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D'île en île
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Cette semaine, cap sur l'Atlantique : embarquement immédiat pour , une île où il fait bon vivre, tant pour les visiteurs que pour les professionnels.

Tout au long de l'été, L'Hôtellerie vous propose de découvrir les îles des côtes françaises. Un voyage 'D'île en île' au cours duquel vous retrouverez l'actualité de la profession, de l'Atlantique à la Méditerranée.

, le prix du succès

Paradis touristique, l'île de Ré construit son économie autour de cette vocation. Les professionnels en tirent plutôt bien leur épingle du jeu.

La réflexion semble commune à l'ensemble des hôteliers-restaurateurs de ce petit morceau de terre charentaise, relié au continent par le pont construit par Francis Bouygues. "Si nous n'avions pas de problèmes de personnel, ce serait parfait." Que ce soit Pierre-Jean Branca, patron de l'hôtel La Jetée à Saint-Martin-de-Ré, ou Rémy Massé, chef et propriétaire de La Rivière aux Portes, tout le monde recherche, qui un bon veilleur de nuit, qui un serveur compétent. Il est vrai que le souci d'embauche se double d'un autre de logement, les chambres étant plutôt rares sur l'île, du moins à des tarifs raisonnables. "Si l'établissement ne possède pas de structures à cet effet, il est presque impossible au personnel de résider sur place, souligne Chantal Massé-Chantreau, qui tient Le Chat Botté, hôtel de charme à Saint-Clément. Les prix de la location comme de l'achat, du terrain comme du bâti, sont devenus inabordables à tous les niveaux, et la seule solution est d'habiter le continent, avec les va-et-vient que cela implique."
Trajets facilités il est vrai par le pont, qui a relégué au rang des souvenirs les bacs d'antan, esclaves des marées, des coups de vent et des heures de pointe. Mais tout dépend si l'on est logé auprès de ce dernier, dans la partie sud-est (Sainte-Marie, La Flotte, Saint-Martin) ou à l'autre extrémité, 30 km plus au nord, vers Ars-en-Ré, Saint-Clément, Les Portes. Les petites routes encombrées de la saison estivale font alors la différence, surtout lorsqu'on les connaît mal. Pour le visiteur, deux impressions prévalent à ce sujet lors du premier débarquement en Ré : la prolifération incroyable de vélos et autres deux roues sur des pistes cyclables nombreuses, et le manque de panneaux indicateurs. Pour le reste, l'île apparaît comme un lieu privilégié, dans lequel l'argent se dépense en loisirs, résidences ou bons moments, entre juin et septembre avec un pic culminant du 15 juillet au 31 août.


Le port de Saint-Martin-de-Ré.

Répondre à la demande
Que l'on tienne un restaurant, un hôtel, un camping ou une location de vélos, la principale préoccupation reste commune à tous : on doit pouvoir offrir des services personnalisés et être d'une grande disponibilité. C'est l'objectif des deux propriétaires du Chat Botté qui propose 19 chambres en 2 étoiles dans la partie la plus riche de Ré, (de 370 à 630 F la nuit), épaulé par le restaurant voisin du même nom tenu par une belle-sœur. Pour Géraldine et Chantal, nées d'une famille entière de professionnels - les Massé -, qui ont pris en main l'établissement en 1991, il y a toujours quelque chose à faire. Après avoir investi 4,5 MF en travaux de rénovation, décoration et aménagement, elles gèrent leur hôtel de charme avec un taux d'occupation annuel de 65 %, 4 salariés, pour un CA de 1,7 MF.
"Nous ne fermons qu'en janvier, détaille Chantal Massé-Chandreau. Notre clientèle est familiale en haute saison, plus 'VRP' en basse saison, et nous offrons des forfaits avec le restaurant. Notre site est remarquable, la clientèle agréable et aisée, et nous travaillons mieux, plus facilement que sur le continent. Nous n'employons que des femmes, habitantes de l'île, et notre gros souci reste la communication. Difficile de se rendre à Promo-Cash à La Rochelle en traversant la Ré des aoûtiens..."
Pour Jean Pageot et Didier Babeuf, associés du Café du Phare, brasserie installée au pied du fameux Phare des Baleines, vivre dans l'île est un privilège reconnu. Les inconvénients insulaires habituels ne sont pas de mise sur Ré, grâce au pont qui l'a transformée en petit morceau de France à part entière. Les produits frais, l'approvisionnement journalier, arrivent par ce cordon ombilical qui ne craint pas les vents du large. Les deux hommes emploient entre 5 et 13 salariés selon les dates, réalisent 3 MF de CA avec un ticket moyen à 130 F, et des menus de 99 à 155 F. "Ré explose, affirme Didier Babeuf, également vice-président de l'office de tourisme local, les pouvoirs publics suivent et le pont nous a changé la vie. Plus de voitures, plus de monde, mais hélas plus de problèmes d'urbanisme, de sécurité, etc. On tente de limiter les tentations immobilières, mais la pression est forte et les enjeux considérables, dans une situation de pleine expansion. Mais pour nous, ça marche, avec de moins en moins de mortes saisons."


Le phare des Baleines.

Vous avez dit élitiste ?
Avec un Premier ministre logé sur Ars, un prix moyen du terrain à 3 000 F le m2, des maisons hors de prix et des baraques en ruine valant des fortunes, Ré respire l'opulence. Aucune commune mesure avec sa voisine Oléron, pourtant plus grande qu'elle, et disposant d'un pont gratuit, à distance égale des côtes. La première a davantage joué la carte du haut de gamme, la seconde celle du tourisme de masse, et cela fait aujourd'hui toute la différence. La construction de Bouygues se paie cher, 110 F le passage pour le non-résident, mais freine par son coût les grands mouvements de foule et l'entrée d'une population trop turbulente. Contrairement à ce que certains craignaient, l'île n'a pas pâti de son pont, qui contribue à son développement sans apporter d'excessives nuisances.
Cette fréquentation, en partie haut de gamme, génère des structures de sa catégorie. Si Ré n'est ni Ibiza, ni Saint-Tropez, restant très familiale dans son sud, entre Saint-Martin et Rivedoux, elle affiche différentes offres pour gens aisés branchés. Trois centres de thalasso l'équipent (Neptune à Sainte-Marie, Thalacap en Ars et le Richelieu à La Flotte). Ce dernier est un véritable palace, classé 4 étoiles, avec 40 chambres allant jusqu'à 1 300 F la nuit, complété d'une table remarquable axée sur les produits de la mer et la gastronomie. Dans la chaîne Relais & Châteaux, il apparaît comme l'établissement le plus côté de l'île, qui regorge par ailleurs de résidences hôtelières de standing, et de tables réputées. Ainsi du Bistrot de Bernard, sur le quai d'Ars, tenu par Bernard Frigière, à la fois sculpteur et maître ès poissons, qui fait de cette denrée des bronzes reconnus tout en les transformant en merveilles gustatives. Ce créateur-inventif se veut cependant modeste ou abordable avec des menus de 130 à 175 F, une carte moyenne à 200 F et une capacité d'accueil de 50 couverts en salle (plus 50 en terrasse).
Impossible de faire le tour complet des talents professionnels disponibles sur Ré. Il faudrait un guide ou un livre, avec tout un chapitre pour le clan Massé, qui règne à lui seul sur une demi-douzaine d'enseignes. Mais le dominateur commun à tous, quel que soit leur niveau, reste identique : le bonheur d'exercer en un tel lieu.
J.-P. Gourvest zzz36c zzz70 zzz22c

L'infrastructure

10 270 habitants en hiver, 20 fois plus en été, Ré vit à 80 % du tourisme et de ses avatars, le reste venant de l'agriculture (vins, ostréiculture, marais salants).
Dépendante de la Charente-Maritime (17), elle abrite 2 chefs-lieux, Ars et Saint-Martin. Le nombre de visiteurs en haute saison avoisine le million d'individus, entre vacanciers de passage, résidents secondaires, campeurs, touristes d'un jour.
Cette masse ou manne considérable peut bénéficier d'importantes structures d'accueil : 35 hôtels toutes catégories dont 25 classés selon Ile de Ré Tourisme, de nombreuses chambres d'hôtes, résidences hôtelières, 46 campings, 3 thalasso, un village vacances, 93 restaurants sont officiellement recensés par l'Otsi local. Plus 4 discothèques, 10 bars d'ambiance, et une liste de centres de loisirs, nautiques, naturels ou autres à travers toute l'île.

Les agences immobilières prolifèrent, ainsi que les loueurs de bicyclettes. Moyen le plus pratique de déplacement, ces dernières coûtent de 15 à 40 F l'heure et de 295 à 800 F par mois.
On en trouve partout, avec des accessoires divers, remorques, sièges pour bébés, ainsi que des tandems. 87 km de pistes leur sont réservés.

On accède à Ré par le pont partant de La Rochelle mais aussi par air, par chemin de fer avec le TGV (Aéroport La Rochelle, Gare La Rochelle) et par la route (RN 11, A 10).

 

Le point de vue des professionnels

"Habiter dans l'île est un privilège"


Pierre-Jean Branca

Caroline et Pierre-Jean Branca ont racheté, en 1997, l'hôtel 3 étoiles La Jetée à Saint-Martin-de-Ré, construit quatre ans auparavant. Offrant 31 chambres et 2 suites, (310 à 490 F les premières, 680 à 850 les secondes) il affiche un taux d'occupation de 72 % sur l'année, ouvert de janvier à décembre, il compte 8 salariés et réalise un chiffre d'affaires de 4 MF, atteignant les 100 % de réservations en période estivale, dont 40 % venues des étrangers de plus en plus nombreux en Ré. "Nous recevons une clientèle mélangée, précise Pierre-Jean Branca.
Des VRP, des touristes, selon les mois, et beaucoup de groupes en séminaire, en rapport avec des grandes sociétés comme Texas Instruments ou le groupe Sud-Ouest. Notre seul souci vient du recrutement, bien que l'ensemble de
mon personnel soit logé sur l'île, car nous avons du mal à trouver des gens sérieux et qualifiés. Je recherche désespérément un veilleur de nuit acceptant de faire en plus l'entretien. Les gens ne veulent pas travailler, ni se fatiguer, et c'est là tout le problème de notre profession, 35 heures ou pas."

Comme ses homologues rencontrés, le propriétaire de La Jetée ne se plaint ni de la concurrence, ni de la fréquentation, persuadé que la diversité de l'offre reste bénéfique à tout le monde, et que le pont a effacé en partie les mortes-saisons. La communication n'est pas le point fort de son budget, sa réputation se construisant par la satisfaction de sa clientèle, en augmentation constante depuis 5 ans.

Heureux comme Rémy Massé en l'île
Rémy Massé est un des membres du clan régnant sur la gastronomie rétaise. La famille entière est aux fourneaux, entre son frère Daniel (Le Chat Botté à Saint- Clément) ses sœurs dans l'hôtel du même nom, il est issu d'une lignée de cuisiniers réputés. Son établissement, L'Auberge de La Rivière des Portes-en-Ré (nord de l'île) est noté d'un 14/20 au GaultMillau, d'un Bib et de 2 fourchettes au Guide Rouge. Avec son épouse Véronique, il est devenu propriétaire en 1986 de son restaurant dans lequel il a investi presque 4 MF. Servant 50 couverts par jour en moyenne, dans sa salle de 80 places, il réalise un CA HT annuel de 3,2 MF avec 7 salariés. "Nous avons l'intention de construire quelques chambres, et de développer notre service traiteur, annonce-t-il. Grâce au développement de Ré, du pont, et de la politique économique locale, nous sommes dans une logique d'expansion, et nous comptons bien en profiter." Ancien président des Tables gourmandes du Poitou-Charentes, responsable régional des Jeunes restaurateurs d'Europe, Rémy Massé suit depuis son entrée dans la profession, il y a 25 ans, une stratégie de qualité. "Nous avons des clients qui apprécient la bonne table, et qui la recherchent, à nous de les satisfaire. Ici, notre produit phare reste le poisson, environnement oblige, nous sommes des maritimes avant tout, il faut faire avec. Je n'ai pas de plats fétiches, car je découvre journellement ce que je peux construire en matière de cuisine." Conscient que les charges, le personnel et les horaires de travail sont déjà les pierres d'achoppement de sa profession, le patron de L'Auberge estime qu'il faudra gérer l'avenir en tenant compte des réalités. La RTT et les conventions collectives devront s'adapter aux impératifs d'un travail saisonnier, plutôt que le contraire.
"Hormis ces gros problèmes, exercer sur l'île est un bonheur, affirme Rémy. De pure souche rétaise, avec toute ma famille autour de moi, je ne donnerai ma place à personne."


Rémy Massé

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L'Hôtellerie n° 2727 Hebdo 19 Juillet 2001

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