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Editorial
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Pathétique...

Que ne se sont-ils targués de modernisme quand, en 1998, après bien des discussions internes, les Maîtres cuisiniers de France ont accepté en leur sein la gente féminine ! Une quasi-révolution bien sûr chez ces maîtres-queux qui, à la création de l'association, immédiatement après la guerre, avaient su, jusque dans leurs statuts, se protéger du démon en interdisant la présence de femmes à leur sainte table... A l'heure de la parité, la misogynie payant de moins en moins bien, poussés par les plus modernes, les plus dynamiques, ils avaient cherché à améliorer leur image de marque et voulu prouver combien ils aimaient les femmes... Dire que c'est avec beaucoup de naturel et une fière unanimité que la décision fut prise serait certes tout à fait exagéré, nombreux étaient encore les opposants à l'ouverture, inconditionnels, plus habitués à apprécier les dames dans d'autres rôles dont ils ne se cachent pas pour estimer leurs talents et le faire savoir avec plus ou moins d'élégance d'ailleurs. Alors que jusque chez les plus créatifs de nos cuisiniers, il se trouve toujours une femme - tante, mère, grand-mère - pour avoir su susciter ce goût de la cuisine. Quand il s'agit de parler de leur métier, les cuisiniers se plaisent à nier les femmes, ne leur reconnaissant aucun talent, aucune créativité. La cuisine des femmes ne peut être pour eux qu' "approximative, irrégulière, inaboutie", ce qui ne les empêche pas, dans un élan de générosité dont eux seuls ont le secret, de la qualifier avec indulgence de "cuisine du cœur..." Aujourd'hui, les femmes ont mis le temps, et, malgré tous les obstacles que l'on a pu mettre à leur intégration aux fourneaux, elles sont de plus en plus nombreuses à y faire leur chemin, grâce d'ailleurs à l'enthousiasme de quelques hommes qui aiment les intégrer à leur brigade.
Un phénomène qui n'est pas sans déstabiliser certains, les plus 'inaboutis' peut-être...

Solidarité masculine oblige, la mauvaise foi dont ont su faire preuve les MCF pour refuser l'adhésion d'Anne-Sophie Pic est exemplaire, pour ne pas dire pathétique... Parce que son talent aurait, semble-t-il, pu faire de l'ombre à l'un de ses voisins, de toute évidence beaucoup moins talentueux qu'elle, après avoir retenu sa candidature, il a fallu trouver quelque chose pour protéger l'homme de la femme ! De quelle outrecuidance faisait-elle preuve, cette jeune femme, non contente de porter haut les 2 étoiles que Michelin lui a attribuées, elle est en cuisine, dirige une importante équipe de cuisiniers, gère une très belle maison, participe à de nombreuses opérations pour la promotion de sa région, est diplômée d'une école supérieure de commerce, et qui plus est, postule aux MCF ! Heureusement, les statuts sauvent de toutes les situations les Maîtres cuisiniers, sauf peut-être du ridicule... Aussi, ont-ils fini par trouver la cause du refus : comme Anne-Sophie Pic n'est pas titulaire du CAP de cuisine, sa candidature sera évincée... L'histoire ne dit pas si tous les membres masculins des MCF sont bien titulaires dudit diplôme... Mais ce sont des hommes, alors... De toute évidence, les Maîtres cuisiniers de France, dans de telles conditions, ne méritent pas Anne-Sophie Pic...
PAF


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L'HÔTELLERIE n° 2710 Hebdo 22 Mars 2001


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