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Manifestation
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Pour une baisse de la TVA sur la restauration

De très nombreux restaurateurs dans les rues parisiennes

Après avoir manifesté leur mécontentement un peu partout en région, les restaurateurs se sont donné rendez-vous à Paris le 16 octobre dernier, à l'appel de tous les syndicats patronaux. Ils étaient très nombreux à venir de la France entière pour faire entendre leurs revendications en matière de baisse de la TVA. Une mobilisation à l'échelle de la lassitude des professionnels face aux promesses non tenues des politiques.

Une brigade sous la pluie

"Nous sommes de jeunes employeurs qui en bavent"

Karine et Gaétan Marchand, la trentaine, sont hôteliers-restaurateurs à l'Aiguillon-sur-Mer en Vendée. Arrivés la veille au soir par le train, ils étaient, lundi matin, parmi les premiers arrivés sur la pelouse de Reuilly, porte de Charenton à Paris, lieu de départ de la manifestation des professionnels de la restauration, qui a rassemblé plus de 8 000 personnes. Les hôteliers, les restaurateurs, les cafetiers protestaient contre le refus de Laurent Fabius de réduire le taux de TVA de 19,6 % à 5,5 % (lire encadré p. 4). Dès 10 heures, sous leur grand parapluie vert et blanc, acheté un peu avant juste pour l'occasion, les Vendéens attendaient les consignes. Leur parka de couleur laissaient apparaître leur veste blanche. Le couple, inscrit à la section FNIH-Umih de Loire-Atlantique, exploite un hôtel-restaurant de 27 chambres et de 50 couverts/jour, et emploie 5 personnes. La manifestation parisienne signifiait deux jours de fermeture, soit un manque à gagner de 10 000 francs par jour. "Nous avons manifesté à Nantes il y a quinze jours environ, et nous n'avons pas hésité à venir à Paris. Et on le refera autant de fois qu'il le faudra car il n'y a que ce genre de rassemblement qui fonctionne", confiait Gaétan. "Nous sommes de jeunes employeurs qui en bavent", renchérissait Karine, avant de poursuivre : "On a vraiment trop de charges, la TVA c'est une chose, mais il faut aussi parler des charges sociales." Tout près d'eux, un restaurateur nantais ajoute : "L'annonce de Fabius, c'était pour nous couper les pattes." Un peu plus tard, Karine a chaussé des sacs plastiques, histoire de patienter le plus confortablement possible. L'arrivée progressive, en cars ou à pied, des manifestants de province a révélé une grande absence : les restaurateurs, hôteliers et cafetiers parisiens ont semblé préférer la chaleur de leurs établissements à l'humidité ambiante. Vers midi, sur la pelouse de Reuilly, les manifestants chauffent leur voix, à côté des grilles du premier cirque de France.
13 h 30, le cortège s'ébranle. Direction place de la Bastille via le boulevard Poniatowski et l'avenue Daumesnil. Les professionnels de la restauration sont regroupés par région. Les coups sur les casseroles résonnent, les slogans fusent. Karine et Gaétan sont sous la pluie depuis plus de 3 heures et sont souriants. Ils ont mangé un sandwich sur le parcours.
Vers 15 heures, tout le monde est rassemblé sur la place de la Bastille. C'est l'heure des discours. Sur le podium dressé du côté de la Seine, André Daguin, président de l'Umih, prend la parole :"Bercy nous a opposé des arguments irrecevables. La France est le pays qui reçoit le plus de touristes, mais elle est au 4e rang en ce qui concerne le chiffre d'affaires réalisé avec le tourisme. La différence tient dans les taxes qui dissuadent les touristes de consommer chez nous." Et de reprendre le discours du matin lors du point presse : "Toutes les formes de restauration ont une TVA de 5,5 % sauf la restauration traditionnelle. Il faut que notre métier s'adapte à la modernité. Nous constatons que l'on ne trouve plus de personnel. Il faut changer ces données. Mais avec une marge entre 2 et 3 %, les professionnels ne peuvent pas améliorer les salaires."

Délégation bredouille
Il est un peu plus de 16 heures. Cette fois-ci les manifestants vont au ministère des Finances à Bercy. Dix minutes à pied environ. La pluie tombe toujours. Aux abords de la gare de Lyon, la situation se corse. Les CRS, restés discrets jusque-là, font leur apparition, rue de Bercy. Pas question d'atteindre le ministère. La tension monte un peu. Assez pour que des œufs, des tomates, des melons pourris, des assiettes volent et s'écrasent sur les boucliers des forces de l'ordre et sur les fenêtres des bureaux. Pas assez pour que la situation dégénère vraiment. Par terre, des pétards explosent, des fumigènes roses, bleus se répandent. Venue demander audience, la délégation conduite par André Daguin revient bredouille. Reçue dans un couloir, elle s'est vue opposer une fin de non-recevoir : "Ils nous ont dit qu'ils n'avaient pas eu le dossier", s'exclame André Daguin.
Rue de Bercy, la manifestation est dans un cul-de-sac. Les gens sont énervés, fatigués et mouillés. Dans un dernier soubresaut, les événements prennent une tournure inattendue : le cortège quitte le trajet de retour initialement prévu, se dirige vers les quais de la Seine. Des poubelles sont déversées sur la chaussée. Des manifestants tentent d'y mettre le feu. En cinq minutes, plus aucune voiture ne bouge dans le tunnel entre Bercy et la gare de Lyon. Il est plus de 18 heures. Certains manifestants ont un train à prendre. Karine et Gaétan ont, eux, prévu de rester à Paris la soirée et de ne repartir que le lendemain matin. Ils le répètent : "Ils sont prêts à se mobiliser autant de fois que cela sera nécessaire." Mais, pour l'instant, les instances syndicales ont choisi de ne pas dévoiler leur stratégie à venir. "Il y aura des consignes au niveau des départements pour ne pas laisser retomber la pression", a simplement déclaré André Daguin lors du point presse, préférant sans doute jouer le mystère, au risque de laisser les manifestants sur leur faim.
L. Anastassion


"On a vraiment trop de charges, la TVA c'est une chose, mais il faut aussi parler
des charges sociales
" regrettent Gaétan et Karine Marchand.

 

 
André Daguin, sortant des
locaux de Bercy : "Ils nous ont
dit qu'ils n'avaient pas eu le dossier...
"


Les messages étaient partout : panonceaux, tee-shirts, homme-sandwich sur trottinette.

 
Quelques poubelles, quelques cageots ont bien pris feu...

 

 
Jacques Fréalle et Jean-Marc Le Carour

..
Jacques Thé manifestait lui aussi. Peut-être se souvenait-il de la première manifestation qu'il avait organisée en octobre 1995 sur le Champ de Mars... Depuis, rien n'a changé..


Jacques Jond était entouré d'une importante délégation de la Fagiht


Francis Attrazic, avec ses compatriotes de la région Languedoc-Roussillon.

En direct de l'Assemblée Nationale

Fabius, résolument contre la baisse de la TVA

Assemblée Nationale, séance du mercredi 11 octobre 2000. Question orale sur la baisse de la TVA dans la restauration.

M. Michel Bouvard - Ce matin en commission, Monsieur le ministre de l'Economie, les députés du RPR ont demandé comme ils le feront dans le débat budgétaire, que soit ramenée à 5,5 % la TVA sur la restauration (applaudissements sur les bancs du groupe RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La restauration traditionnelle est en effet une restauration populaire, avec 50 % des repas à moins de 50 F, 80 % à moins de 80 F. Aujourd'hui, la TVA à 19,6 % pénalise essentiellement les salariés qui veulent utiliser cette restauration, car les entreprises ont bénéficié d'un remboursement de TVA, ce qui souligne d'ailleurs l'incohérence du système. En outre, chacun constate les distorsions de concurrence qui en résultent sur le plan intérieur, face à la restauration rapide, et sur le plan extérieur face à nos concurrents touristiques européens.
Pour ce qui est du décret du Conseil d'Etat, qui vous donnait 6 mois pour régler cette distorsion de concurrence, nous avons appris qu'un arrangement était intervenu avec la commission sur la restauration collective d'entreprise. Nous nous en réjouissons, mais cela ne règle pas la question de fond. Quelles démarches le gouvernement a-t-il entrepris depuis le début de la présidence française, pour permettre enfin à la restauration française de bénéficier des mêmes avantages que le Portugal, lequel bénéficie d'une clause dérogatoire au niveau communautaire ? Il y va de l'avenir de la restauration française et de l'équité (applaudissements sur les bancs du groupe RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Laurent Fabius, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie - Sur l'arrêt du Conseil d'Etat, je peux vous rassurer : toutes les dispositions seront prises pour qu'il soit pleinement appliqué.
Le problème d'une réduction de 19,6 % à 5,5 % du taux de TVA sur la restauration est différent. Cette revendication d'une profession importante et qui connaît des difficultés, rencontre la sympathie sur tous les bancs. Mais elle se heurte à trois difficultés. La première est son coût, estimé à 20 milliards de francs.

Plusieurs députés RPR - La cagnotte !

M. le Ministre - Faut-il financer un tel sacrifice par une augmentation du déficit ou des impôts, ou en augmentant d'autres dépenses ? On ne peut pas faire comme si le problème financier ne se posait pas. En second lieu se pose un problème juridique. La liste des produits pour lesquels on peut établir un taux réduit de TVA figure dans l'annexe H de la sixième directive : elle ne comporte pas la restauration. Il est exact qu'une exception a été faite pour le Portugal : c'est qu'avant 1991, ce secteur bénéficiait du taux minoré de TVA, ce qui n'est pas le cas de la France. Vous demandez quelles initiatives a pris le gouvernement français. Nous avons pris contact avec nos collègues : ils ne partagent pas le souhait d'aller dans cette direction.
Il y a enfin une troisième question, qui se poserait même si l'on résolvait les deux autres - chose aujourd'hui impossible. Cette réduction de TVA serait-elle répercutée sur les prix des menus (applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste) ? Ma réponse, après entretien avec les responsables, est non. Ils nous ont dit que leur situation était difficile, et qu'ils souhaitaient une baisse de la TVA pour améliorer leur situation, ce qui permettrait des progrès sociaux. Leurs difficultés sont réelles, mais je ne pense pas qu'on puisse répondre par une baisse de la TVA dont chacun s'attendrait à ce qu'elle se répercute sur les prix (applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, protestations sur les bancs du groupe RPR, du groupe UDF, du groupe DL).

Ils ont dit

Jean-Marc Le Carour, Umih Bretagne
Nous sommes venus dire à Fabius qu'il nous mentait. La position qu'il vient de prendre est d'autant plus inacceptable que lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale, celui-ci nous a dit qu'il était très favorable à une baisse de la TVA dans notre secteur.

Henri Durand, restaurateur à Romorantin
La baisse de la TVA doit faire partie d'une politique globale pour la modernisation de la profession. Si nous mettions en place un vrai plan de formation, nous pourrions améliorer les salaires et les conditions de travail. Il faut aussi continuer de baisser les charges sur les bas salaires.

Franck Gomez, Umih Vaucluse
Cette journée, il y a longtemps qu'on aurait dû la faire. Elle doit être suivie de nombreuses revendications. En ce
qui concerne notre département, nous allons reconduire le principe du chèque de TVA rédigé sur papier libre. 300 entreprises devraient participer dans les semaines qui viennent.

Le patron de la Brasserie du Port, Valras Plage
On ne fait pas le tapin pour Jospin, ni pour les Américains. Il ne faut pas croire qu'on est là pour obtenir une TVA à 5,5 %. La TVA à 5,5 %, c'est un mode de restauration qui n'est pas le nôtre. Ce qu'on veut, c'est pouvoir exercer notre métier. Moi, je ne suis pas syndiqué. Et si je suis venu, c'est pour exprimer mon ras-le-bol et dire à l'Etat qu'il doit nous aider.

Jean-Claude Bozec, CPIH Vienne
On est là pour la TVA. Vous savez, on a calculé que chez nous, dans une entreprise qui emploie 4 personnes, on gagne 25 F de l'heure. Vous connaissez beaucoup de gens aujourd'hui qui acceptent de travailler pour 25 F de l'heure ? Quand l'Etat nous traite de nantis, c'est insupportable. Fabius devrait venir dans nos établissements pour voir comment cela fonctionne vraiment.

Mise au point du Snarr sur la TVA en restauration
Alors que la restauration traditionnelle manifestait pour demander une baisse de la TVA à 5,5 % pour ses activités, le Syndicat national de l'alimentation et de la restauration rapide rappelait à la presse les règles applicables en matières de TVA. "Toutes les prestations à consommer sur place, que ce soit en restauration rapide ou en restauration dite traditionnelle, sont soumises au taux normal de 19,6 %. De même, en restauration traditionnelle comme en restauration rapide, toutes les ventes à emporter sont assujetties au taux réduit de 5,5 %.
Il serait donc erroné de dire que la restauration rapide serait seule assujettie au taux réduit, ou pourrait bénéficier de taux forfaitaire.
S'il est vrai que le volume des ventes à emporter est plus important en restauration rapide qu'en restauration traditionnelle, ce n'est pas la fiscalité qui en est la raison, mais plutôt la nature des produits. Bien évidemment, si une mesure visant à soumettre les prestations à consommer sur place au taux réduit était prise, nous ne pourrions que nous en féliciter. En effet, sa répercussion sur les prix de vente ne pourrait que contribuer à l'augmentation de la fréquentation des établissements de restauration, et concourrait
à un accroissement des emplois offerts dans ce secteur d'activité."

 

Contre la manif du 16 octobre

"Il faut aller beaucoup plus loin"

"Nous ne sommes pas dans le showbiz. Manifester ? Oui ! Nos compatriotes transporteurs n'ont pas obtenu gain de cause en se promenant de Bastille à Nation, selon un parcours choisi par la préfecture de police pour son manque de valeur stratégique et c'est bien connu, utilisé régulièrement par toutes sortes de revendications dont personne ne s'occupe. Il faut agir comme les routiers, provoquons des blocages gênants. Il en va de notre survie. Je ne serai pas à Paris. Je ne veux pas faire du tourisme pour défendre nos arguments. Bloquons le tunnel de Saint-Cloud ou les portes importantes de la capitale. Bloquons les fonctionnaires de Bercy. Renvoyons nos cartes d'électeur. Je refuse de participer à un défilé de mode, même en tenues d'apparat, dans une rue déserte de Paris. J'ai trop de respect pour le costume que je porte plus de 15 heures par jour."
Un restaurateur vendéen, membre des Cuisineries Gourmandes, qui a refusé de participer à la manifestation.


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L'HÔTELLERIE n° 2688 Hebdo 19 Octobre 2000


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