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Ille-et-Vilaine

Punition pour les débits de boissons

Afin de lutter contre la délinquance et l'alcoolisme, le préfet d'Ille-et-Vilaine vient de prendre une série de mesures parmi lesquelles une réduction des heures d'ouverture pour les bars de nuit, restaurants et discothèques. Ce diktat pris sans réelle concertation provoque la colère des professionnels.

Dans tout le département d'Ille-et-Vilaine, l'annonce préfectorale a fait l'effet d'une bombe pour le milieu professionnel, et on le comprend aisément. Dans le cadre de la lutte contre la délinquance et pour améliorer la sécurité et la tranquillité publique, le préfet d'Ille-et-Vilaine, Claude Guéant, a pris une série de mesures applicables depuis le 1er juin. La plus controversée reste la modification des horaires d'ouverture des débits de boissons. Désormais, les bars de nuit, fermant jusqu'alors à 3 heures du matin, se voient amputés d'une heure pour fermer à 2 heures. Les restaurants doivent fermer leurs portes à 1 heure en semaine et à 2 heures le week-end avec dérogation jusqu'à 3 heures pour l'accueil des groupes organisés (contre respectivement 2 heures et 3 heures auparavant). Les heures de fermeture des discothèques passent de 6 heures à 4 heures en semaine et de 6 heures à 5 heures le week-end. Seuls les bars de jour, ouvrant à 5 heures et fermant à 1 heure, conservent leurs horaires.

Trop d'insécurité
Mais à Rennes, le maire, Edmond Hervé, a promis que ces derniers "feront l'objet d'une surveillance renforcée. Pour les quelques bars fermant à 5 heures du matin, le préfet n'a pas encore arrêté sa décision. En outre, les maires des stations touristiques pourront prolonger les heures d'ouverture de 1 heure. Et enfin, les maires pourront accorder des dérogations individuelles dans le cadre d'une charte de qualité (contrat local de sécurité, etc.)". Ce sera le cas à Rennes où le maire a précisé qu'il "sera possible de déroger au régime de droit commun fixé par cet arrêté, et donc de repousser l'horaire de fermeture de certains établissements dès lors que les intéressés auront accepté individuellement de signer une charte de qualité". Selon le préfet, "le département a connu une hausse de 10 % de faits criminels et délictueux en 2000. Lors du premier trimestre 2001, l'Ille-et-Vilaine a connu une hausse de l'insécurité de 7 %. Toutes les infractions sont en recul, à l'exception des dégradations diverses et des bagarres. Ce sont des phénomènes nocturnes directement liés à la consommation d'alcool." Et le préfet de rajouter : "Les débits de boissons sont tenus d'une façon moins rigoureuse qu'ils ne l'étaient. Nous voulons créer une coupure dans la nuit afin qu'il n'y ait pas d'accès continu aux débits de boissons."
Pour les professionnels, "c'est notre existence qui est remise en cause. On ne reconnaît pas au client d'autre droit que de sortir en discothèque ! En sachant pertinemment que ces dernières n'ont pas les structures adaptées pour accueillir tout le monde". La mesure s'avère notamment très dommageable pour les bars qui fermaient auparavant à 3 heures. On voit mal en effet une clientèle habituée d'un bar de jour le quitter prématurément pour se rendre dans un bar de nuit. "Elle va quitter son bar à 1 heure et croyez-vous qu'elle va venir chez nous, les bars de nuit, pour 1 heure, voire 1/2 heure ? Car nous allons devoir baisser la musique et préparer le départ des clients à 1 h 30 !" Pour certains, le manque à gagner serait "en absolu de - 40 %, mais il sera en fait beaucoup plus important". Après les investissements importants réalisés dernièrement pour s'adapter aux normes antibruit (rappelons que déjà l'association rennaise Bistrock Cafés réunissant des cafés-concerts a mis son activité en sommeil suite aux difficultés rencontrées par les bars pour organiser des spectacles), les bars de nuit ne voient guère l'avenir en rose et certains évoquent déjà une fermeture définitive. "Ils ont réalisé des investissements par rapport à un chiffre ! Comment vont-ils les amortir ?" Cette mesure aura assurément un effet sur l'activité de certains et de fait sur l'emploi. Et le préfet de répondre : "On fera les comptes après." Mais ne sera-t-il pas trop tard ? A l'instar des bars de nuit, les restaurants rennais accueillant assez tard une clientèle d'après spectacle ou d'après match risquent de subir de plein fouet ces nouvelles mesures. Ce qui fait dire à Pascal Piette, restaurateur rennais : "Que l'on ne nous parle plus d'une ville dynamique !"

"Sommes-nous des chiens ?"
Dans une lettre ouverte au préfet, jugée étrangement "insultante" par ce dernier, Jacques Ars, patron du bar La Bernique Hurlante et secrétaire de la chambre syndicale, s'interroge logiquement : "Sommes-nous des chiens quand je vois comment vous nous traitez ? A-t-on déjà vu quelque profession que ce soit se voir convoquer par téléphone pour lui signifier une réduction drastique de son activité, sans concertation ni discussion préalable ? Nous voilà encore désignés à la vindicte populaire par ceux qui ont toujours eu la haine de nos indépendances d'entrepreneurs : nous serions responsables des accidents de la route, de l'alcoolisme en Bretagne, de la délinquance dans les rues ? Sont-ce les bars qui font du tam-tam toute la nuit sans que vous interveniez ? Est-ce dans les bars qu'il y a eu les derniers meurtres en Ille-et-Vilaine ? Sont-ce les bars qui vendent les canettes de bière qui jonchent les rues ? D'autant plus que jamais, depuis les années où nous dénonçons les dérives des structures paracommerciales (pseudos traiteurs, pseudos associations, salles municipales, sandwicheries...), qui nous concurrencent sans aucune licence ni contrainte, vous n'avez daigné en fermer une." Juste avant la saison, la pilule est difficile à avaler, et personne ne sait surtout si elle contribuera vraiment à réduire les nuisances nocturnes. Un professionnel s'adressant au préfet remarquait pertinemment : "Vous ne savez pas les surveiller, alors vous nous punissez."
O. Marie


Les professionnels des débits de boissons manifestent devant la préfecture.


Les professionnels remettent leurs pétitions au préfet.

 

Le diktat préfectoral

La décision préfectorale, à laquelle la municipalité de Rennes adhère totalement, a été prise sans réelle concertation malgré les dires du préfet. Les responsables du syndicat hôtelier ont en effet été conviés à la préfecture le mercredi 16 mai dernier, "pour nous voir dicter les mesures, selon Marie-Thérèse Pelé, présidente du syndicat d'Ille-et-Vilaine. Nos collègues du syndicat de la Côte d'Emeraude n'étaient pas du tout au courant. Ce fut une douche froide". L'arrêté a été signé en début de semaine suivante. Entre-temps, le lundi 21, une seconde délégation était reçue par le préfet. Ce collectif, composé de 6 personnes représentatives des établissements concernés (restaurants, cafés, discothèques), a obtenu quelques avancées (possibilité de fermeture pour les restaurants à 3 heures en cas d'accueil de groupes...), alors qu'environ 200 personnes, professionnels et clients, patientaient devant les grilles de la préfecture. Une centaine de ces derniers se rendait le soir à l'Hôtel de Ville pour assister au conseil municipal et interpeller le maire sur la question.

Tout s'est donc joué en moins d'une semaine, ne laissant pas aux professionnels le temps de se retourner. Le préfet les a pris de court soit, mais on peut se poser plusieurs questions : pourquoi ne pas parler d'une même voix (le préfet a en effet reçu dans un premier temps les responsables du syndicat et dans un second temps un collectif différent) ? Pourquoi l'information a-t-elle tardé à circuler (certains professionnels n'étant informés de l'arrêté que le vendredi) ?, etc. Le syndicat a néanmoins saisi le tribunal administratif dans le cadre d'un "référé qui est en cours de dépôt, précise-t-on au syndicat. Le préfet a voulu précipiter les choses en rendant exécutoire son arrêté dès le 1er juin. Mais cela remet en cause l'organisation des établissements, notamment en ce qui concerne l'aménagement des horaires de travail du personnel. Nous demandons la suspension de l'arrêté afin qu'il soit rendu exécutoire le 1er octobre. Nous aurons de fait plus de temps pour négocier".
La veille de la signature de l'arrêté, certains professionnels voyaient là l'occasion de "recréer une unité forte. Nous n'avons pas su le faire pour la TVA, faisons le maintenant !".

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L'HÔTELLERIE n° 2721 Hebdo 7 Juin 2001


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