En France, le petit déjeuner est un produit rarement consommé hors domicile. La plupart du temps, les Français consomment leur petit déjeuner chez eux avant d'aller travailler ou de démarrer leur journée. Selon le baromètre santé nutrition de 1996 édité chez CFES, 93% des Français prennent quelque chose au petit déjeuner, 80% ont mangé et bu, 18% ont uniquement pris une boisson et 2% ont seulement mangé. Mais combien sont-ils à consommer à l'extérieur ? "On estime à 150 millions le nombre de petits déjeuners pris par an par les Français hors de leur domicile", répond Bernard Boutboul du cabinet de conseil en restauration, Gira Sic Conseil. Il faut savoir qu'au restaurant, le petit déjeuner est une prestation rarement offerte, qui reste davantage l'affaire des hôtels. Cependant, on notera un regain d'intérêt pour les petits déjeuners en restauration, notamment dans les établissements de restauration rapide (sandwicheries, viennoiseries, hamburgers, cafés), dont le prix moyen est inférieur à 50 francs. Il reste toutefois un produit à l'activité marginale, à l'exception de certains établissements situés sur des marchés captifs tels les aéroports, les gares, les routes et autoroutes, des lieux de passage où les points de vente de restauration répondent à des amplitudes horaires très larges.
La formule petit déjeuner offerte chez Pains à la Ligne à consommer sur place ou
à emporter.
Par ailleurs, certains restaurants dits traditionnels comme les brasseries proposent également, de par leur vocation, des offres de petits déjeuners, servies à table, qui se rapprochent souvent des prestations rencontrées en restauration d'hôtel.
Enfin, les petits déjeuners d'affaires ont pris beaucoup d'ampleur au cours de ces dernières années offrant la possibilité à certains restaurants traditionnels disposant de salons privés d'augmenter leur part de marché avec une offre de petit déjeuner. "On assiste à une réelle évolution des petits déjeuners d'affaires due au gain de temps recherché par les cadres et qui se situe dans une tranche horaire moyenne allant de 6 h 30 à 8 h, explique Bernard Boutboul. Un phénomène qui reste cependant très urbain". D'après lui, le petit déjeuner hors domicile n'est pas voué à un développement actif.
Le petit déjeuner dans les brasseries
En matière de restauration dite traditionnelle, on dénombre quelques établissements offrant une formule petit déjeuner à la carte. La plupart du temps, ce sont les brasseries situées en centre-ville ou dans des zones de passage et dont les amplitudes horaires sont larges. "Aux Délices de Paris" est un restaurant- salon de thé, fermé le soir, comme on en croise de plus en plus dans la capitale. Une tendance qui répond à la mode du "grignotage" en proposant diverses offres de restauration réparties dans une journée comme le petit déjeuner. Mme Chouin accueille ses clients dès 8 h du matin avec deux formules de petits déjeuners, le Continental à 35 F et l'Américain à 45 F, sans compter la carte. "Grâce à notre situation géographique en plein centre de la capitale, nous attirons à la fois une clientèle de bureau et une clientèle touristique, souvent insatisfaite du rapport qualité/prix de l'offre petit déjeuner rencontrée en hôtellerie."
Pour un petit déjeuner d'affaires à La Coupole dès 7 h 30 du matin.
A La Maison de l'Alsace à Paris, les frères Blanc offrent une formule de "petit
déjeuner parisien" à 58 F avec café ou thé, tartines, toast et croissant, jus de
fruits pressés et fruits frais. Située sur les Champs-Elysées, la brasserie, ouverte 24
h sur 24, a mis en place le service des petits déjeuners à partir de
6 heures du matin avec un affichage extérieur et un accueil personnalisé au bar.
Résultat : "nous avons augmenté nos ventes de petits déjeuners de 50% depuis
l'été dernier", fait remarquer Philippe Bully, le directeur de la maison. On
retrouve le même style d'offre au Grand Café Capucines, une autre brasserie du groupe
des frères Blanc, pour 68 F, accompagnée d'une carte de produits exclusivement servis au
petit déjeuner. Les huit restaurants parisiens Chez Clément affichent une offre
identique "Côté petit déjeuner" à 49 F, composée de jus d'orange, d'une
tartine beurrée, de la confiture et d'une boisson chaude, servie de 7 h à 11 h, qui
reste une activité marginale.
Chez Flo, les trois brasseries parisiennes proposent des formules petits déjeuners. Il
s'agit du Terminus Nord, du Vaudeville et de La Coupole. Leur emplacement, à proximité
des gares et face à la Bourse de Paris, donne la possibilité d'offrir ce type de
prestation. A La Coupole, l'offre est plus large, adaptée
à la clientèle, essentiellement composée d'hommes d'affaires et d'hommes politiques qui
s'y donnent rendez-vous dès 7 h 30 pour travailler. "La maison est réputée pour
sa convivialité, sa tranquillité et sa discrétion, précise Henri Gonzales, maître
d'hôtel des petits déjeuners à La Coupole. Des critères très recherchés par cette
clientèle. Trois formules leur sont proposées : le plateau petit déjeuner à 43 F, le
petit déjeuner Coupole à 47 F et la formule buffet à 81 F, à volonté. On note une
consommation modérée de la part de la clientèle d'affaires. Nous avons aussi affaire à
une clientèle d'habitués, qui reste toutefois minoritaire. Nous réalisons en moyenne 30
à 40 petits déjeuners par jour du lundi au vendredi. Soit 2% de notre chiffre d'affaires".
Le petit déjeuner reste une activité marginale pour La Coupole, mais la maison tient à
maintenir l'offre, aujourd'hui devenue incontournable dans son histoire. "Aujourd'hui,
notre objectif est de fidéliser cette clientèle d'affaires à un moment creux de la
journée", mentionne Henri Gonzales.
Hausse des petits déjeuners d'affaires
Une clientèle que l'on rencontre facilement dans un autre établissement parisien, également de renommée internationale, le Fouquet's. "Une centaine de petits déjeuners sont vendus par jour, précise Bernard Leprince, le chef de cuisine. Le prix moyen du petit déjeuner au Fouquet's s'élève à 98 F ; en général, le client concocte lui-même son petit déjeuner à la carte, malgré la formule à 135 F, servie à table et à volonté. Une activité qui représente à peine 5% du chiffre d'affaires de la maison", souligne le chef.
Et puis, toujours en matière de petits déjeuners d'affaires, il y a les établissements de restauration qui disposent de salons particuliers, privatisés sur commande. Une offre qui s'adresse essentiellement à des entreprises. "Nous développons cette offre de petits déjeuners depuis un an et demi pour répondre à la demande croissante de réunions d'affaires ayant lieu en début de matinée, explique Pascal Vignes, directeur du Pavillon Elysées à Paris. Un moment considéré comme privilégié par les entreprises qui ont choisi ce créneau horaire pour organiser des réunions du type conférence de presse ou présentation de produits, afin d'attirer une clientèle pour qui le temps est compté. Une offre qui ne va pas à l'encontre des déjeuners d'affaires, prestation que nous offrons également, précise le directeur de l'établissement. En effet, nous avons observé que les déjeuners d'affaires sont plutôt propices a des invitations de clientèle ou à des négociations, les gens prennent davantage leur temps." Au menu, une formule à 125 F servie à table, comprenant les ingrédients de base d'un petit déjeuner classique français, ainsi que du fromage blanc ou des yaourts au choix et une salade de fruits. Une prestation supplémentaire au sein de l'établissement qui ne représente pas un profit majeur pour l'entreprise, mais qui, d'un autre côté, ne coûte pas non plus à cette dernière. En effet, en matière de personnel, les petits déjeuners ne nécessitent pas une main-d'oeuvre particulière, les employés s'en chargent à tour de rôle. "Nous réalisons entre 20 et 100 petits déjeuners journaliers", indique Pascal Vignes. On rencontre le même type d'offres au Pré Catelan au bois de Boulogne à un niveau de prix plus élevé. La formule petit déjeuner s'élève à 260 F par personne et reste très exclusive. "Une activité très marginale si l'on en croit les chiffres, explique Arnaud de Sacy, avec seulement une moyenne de 20 petits déjeuners vendus par semaine, l'activité première du pré Catelan étant focalisée sur la réservation de nos salons à la journée ou à la semaine."
Chez Lina's, la tendance est inversée dans le sens où la marque propose aux entreprises des petits déjeuners livrés dans le cas de réunions matinales. "Des petits déjeuners élaborés sur mesure par le client lui-même, d'après une carte de produits définis, explique Audrey Ghattas, directrice d'exploitation des 15 boutiques parisiennes. Une activité infime par rapport à l'ensemble de l'activité de nos boutiques, mais qui existe".
Une offre évolutive en restauration rapide
On trouve dans le secteur de la restauration dite à service rapide plusieurs types d'offres de petits déjeuners allant du simple café/croissant au plateau complet en passant par des formules diététiques. Les variantes sont essentiellement dues à la situation géographique des points de vente et à la capacité d'accueil proposée par ces derniers.
Ce sont dans les restaurants ou points de vente de restauration situés dans les gares, les aéroports, sur les autoroutes et les zones commerciales à fort potentiel que les petits déjeuners sont offerts.
Le McMorning de McDonald's est davantage consommé dans les centres-villes. Cette offre lancée en octobre 96 a semble-t-il répondu à une demande du consommateur français qui n'avait pas l'habitude de prendre son petit déjeuner à l'extérieur. Attractive sur un plan financier, 17 francs pour des pancakes et du sirop d'érable ou un Egg McMuffin, un jus d'orange et une boisson chaude, l'offre a conquis une nouvelle clientèle, remarque-t-on chez McDonald's. Après un an d'existence, les objectifs étant atteints sur le plan commercial, l'enseigne américaine a choisi de lancer ce mois-ci deux formules complémentaires, le Maxi McMorning sucré-salé et sucré uniquement, avec la possibilité de consommer les produits qui les composent individuellement. Chacune des formules est proposée au prix conseillé de 25 F TTC. Cet élargissement de la gamme répond au souci d'apporter encore plus de variété à travers une offre répondant à tous les appétits. Les deux nouvelles formules incluent deux nouveaux produits par rapport aux offres premières. Il s'agit du scone dans la formule sucrée et du yaourt à la fraise Danone dans les deux propositions.
Le Maxi McMorning à 25 F, la nouvelle offre McDo, fraîchement lancée.
Chez son concurrent direct Quick, on rencontre quatre formules de petits déjeuners, uniquement dans une dizaine d'établissements, alors que la marque compte plus de 200 sites en France. Il s'agit d'unités implantées dans les gares ou dans des zones de forte affluence comme les Champs-Elysées. L'offre, mise en place depuis deux ans, remporte un vif succès, surtout auprès des jeunes.
Parmi les quatre formules de Quick, "l'exclusif" propose une boisson
chaude, un jus d'orange et un hamburger omelette, le "MAT & Toast"
(omelette, bacon, tomates dans des toasts), pour 22 F.
«Il existe un réel marché en gares, mais la fonction temps prime et la plupart des passants ne s'arrête que quelques minutes prendre un café et une viennoiserie en descendant du train, fait remarquer François-Xavier Drye, directeur du développement de Frantour Restauration. Nous offrons un café et un croissant à 10 F dans tous nos établissements de restauration rapide. La période d'activité la plus intense se situe entre 7 h 30 et 9 h du matin où nous devons vendre sur les trois gares parisiennes dans lesquelles nous sommes implantés, plus de 1.000 formules café/croissant par jour ouvrable". Un bilan que le directeur du marketing de Frantour Restauration rapporte aux habitudes alimentaires des Français qui consistent à consommer peu le matin et encore moins hors domicile. Le même constat a été analysé chez plusieurs marques comme Aubépain et Pain, Soleil & Cie avec des ventes de café et de viennoiseries au détail élevées au détriment d'offres plus complètes.
La chaîne de viennoiseries, La Croissanterie, a également fait évoluer son offre constatant la tendance évolutive de ce segment de consommation axée sur les bienfaits du petit déjeuners ou au manque de temps. Outre la formule express à 9 F (café/croissant ou tartine), La Croissanterie propose l'offre "Tonic" à 16 F pour un petit déjeuner plus complet et la formule "Forme & Santé" à 25 F, à base de fruits et de produits laitiers, destinée à une clientèle féminine ou sensible à l'équilibre de son alimentation. Une prestation offerte à La Croissanterie depuis 1997 sous le concept "Good Morning" qui lui a permis d'augmenter de façon sensible la fréquentation et le panier moyen de ce moment de consommation.
Chez Croq O'Pain, les petits déjeuners répondent à une réelle demande de la clientèle, en perpétuelle évolution puisque «les unités, qui ouvraient leurs portes le matin à 8 h 30, sont désormais prêtes à accueillir les clients dès 8 h, souligne M. Gadelorge, avec trois formules au choix à 10 F (café, jus d'orange et demi pain), à 13 F (café, jus d'orange et viennoiserie) et 26 F (boisson chaude, jus de fruits, viennoiserie et petit pain)».
Une offre adaptée à des sites
La vente à emporter est une formule également adaptée à l'offre du petit déjeuner. A tel point que les points de vente Bonne Journée ont lancé en 96 les sacs petits déjeuners à emporter avec deux formules au choix, le Gourmand à 18 F et le Tradition à 20 F. «Une offre qui marche, mais les viennoiseries représentent cependant 50% des ventes totales de la marque», précise Nathalie Schneidesh, responsable du marketing.
Dans les gares, la plupart des enseignes de restauration rapide (Aubépain, Grignotin, Pains à la ligne, Ligne Directe, etc.) réalisent un fort taux de commercialisation par le biais de la vente à emporter. Une prestation qui correspond parfaitement à la demande de la clientèle en déplacement.
Dans les aéroports, les points de vente de restauration offrent également tous un produit petit déjeuner, même Hippopotamus à Roissy 2. Chez SSP qui gère la restauration de l'ensemble de l'aéroport Charles de Gaulle 2,50% des ventes de petits déjeuners sont effectués dans les bars et les cafés et 25% seulement en self et en restauration.
A Lille, la société des restaurants de l'Aéroport de Lille touche deux types de clientèle. D'une part, les passagers des vols à qui elle propose un plateau petit déjeuner dans l'un de ses trois restaurants, l'Airport Café. Et d'autre part, les entreprises louant une salle de réunion à l'aéroport pour lesquelles la société concocte des buffets adaptés à leurs besoins.
Un autre marché réceptif aux petits déjeuners est celui des autoroutes. Un marché où plusieurs marques de restauration sont implantées, ainsi que des indépendants. Le leader Sofirest Expansion, avec ses enseignes l'Arche Cafétéria et l'Arche Café, propose plusieurs offres très variées adaptées à une clientèle internationale. "Après avoir constaté que 25% de nos clients s'arrêtent sur nos aires de services pour le petit déjeuner, nous avons mis en place depuis un an, une nouvelle offre, proche de celle rencontrée en hôtellerie, sous forme de buffets, explique Pierre Toutel, chef de produit de l'Arche Cafétéria. En partant du principe qu'il fallait donner envie aux clients, nous avons pris le parti d'exposer les produits tout en proposant des formules». Des produits adaptés à l'évolution des habitudes alimentaires et correspondant à une offre de petit déjeuner. La carte met en avant outre les produits classiques du petit déjeuner, des produits sains et «bio». «Les meilleures ventes restent la formule continentale à 24,90 F et les produits vendus à l'unité comme les boissons et les viennoiseries», confirme Pierre Toutel. Deux grandes assiettes chaudes complètent l'offre, essentiellement consommées par une clientèle étrangère, représentant 35 à 40% du trafic autoroutier pendant la saison estivale. L'Arche Café propose une offre de restauration rapide et réalise ses plus grosses ventes avec le café, le produit phare de la marque. Cependant, on note une évolution constante du taux de prise de la formule à 19,90 F, mise en place il y a trois ans, axée sur un café, un jus d'orange et un croissant.
L'évolution au sein même de l'offre du petit déjeuner est, semble-t-il, réelle, surtout dans le secteur d'activité de la restauration rapide. Une tendance qui répond à une logique, puisque le petit déjeuner est un repas consommé rapidement dans la plupart des cas. A méditer.
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Durée moyenne d'un petit déjeuner pris à l'extérieur- Espagne : 12 minutes Source : Gira Sic Conseil |
Tour du monde des petits déjeuners
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L'HÔTELLERIE n° 2555 Magazine 2 Avril 1998
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