Rennes
A Rennes, plusieurs patrons de bars et une restauratrice s'engagent dans les municipales au sein d'une même liste, la TEAG. Une façon de parler d'eux et de montrer qu'ils peuvent être une force de propositions sur des questions comme la drogue ou l'alcool.
Jacques Ars n'a rien d'un
novice en politique... ou plutôt en élections. Car entre son engagement et la politique
en général, il y a un monde ! Véritable trublion de la vie rennaise, le patron du bar
La Bernique Hurlante est en fait le poil à gratter de la majorité municipale qu'il
n'hésite pas à interpeller, dans les médias ou ailleurs, dès qu'il l'estime
nécessaire. Lorsque la vie nocturne rennaise est en danger par exemple. Régulièrement,
Jacques Ars soumet ses idées aux Rennais par élections interposées. Il constitue une
liste à chaque municipale, cantonale, régionale et même législative... C'est ainsi que
sont nées les listes Grignous, RUT (Rassemblement utile à tous), etc. Aux municipales de
1989, cette dernière avait obtenu le score flatteur de 3 %. A chaque fois, Jacques Ars
réunit autour de lui plusieurs patrons de bars ou autres restaurateurs qui se retrouvent
dans des idées ou qui veulent tout simplement bousculer la vie politique rennaise,
immuable depuis 1977 date de l'élection d'Edmond Hervé.
Cette municipale 2001 ne fait pas exception à la règle, mais à la différence près
que, cette fois, les professionnels fusionnent avec un parti plus constitué, la LCR
(Ligue communiste révolutionnaire), et diverses associations. "Ils ont de
l'argent, et nous, nos idées et du monde." Ainsi née, la liste TEAG, Tous et
toutes ensemble à gauche, au sein de laquelle on retrouve donc quatre patrons de bars
rennais - Rodolphe Gontran de L'Artiste Assoiffé, Jacques Ars bien entendu, Philippe
Tournedouet du Bistrot de la Cité, Philippe Herfray du Petit Bar et une restauratrice,
Guenola Rouzic, propriétaire de La Moule Rieuse. "Nous aurions pu être davantage
de patrons de bars, mais certains ont été effrayés par la LCR, explique Jacques
Ars. D'autres n'habitent pas sur la commune, mais beaucoup nous soutiennent. Nous avons
d'ailleurs réfléchi à un moment à une liste qui ne réunirait que des patrons de bars
pour aborder certains problèmes comme l'alcool, le bruit, la drogue..." Au sein
de la liste TEAG, les professionnels entendent "montrer aux administrations que
nous ne sommes pas des voyous, comme ils nous considèrent trop souvent". Sur la
drogue par exemple, ils prônent la dépénalisation du cannabis. Sur Rennes, où les
faits divers concernant le trafic de drogue se multiplient, particulièrement dans le
quartier de 'la rue de la soif' et des alentours, "cette proposition permettrait
d'endiguer le trafic. Nous avons des problèmes avec les revendeurs de drogue. Nos
propositions permettent de supprimer ces revendeurs".
Soirée électorale dans le bar
Au sein de la TEAG, les professionnels veulent également attirer l'attention des Rennais
et des élus sur des problèmes comme la disparition des concerts dans les bars relative
à la loi sur le bruit, les bars sauvages sans licence, et les sandwicheries qui se
montent de plus en plus, etc. "En fait, les réunions en mairie sur les thèmes de
bar, d'alcool, de bruit... ne mènent à rien. Nous observons une opposition systématique
du maire sur ces questions. Notre engagement est une façon de prendre la parole, de nous
montrer, de nouer des liens, etc.", précise Jacques Ars.
Pendant la campagne, les patrons de bars organisent diverses manifestations, plutôt
symboliques, dans leurs établissements comme la pose de la première pierre de
l'université de la musique (l'une des revendications de la TEAG) au Bistrot de la
Cité... Un tel engagement ne fait-il pas fuir la clientèle ? "J'ai affiché dans
le bar 'Ici, le patron est candidat'. Mais cela ne pose aucun problème avec la
clientèle. Je suis de gauche et je reçois de la clientèle de tous les bords
politiques", souligne Rodolphe Gontran, alors que Guenola Rouzic reconnaît qu'en
tant que restauratrice, "je ne vais pas apposer des affiches partout dans le
restaurant par égard pour la clientèle".
Au soir du dimanche 11 mars, La Bernique Hurlante vit au rythme d'une soirée spéciale
élection avec retransmission télévisée et buffet froid. A 20 F l'entrée, "c'est
une façon de clore le budget et de tous nous retrouver". Le score ? "Cela
n'a pas d'importance. De 2 à 3 %, ce serait bien. De toute façon, nous ne sommes pas là
pour gagner." Mais pouvoir présenter ses idées et interpeller les élus sur
certains sujets, c'est déjà une réussite.
Ils ont obtenu, à l'issue du premier tour, 4,04 % des suffrages.
D'autres professionnels s'engagent à l'OuestA Bais, toujours en Ille-et-Vilaine, Joseph Pichet, patron de la discothèque La
Pergola, est élu en troisième position sur la liste Bais Ensemble (13 élus pour 19
sièges à pourvoir). A Saint-Malo, Marie-Hélène Detrois, propriétaire du Grand Hôtel
de Courtoisville, renouvelle son mandat de conseillère municipale chargée du tourisme
puisque la liste du maire sortant UDF, René Couaneau, est élue au premier tour avec 58 %
des suffrages. Dans les Côtes d'Armor, à Trégastel, Daniel Laveant, propriétaire de
l'Hôtel Beau Séjour, s'engageait aux côtés de Catherine Lissiour, tête d'une liste de
droite modérée, qui a été battue "à plate couture. Nous n'avons aucun
élu". A Vannes, Janick Vigo paraît en bonne posture pour inaugurer son premier
mandat municipal en qualité certainement de maire-adjointe chargée du tourisme et de
l'artisanat. Elle appartient à la liste de la majorité sortante de droite, Vannes 2001,
qui réalise 48 % au premier tour. |
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'HÔTELLERIE n° 2709 Hebdo 15 Mars 2001