu'elle mérite dans les CHR français. Elle est disponible en fûts, en bouteilles de 25
cl ou 75 cl ou en boîtes de 50 cl.
Cette boîte est plutôt destinée aux GMS, mais n'a-t-elle pas sa place sur une terrasse
en ambiance jeune ?
Brasseurs de Gayant en chiffresA Douai (59), Brasseurs de Gayant produit 180.000 hl pour 132 MF de CA en 1997 (127 MF en 1996). Les spécialités sont en hausse de 17% alors que les traditionnelles reculent de 7% et la sans alcool de 9%. Les ventes en CHR et à domicile représentaient 39% du CA en 1997, contre 27% pour la grande distribution, 30% pour l'export et 4% pour la sous-traitance. Les capacités de la brasserie lui permettent d'accroître ses volumes de près de 50%. |
L'HÔTELLERIE n° 2568 Magazine 2 Juillet 1998