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À LA LOUPE

Marc Lelieur à Lille (59)

LE CRÉATEUR RÉVOLTÉ

Le patron de plusieurs brasseries phares de la ville monte un restaurant italien dans le vieux Lille. Amateur d'une vraie restauration qu'il affirme condamnée, il crée des concepts à succès dans le mode économique qu'il considère être le seul avenir viable.

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Marc Lelieur, discret à droite derrière son équipe de la Paix dont il est si fier.

Marc Lelieur refait des siennes. Le créateur des 400 coups, un concept à gros rendement qui ne désemplit pas dans deux sites à Lille, a repris et relancé en octobre 2000 la Brasserie de la Paix, mitoyenne de la Brasserie La Chicorée, son vaisseau amiral, et la Brasserie Flore (lire L'Hôtellerie n° 2660 du 6 avril 2000). Il prépare le concept qui prendra la vaste place de l'ex-Taverne de Maître Kanter, place de Béthune. Il réalise en outre une nouvelle opération immobilière place Louise de Bettignies dans le vieux Lille près du palais de justice, et y installera le jeune exploitant d'un nouveau concept italien, l'un de ses proches collaborateurs depuis 10 ans. La recette de l'essaimage se répète d'ailleurs. Lelieur a déjà mis 3 de ses proches restaurateurs sur orbite. Le premier 400 coups est vendu. Marc Lelieur contrôle l'immobilier du second, mais ne l'exploite pas, un jeune talent s'y fait les dents de patron. Dans le lancement de la future Taverne, Patrick Buret, l'expérimenté directeur de La Chicorée, sera son associé.
La Brasserie de la Paix est une affaire comme Lelieur les aime. Une brasserie de haut niveau, créée par une ancienne figure locale de la profession, M. Malapelle, animée "par une équipe de vrais professionnels", commente le patron. Du traditionnel à la parisienne, banc d'écailler à l'entrée, décor sans toc. Sans perdre le caractère des boiseries en bois d'arbres fruitiers et des faïences de Desvres, l'équipe Lelieur y a remis du confort, a agrandi les tables, changé les sièges, et le service de table. Le personnel dirigé par Didier Delassus est habillé et agit de manière classique, sans esbroufe. Le ticket moyen à 32 e semble un peu bas par rapport à l'allure de l'établissement, avec des menus au rapport qualité/prix très attractif à partir de 15 e, et une carte des vins à très petits coefficients autour de 18 à 23 e. Pour une clientèle peu nombreuse mais peu regardante, la carte permet de monter en gamme avec, par exemple, une carte des vins de prestige entre 56 à 192 e. "Il fallait d'abord remonter l'affaire", répond Marc Lelieur, qui dit avoir gagné 70 % de chiffre d'affaires, mais en ayant embauché 4 professionnels. Propriétaire du fonds et des murs place Rihour, l'emplacement numéro 1 de la capitale des Flandres, il peut regarder cette troisième affaire traditionnelle comme un investissement. Et faire ce qu'il aime, avec des gens qui connaissent le métier. Au Flore, à La Chicorée et à la Paix, pas un rang sans son chef, et la cuisine est fraîche. Mais il ne croit pas pouvoir en retirer une marge opérationnelle satisfaisante. Surtout avec un service taxé qui ampute cette marge de 3 %. "Dans le long terme, si rien ne change sur les charges et la TVA, et si la RTT pure et dure est appliquée, la restauration authentique n'est plus viable", affirme-t-il. "Nous avons acheté cette affaire avec un ratio frais de personnel sur CA de 55 %, et nous l'avons descendu à 45 %. Cela reste encore bien trop haut. Il est presque impossible de faire mieux en restant dans le vrai métier, avec des gens qui savent proposer, vendre et servir un vin", tempête Lelieur, révolté.

L'autre métier
Il juge l'effet négatif d'une augmentation des prix sur la demande très puissante. "3 % de hausse de ticket moyen au Flore, 3 % de baisse du volume", jette Marc Lelieur. Sans baisse des charges, point de salut. Sauf si l'on renonce au vrai métier. L'autre métier, c'est ce qui a si bien réussi aux 400 coups : de grands volumes en multiple de 100 couverts par service à 14,02 e le ticket, 3 professionnels sur 12 emplois, 32 % de frais de personnel, 33 % d'achats, la marge est correcte, les investissements s'amortissent vite, l'immobilier prend de la valeur, l'affaire se revend bien. Il faut une cuisine d'assemblage astucieuse, régulière et bonne, une carte et un service très simples, réalisables par n'importe qui ou presque, moyennant une formation standardisée. Là-dessus, des fiches techniques de premier ordre, des achats rigoureux et normés, et le respect d'une bible d'exécution scrupuleuse, la chasse au gaspi, et la course contrôlée à la productivité. Le clonage des 400 coups a réussi une fois à Lille, ce n'est pas un hasard. "Le professionnalisme est dans la conception, c'est tout", tranche-t-il, impitoyable. C'est tout, mais c'est beaucoup. Il faudra récidiver place de Béthune, dans un espace qui permet sur plusieurs étages de loger 400 convives, soit 2 000 couverts possibles un samedi. Début octobre, Marc Lelieur hésitait entre un ou deux concepts sous ce même toit de l'ex-Taverne. Il vise là encore un ticket moyen de 13,7 e, et de véritables standards de chaîne en semi-industriel. Un taylorisme qui permet, par exemple, de pratiquer la RTT à géométrie variable en accord avec le personnel, "ce qui est rigoureusement impossible en traditionnel avec des gens qui assurent le contact avec les clients et veulent légitimement bien gagner leur vie".
Place Louise de Bettignies, les Lillois découvriront un restaurant à thème italien, de style très métropolitain, à cuisine ouverte et éléments discrets d'assemblage, à façon très simple permettant, là aussi, d'esquiver l'écueil d'avoir à embaucher à 100 % du personnel très qualifié. Ils se sentiront sans doute à 100 % dans un vrai restaurant, mais pour Marc Lelieur, ce sera avant tout une affaire viable, qui donnera de la valeur à un immeuble. C'est un autre métier.
A. Simoneau zzz22r

En chiffres

Octobre 2000
Reprise de la Brasserie de la Paix
1,1 M
e TTC
au 30 septembre 2001

Effectif
15 personnes

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L'Hôtellerie n° 2760 Hebdo 14 Mars 2002 Copyright ©

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