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C'est quoi bien accueillir ?

L'accueil, c'est beaucoup de chose et ça tient à pas grand-chose. Un geste, un sourire, une attention... Pour mieux comprendre, trois professionnels évoquent leur expérience, les difficultés du secteur, leur philosophie du travail. Mais attention, chacun dans son créneau, est un champion de l'accueil !

Par Sylvie Soubes

Vous avez dit pressé !

Coup de feu à l'heure du déjeuner, au début des vacances scolaires, Buffet de la gare de Lyon, à Paris. L'ambiance y est électrique, redoutable. Les clients sont pressés, patauds avec leur chariot, vite énervés et comprennent difficilement qu'un serveur à portée de voix les renvoie sur un autre collègue "qui va arriver". Alain Crosetti, vingt ans de métier, cinq ans ici, connaît bien la chanson. Lui, derrière sa barbe, des yeux clairs qui pétillent, reste aimable. Pas toujours facile. "Beaucoup de clients ne disent plus bonjour, quel que soit l'âge ou la catégorie sociale et ils vous prennent souvent pour une machine. Mais moi je leur dis bonjour et j'insiste un peu, tout en gardant le sourire. Ce qu'il faut surtout, c'est faire passer un peu de bonne humeur, ce qui, en général, fait diminuer leur stress". Quant au service lui-même : "il faut travailler vite, ne pas laisser patienter une table. Et même si le client attend un train en retard, il aime être servi rapidement. C'est comme ça". Sur la rentabilité "sonnante et trébuchante" du service, Alain Crosetti constate "aujourd'hui, les clients qui laissent un peu de pourboire sont les personnes âgées. Sinon, la pratique se perd".

Alain Crosetti est un homme satisfait de son job. Il a toujours été serveur même s'il a eu l'occasion de prendre une gérance. Il avoue "le service, c'est moins de responsabilité". A propos de son activité actuelle, il ajoute "je fais moins d'horaires qu'ailleurs et ça tourne".

Le conseil d'Alain Crosetti : "être plus aimable que le client"

Les différents points de restauration de la gare de Lyon dépendent de la SA le Train Bleu, société concessionnaire du Buffet de la gare de Lyon. L'an dernier, la nouvelle équipe dirigeante a mis l'accent sur l'accueil. On demande au personnel : une bonne tenue, d'avoir le sourire et le sens commercial. Au restaurant du Train Bleu, la coutume est de raccompagner le client jusqu'à la sortie. Ailleurs, le personnel doit faire preuve d'amabilité, même si les questions des voyageurs n'ont souvent rien à voir avec les sandwiches ou la limonade. Au Buffet, l'accueil passe aussi par des assiettes mieux présentées, une carte plus attrayante, des prix clairement indiqués.

 
Monsieur Baldelli de la société du Train Bleu et Alain Crosetti, le sourire d'abord.

Dans un cadre privilégié

Dès l'instant que le client arrive, s'installe, passe la porte, il y a toujours quelqu'un pour dire bonjour. Quand on vous connaît bien, la poignée de main est de circonstance. Le style est décontracté mais de bon goût. Pas de laisser-aller dans la tenue même si on sert par beau temps en chemisette (au logo de l'établissement) et bermuda blanc. Le bar-restaurant de la Grande Gerbe, situé dans le parc de Saint-Cloud, en région parisienne, offre un havre de détente et de verdure privilégié aux Parisiens en mal de nature. Les touristes ne sont pas majoritaires. Ici, il y a d'abord les habitués. Des déjeuners d'affaires en semaine, des couples le soir et une clientèle principalement familiale le week-end. Des clients d'un bon niveau mais exigeants et pas forcément aimables. Brice, le manageur, a notamment travaillé dans des établissements intégrés aux complexes Pierre et Vacances. Il retrouve un même type de clientèle. L'important, pour lui, c'est "être patient, toujours souriant et disponible". Quand on vous prend au téléphone, petite phrase systématique "Brice à votre service". Sur les additions, "David vous remercie", on offre le cocktail maison aux habitués, on ajoute un chocolat avec le café, l'apéritif est accompagné de biscuits salés, à l'occasion de la fête des mères des fleurs sont distribuées aux femmes, etc. "Tout cela participe à l'accueil. Le style qui convient ici allie élégance et décontraction. Je mets aussi en place de nombreuses animations autour du vin, le personnel doit pouvoir parler des origines des produits que nous servons à table : provenance de la viande, date de pêche du poisson. Il nous arrive également de découper le poisson devant le client". Le mercredi après-midi, la Grande Gerbe organise des anniversaires pour les enfants avec gâteaux, jeux, ballons, maquillage, etc. "Nous travaillons en partenariat avec le loueur de vélos aussi". Quant aux personnes âgées qui viennent en voiture, le personnel se charge de garer l'automobile sur les parkings un peu plus loin (à condition que ce ne soit pas en plein coup de feu). Le service limonade ? "Très classique. Le dimanche en saison nous avons de 400 à 500 clients, avec pour le gros des ventes, café, thé, soft-drinks et j'ai ajouté Kronenbourg à la pression. Les clients qui veulent une bière préfèrent une pression". Les glaces à emporter fonctionnent également à haute dose l'été. Sur l'organisation du service : "quand je recrute pour la saison, je précise qu'il faut aimer le contact avec les gens. Nous faisons aussi des briefings avec des objectifs de vente. J'insiste également beaucoup sur le sourire. Le client doit ressentir chez nous une certaine joie de vivre, même quand il fait très chaud". Ce qui n'est pas toujours facile quand des habitués arrivent en famille, douze personnes à la fois et qu'ils tiennent à avoir une place qui est déjà occupée...

Un impératif pour Brice : "le client doit ressentir une certaine
joie de vivre"

Brice dirige le bar-restaurant La Grande Gerbe depuis trois ans (Restoleil en a la concession). L'établissement se trouve donc dans le parc de Saint-Cloud, dans les Hauts-de-Seine. 80% du chiffre sont réalisés entre mai et septembre. Deux salles auxquelles s'ajoutent 591m2 de terrasse. L'effectif passe de 3 personnes l'hiver à 12 l'été, l'établissement fonctionnant de 8 h 30 à minuit (19 h 30 l'hiver) avec un ticket moyen en restauration de 180 à 200 F. Tables nappées avec serviettes en tissu à l'intérieur, serviettes en papier à l'extérieur.

 
Brice, manageur de la Grande Gerbe.

Savoir garder les habitués

Les habitués au bar sont des gens qui travaillent ou habitent à proximité de l'établissement. On peut, bien sûr, appliquer ce même constat en brasserie et en restauration avec une nuance importante : l'offre est beaucoup plus large en restauration qu'en limonade et conserver ses habitués à l'heure du repas demande une attention particulière. Thomas Bossard, qui dirige deux restaurants La Criée, un à Paris, l'autre à Chambourcy, évoque, pêle-mêle, quelques ficelles de l'accueil. "Pour moi, déjà, il ne faut pas tomber dans le stéréotype. Il faut à la fois accueillir au mieux tout le monde et savoir personnaliser en fonction des gens". Thomas Bossard aime bien la plaisanterie "mais attention, il ne faut jamais exagérer. Vous devez toujours faire attention à la réaction du client, lire sur son visage. Il y a des gens qui apprécient l'humour, d'autres pas. A une habituée de mauvaise humeur, je vais lui dire : si vous être méchante avec moi, aujourd'hui, je ne vous installe pas. Et si elle sourit, j'ajoute : donnez-moi la main, je vous emmène". On peut aussi faire un compliment sur un vêtement "tiens, vous êtes assorti à ma cravate aujourd'hui" mais "ne jamais parler des bijoux que quelqu'un porte". Quand il y a changement de carte "c'est important d'en parler aux clients réguliers, de leur demander leur avis, quitte à leur faire goûter une petite portion d'un plat". Thomas Bossard estime que les jeunes sont plus "versatiles", plus difficiles à fidéliser. "Le petit plus est alors essentiel, offrir un kir ou le café les marque". Quant aux personnes qui prennent la formule la moins chère "je leur offre systématiquement un kir parce que ce sont des habitués potentiels". Aux enfants "je distribue toujours des crayons de couleurs et je leur suggère de dessiner sur les sets. Ça plaît aux enfants et aux parents". Si il y a un problème sur un plat, "je change le plat ou je l'offre. Sans hésitation". Et il ne faut pas "avoir peur de dire je me suis trompé au client. Comme il ne faut jamais dire au client qu'il a tort". Dans sa gestion de l'accueil, Thomas Bossard rappelle l'importance de l'équipe. "Parler avec son équipe est essentiel, mais reprendre un serveur devant le client est une aberration. Les problèmes du service se règlent loin du client". Aujourd'hui, termine Thomas Bossard "les gens ont besoin d'être rassurés. L'accueil doit être rassurant, prévenant. Maintenir une clientèle passe par un accueil attentionné et le moment du repas doit être avant tout un moment de détente, même si c'est un repas d'affaires".

La politique de Thomas Bossard : "faire du repas un moment de détente"

Les restaurants La Criée sont des établissements de chaîne axés sur le poisson. Le menu le moins cher est à 95 F. Ticket moyen à la carte : 200 F.


Thomas Bossard, sourire, efficacité, attention.


L'HÔTELLERIE n° 2555 Magazine 2 Avril 1998

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