Lettre ouverte aux restaurateurs
François Guy, restaurateur à Saint-Nazaire, regrette que les professionnels ne se soient toujours pas imposés comme des interlocuteurs crédibles auprès des gouvernants. Celui-ci revient sur la manifestation du 16 octobre dernier, tout en jetant les bases d'une approche syndicale différente
La récente manifestation de Paris a été riche d'enseignements. La défense d'une TVA
unique à 5,5 % est une revendication profondément juste. Le grand nombre des
manifestants et la rareté d'un tel consensus, dans une profession faite essentiellement
de petites entreprises, rendent la démonstration imposante et prouvent que notre
profession sait se mobiliser. Mais elle démontre aussi que la dualité des syndicats,
n'ayant pas de différence idéologique, affaiblit beaucoup l'efficacité de nos actions
et renvoie une image très négative d'un secteur d'activité qui bénéficie dans le
grand public d'un préjugé plutôt favorable.
Dans une manifestation comme celle du 16 octobre, les maladresses d'une allocution trop
longue, l'inconsistance des propos sur un ton faussement familier sont indignes d'un
groupement professionnel supposé représenter un secteur de 280 000 entreprises. Peut-on
dire, sans se déconsidérer devant 10 000 professionnels, que l'on n'a pas été reçu à
Bercy ou à Matignon ? C'est à coup sûr discréditer l'activité que l'on prétend
défendre. La 'mise en scène' pour annoncer un discours aussi insipide aurait été
caricaturale dans un film comique. Elle est affligeante dans la réalité et nuit à
l'image de notre profession. La platitude désertique des propos met en évidence un
décalage extraordinaire entre les dirigeants de nos groupements et leurs adhérents.
Inciter des manifestants à jeter des projectiles, c'est implicitement prendre le risque
de générer une violence parfois incontrôlable. C'est aussi faire passer tout un secteur
d'activité pour ce qu'il n'est pas et, si j'ose dire, se tromper de cible... La presse a
jugé l'événement à sa juste valeur, et la couverture médiatique a été minable. On
nous a même qualifiés péjorativement de 'vendeurs de foie gras !' L'objectif de la
manifestation n'était ni de souiller Bercy, ni de 'bouffer' du CRS, mais plutôt de faire
pression pour ouvrir un dialogue avec nos gouvernants en vue d'améliorer nos conditions
de travail.
Les métiers de la restauration, de par leur nature, doivent avoir une autorité
économique à la hauteur du patrimoine qu'ils représentent. Mais dans ce domaine, comme
dans d'autres, on n'a que les élus que l'on mérite !
Réagir
"Le marché de la restauration est en pleine mutation. Les habitudes alimentaires
changent. De nouvelles formules sont offertes au public. Il nous faudrait investir pour
nous adapter à cette évolution. La qualité des produits que nous utilisons est
gravement mise en cause. Nous avons de plus en plus de difficultés à trouver un
personnel stable. Les jeunes ne veulent plus rentrer dans nos métiers, ou plutôt dans
nos galères, en raison des horaires et des salaires de misère que nous leur proposons.
Nous sommes lourdement taxés. Devant un tel tableau, faut-il démagogiquement inciter la
profession à jeter des ufs sur Bercy ou faire face aux problèmes ? Les
représentants des restaurateurs ont-ils exprimé l'inquiétude de la profession, ces
derniers jours, face au problème de la vache folle ? Non.
Il est plus que temps que les hôteliers et les restaurateurs montrent qu'ils sont des
chefs d'entreprise responsables de leur avenir. Ils doivent afficher clairement leur
volonté de dépasser les querelles de clocher. Ils doivent s'affirmer capables d'accepter
leur diversité et de répondre à la demande de leurs marchés. Pour cela, ils doivent
s'organiser autour d'une seule représentation professionnelle politique neutre,
fédérant, de façon paritaire, les entreprises de chaînes et les indépendants, les
discothèques et les bars. Les uns comme les autres pourront s'exprimer dans des collèges
spécifiques. Les hôteliers et restaurateurs exigeront que leur représentation soit
dotée d'une politique de défense de la profession et d'une stratégie pour la mener à
bien. Ils veilleront à ce qu'un programme de travail commun soit élaboré et conduit
dans les domaines de leurs préoccupations : la législation, la formation, l'emploi, la
fiscalité, la consommation, le paracommercialisme, la qualité des produits et des
services, la communication interne et externe, etc.
Ils éliront des représentants crédibles qui ne confondent pas réputation
professionnelle et opportunisme personnel, soucieux d'une utilisation efficace des
cotisations de leurs adhérents.On n'a rien sans rien ! C'est à ce prix-là et à ce
prix-là seulement que notre secteur d'activité retrouvera une évitable autorité. C'est
aussi au prix de l'engagement personnel de chacun dans cet objectif. Car, que nous soyons
issus de chaînes, de franchises ou que nous soyons indépendants, nous avons tous le
même souci d'exercer dans un environnement économique sain.
Qui que nous soyons, nous faisons le même travail, nous nous débattons avec les mêmes
difficultés, nous avons le même souhait de développer nos entreprises. Qui que nous
soyons, nous ne devons compter que sur notre engagement personnel résolu, pas sur celui,
incertain, des autres.
N'oublions surtout pas que même avec les élus que nous méritons, les résultats ne
seront qu'à la hauteur de notre engagement individuel."
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L'HÔTELLERIE n° 2695 Hebdo 07 Décembre 2000