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Bistrot

De l'utile à l'agréable

A quoi ressemblent les nouveaux bistrots ? Qu'est-ce qui les distinguent de leurs ancêtres taverniers ? Détour par la détente et la convivialité...

Par Sylvie Soubes

Est-ce un signe ? Le salon des cafés, bars, tabacs s'est progressivement étendu au secteur des brasseries et la prochaine édition attaque celui de la restauration. Le mot restaurant apparaît même dans le nom du salon et le nouvel emblème positionne un serveur, plateau à la main et un chef, toque en tête. "Esprit d'ouverture", lancent les responsables. Même si le petit noir et la bière restent les deux premières ventes du café en France, la limonade, on le sait, ne suffit plus pour attirer la clientèle. Il faut se distinguer, se spécialiser, s'ouvrir à autre chose. Ne plus être un simple distributeur de boissons sans âme, sans caractère. Il faut être à l'écoute des consommateurs, il faut faire preuve d'innovation, se battre sur des terrains différents et variés.

Paradoxalement, le discours n'est pas nouveau. Autrefois, il y avait les cafés-charbon, les cafés-boulangerie, les cafés-pharmacie, les cafés littéraires comme il existe aujourd'hui les bars-karaoké, les bars à philo, les bars à bières. Seules les «trente glorieuses» ont vu l'essor de cafés dont le commerce allait être uniquement basé sur la vente des boissons.

Ce qui différencie ces deux grandes générations d'établissements de l'avant-guerre et d'aujourd'hui, c'est le type d'activité qui est associé à la limonade. D'une notion davantage utilitaire, on est progressivement passé à celle de la détente et de service-loisirs.

Dans une enquête Kronenbourg/BVA réalisée en 1992, on a pu constater que 80% des personnes interrogées entraient dans un café pour passer un moment agréable. Un même pourcentage estime que le café est un lieu d'échange et 46% que c'est un des derniers espaces de liberté. Si le café, dès sa naissance, a été «le lieu de prédilection des négociants et des hommes d'affaires, puis, très vite, le lieu de rencontre des philosophes», la notion d'échange était à l'époque utilitaire. On se retrouvait au bistrot pour traiter des affaires, pour polémiquer et le faire savoir. Aujourd'hui, cet aspect n'est plus aussi vrai. On va au café pour s'octroyer un moment privilégié et on retrouve ce capital plaisir, quelle que soit sa forme, intellectuelle, culturelle ou gourmande, dans les établissements qui fonctionnent.

Convivialité

Prenons le cas des Café Leffe, qui, d'entrée de jeu, proposent la double approche d'un cadre toujours agréable et d'une bière toujours bonne. Le client, quelle que soit la ville où se situe l'établissement, sait ce qu'il va y découvrir. Il n'entre pas dans ce type d'établissement par hasard. La remarque vaut également pour les cyber-cafés. On se rend dans un cyber pour pianoter devant un ordinateur. Le travail n'est pas l'objectif, l'intérêt premier est essentiellement ludique. Dans les deux cas, l'aspect agréable domine sur l'utilitaire. Le PMU, la Française des Jeux ou le tabac font partie intégrante des services-loisirs que proposent les bistrots. Même approche en ce qui concerne la restauration où le consommateur allie l'utile à l'agréable. Si le sandwich au coin du zinc ne fait plus recette, c'est peut-être aussi parce que le client préfère s'asseoir et se détendre quand il veut se restaurer.

On aboutit ici à la notion de convivialité dont le café entend bien, à l'heure actuelle, en rappeler les vertus. Le bistrot, version an 2000, est d'abord un lieu de convivialité.

Ensuite, il capte et cultive cette convivialité à partir d'un thème. Le bar à bières est un bon exemple. Le client y trouve une ambiance, un style et une gamme spécifique de produits. Voie entrouverte il y a une dizaine d'années par les tex-mex et reprise sous une autre forme par les brasseurs. C'est l'animation, base également d'une nouvelle forme de commerce.

"Depuis de nombreuses années déjà, les marques représentées à l'intérieur du bistrot cherchent à mettre en place des animations de produit, et par là même, à animer les établissements et leurs distributeurs. Il s'agit, en effet, simultanément de pousser les ventes de marques qui ont sans conteste un marché potentiel insuffisamment travaillé et de dynamiser l'activité limonade en perte de vitesse", explique l'agence Prismalion, en charge de l'opération Bistrots en Fête.

Nouveaux réflexes

Il serait incomplet d'aborder le profil du café du prochain millénaire sans évoquer les nouveaux réflexes des consommateurs. Des consommateurs devenus multi-directionnels. "La même personne pourra, dans une même journée, prendre son café du matin au bistrot près de chez elle, déjeuner le midi d'un sandwich acheté dans une boulangerie et dîner dans un restaurant traditionnel. Cette même personne pourra aller dans un fast-food le samedi avec ses enfants et prendre un verre le soir entre amis dans un bar à thème", souligne-t-on chez Prismalion en rappelant qu'environ 4,5 millions de Français de 15 ans et plus vont au café tous les jours et 10 millions y vont au moins une fois par semaine. Au total, près de 30 millions de Français de 15 ans et plus fréquentent les cafés. Des chiffres plutôt encourageants.

 

 
Les bars à bières ont le vent en poupe, dans la tradition des pubs britanniques.


Dans les années 50 et 60, la limonade suffisait pour attirer la clientèle. Aujourd'hui, c'est fini. Il faut une ambiance, le petit plus...


La restauration fait-elle désormais partie intégrante de la vie du bistrot ?

 

La valeur immobilière du bistrot

«Avec les Trente Glorieuses, la valeur du fonds de commerce présentée par les bistrots a été considérablement majorée par l'embellie permanente des prix dans l'immobilier. De plus, le développement des activités tertiaires, et notamment des banques, a entraîné une surenchère sur les endroits stratégiques urbains souvent occupés par les bistrots.

Cet équilibre économique naturel était renforcé par une sélection humaine rigoureuse propre à la profession : de tout temps, les originaires du Massif Central qui avaient réussi dans le café à Paris, faisaient monter les cousins et sélectionnaient les meilleurs d'entre eux pour les faire parrainer par la profession afin qu'ils puissent devenir à terme patrons d'un bistrot.

La crise de l'immobilier, le chômage ont rompu ce bel équilibre. Certains fonds sur-évalués ont connu des difficultés, certains chômeurs ont cru à l'accès sans formation dans cette profession qui avait créé sa propre université de comptoir.»


L'HÔTELLERIE n° 2500 Hebdo 6 Mars 1997

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