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Marie-Louise et Didier Banyols, accord et mariage parfaits

Marie-Louise et Didier Banyols pourraient tenir une agence matrimoniale pour mets et vins. Sommelière de notoriété internationale, Marie-Louise prend un plaisir malin à chercher de beaux mariages pour les plats inventifs de son mari, toujours très inspiré par les saveurs catalanes. Ils se sont tous deux faits remarquer à Céret, aux Feuillants, en gagnant deux macarons au Michelin. Ils ont ensuite participé, au côté de Mme Cathiard, au lancement des Sources de Caudalie, concept de restauration associé au Château Smith Haut Lafitte. Les Banyols ont su trouver les accords qui convenaient le mieux aux vins de Bordeaux. Ceux-ci étaient tout à fait consentants et ne demandaient qu'à épouser cette belle cuisine toute ensoleillée.

 
Les bordeaux se marient magnifiquement avec un caviar d'aubergines, une purée de pois chiches ou un flan de légumes méditerranéens.

On ne décèle pas de différences notables entre la cuisine de Didier à Céret et celle qu'il préparait aux Sources de Caudalie. Toutes deux étaient inspirées des traditions catalanes et dans une moindre mesure, languedociennes. À Céret, vous aviez l'habitude de marier les plats de Didier avec des vins des Corbières et du Languedoc. Avez-vous rencontré des difficultés particulières quand il s'est agi de trouver des associations avec les bordeaux ?
Les cartes de La Table du Lavoir et de La Grand' Vigne étaient effectivement restées d'inspiration catalane, mis à part l'incontournable foie gras des Landes, qui d'ailleurs figurait déjà à la carte du restaurant de Céret.

À ma grande surprise, j'ai très vite découvert que les bordeaux se mariaient avec toutes sortes de cuisines. Je n'ai eu aucun souci pour associer les vins du Bordelais aux recettes de Didier, sauf peut-être lorsqu'il lui prenait l'envie de faire des essais avec l'ail et l'échalote ! À ce propos d'ailleurs, je m'étonne que l'entrecôte à la bordelaise, riche en échalotes, reste encore le plat de référence servi dans les châteaux pour les repas de dégustation offerts aux acheteurs. Les Bordelais, à mon sens, commettent là une véritable erreur de goût et « massacrent » leur vin.
Il n'est pas simple non plus de créer un accord avec les plats où domine le goût de l'olive, par exemple une tapenade qui accompagne un poisson ou une volaille. Mais c'est avec un grand classique de Didier, Le dos de morue, compote de poire et tomate à la cannelle, aïoli d'abricots, que j'ai vraiment rencontré le plus de difficultés. Là, paradoxalement, ce n'est pas l'aïoli qui m'a posé un problème, mais la morue que je n'ai jamais pu marier avec un vin du Bordelais. Pourtant le goût de la cannelle m'orientait vers un bordeaux et cependant, à chaque bouchée, le poisson m'empêchait d'aller plus loin dans l'accord que je cherchais. Je n'ai finalement trouvé la véritable harmonie qu'avec un vin blanc du Sud-Est qui « acceptait » l'ensemble des produits utilisés dans cette recette.
Par contre, les bordeaux se marient magnifiquement avec un caviar d'aubergines, une purée de pois chiches ou un flan de légumes méditerranéens. Je crois que pour réaliser de beaux accords, il faut savoir jouer sur la maturité et les tannins. Selon les plats, on s'orientera vers un vin tannique, jeune, ou au contraire vers un vin léger, plus « soft », avec des tannins arrondis, plus matures. C'est en jouant sur toute la gamme, que l'on arrive véritablement à trouver l'accord parfait.
Nous venons de le voir, une grande partie de votre travail consiste à inventer des accords entre des vins et la cuisine de Didier, que vous connaissez particulièrement bien. Cependant, en parcourant les cartes des vins que vous avez constituées, on devine que vous avez dû également tenir compte de certaines contraintes. Pouvez-vous nous parler de cet autre aspect de votre profession ?
Vous savez, ma carte était à la fois le reflet de mon environnement professionnel, des exigences de notre clientèle très particulière, et de ma sensibilité.
J'ai dû rechercher de beaux accords avec les vins du Château Smith Haut Lafitte, qui est un des fleurons du pessac-léognan. Je tenais également à mettre en valeur la grande région dans laquelle nous vivions, le Bordelais, tout en faisant profiter notre clientèle de tout le savoir que j'avais accumulé pendant des années autour des vins d'appellations très nouvelles, comme les côteaux du Languedoc.
Il faut savoir que la clientèle de ce type de structure est multiple, internationale, et surtout fortement impliquée dans le milieu viticole. Vignerons, courtiers, négociants, grands importateurs, tous aiment les découvertes, mais ont également des certitudes et des habitudes. Il m'est par exemple arrivé de recevoir des Américains qui étaient tout heureux de trouver à ma carte des vins...
des États -Unis. En fait, ces vins étaient pratiquement introuvables chez eux, parce qu'essentiellement vendus à l'export, et je leur procurais un vrai plaisir en leur donnant l'occasion de les déguster.
Le cas des vignerons bordelais était encore différent : soit ils souhaitaient que nous servions leur propre vin durant le repas, et Didier composait le menu en fonction de ce choix, soit ils désiraient faire connaître à leur hôtes d'autres vins... qui bien sûr, ne devaient pas venir de la « concurrence » ! C'était alors pour moi un grand bonheur de leur faire découvrir des appellations qui me sont chères.

Oublions pour une fois les grands châteaux et tournons-nous vers des bordeaux moins onéreux. J'aimerais que vous nous conseilliez un vin que l'on pourrait servir tout au long d'un repas aux saveurs méditerranéennes ?

Bien sûr ! Vous savez, il faut toujours garder à l'esprit l'idée que toute appellation possède des vins pour se faire plaisir et je pourrais vous faire plusieurs propositions. Je pense par exemple à Patrick Carteyron, qui vinifie en bordeaux supérieur une cuvée sélection du Château Penin qui me semble particulièrement bien convenir à la cuisine ensoleillée de Didier. Sur ce vin rouge millésime 1997, un peu tannique, je pense immédiatement au Risotto au vin rouge et au cèpes. Je continuerais soit avec un poisson, une Daurade royale au caviar d'aubergines, ou une viande, et là, ce serait sans aucune hésitation le Bayaldi de légumes et Gigot d'agneau confit aux épices. Pour finir, je vois bien une soupe de cerises - un bordeaux rouge jeune s'associera de façon merveilleuse avec un dessert aux fruits rouges, ou même un dessert chocolat-fruits rouges (fraises ou cerises). Je ne voudrais pas oublier le fromage qui me semble indispensable à l'équilibre d'un beau repas. Je choisirais un brebis des Pyrénées qui, vous le savez peut-être, se marie avec beaucoup d'élégance avec ce type de bordeaux.

Un bordeaux supérieur est un vin « plaisir », un vin pour la cuisine de bistrot, un vin qui se boit dans sa jeunesse. J'ai pourtant remarqué que dans les restaurants haut-de-gamme, les grands châteaux étaient proposés dans leurs premières années. Comment expliquez-vous cette nouvelle mode de consommation.

Il y a plusieurs raisons à cela. Le travail du vin a considérablement changé. C'est certainement la raison la plus importante. Autrefois, les tannins étaient extrêmement durs et on ne pouvait envisager de boire un bordeaux avant une quinzaine d'années de vieillissement en cave. Les goûts étaient très sévères et très astringents. Aujourd'hui, grâce aux nouvelles technologies, les vignerons travaillent tellement la maturité, les tannins et le bois neuf, qu'ils obtiennent très tôt rondeur et suavité. L'attaque en bouche devient savoureuse dès les deux premières années de mise en bouteille.
La deuxième raison est économique. La nouvelle génération ne consomme plus le vin comme ses parents. Faute de moyens, mais surtout de place, les jeunes consommateurs n'ont pas constitué de cave comme l'ont fait leurs aînés. Reconnaissons également que le système de distribution a beaucoup évolué. On peut se faire plaisir dans l'instant, en achetant une très bonne bouteille chez un caviste, au pied de son immeuble, ou dans une grande surface. Ainsi, et cette troisième explication découle des deux premières, le palais des jeunes amateurs a considérablement changé. Aujourd'hui les 30-45 ans préfèrent très largement les vins jeunes aux vins vieux, qu'ils n'ont pratiquement jamais eu l'occasion de boire.

Les vins de Bordeaux se marient-ils plus facilement que d'autres avec les cuisines étrangères ?

J'ai remarqué que la plupart des plats, quels que soient leurs origines, se mariaient très facilement avec les vins de Bordeaux. Je suis arrivée à la conclusion que le bordeaux était presque universel. C'est, je pense, sa grande force et la raison pour laquelle il est présent sur toutes les tables du monde. Il s'adapte à des cuisines très contrastées.

    J'ai remarqué que la plupart des plats se mariaient très facilement avec les vins de Bordeaux. Je suis arrivée à la conclusion que le Bordeaux était presque universel.


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L'HÔTELLERIE  n° 2690 La Cave 02 Novembre 2000

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