10e concours du Meilleur sommelier du Monde au Canada
Coiffé sur le fil au Japon, il y a 5 ans, le sommelier de chez Lenôtre a mené à bien son retour sur la scène internationale avec l'indiscutable succès d'un professionnel, mais aussi d'un homme qui a fait l'unanimité. Une belle histoire et le début d'une gloire qu'il faudra apprendre à gérer.
Le candidat français et futur vainqueur de l'épreuve
Huit ans d'attente marquée
par deux échecs (à Tokyo, en 1995, et à Vienne, en 1998) ont donc pris fin samedi
dernier dans les salons de l'hôtel Hilton-Bonaventure de Montréal. Oubliée la deuxième
place d'Eric Beaumard sur le sol autrichien, et plus encore celle d'Olivier Poussier au
pays du soleil levant. Car au Canada, ce dernier, sommelier de 36 ans au sein du groupe
Lenôtre, a mis les choses au point à l'issue d'un concours exceptionnel à plus d'un
titre.
Parce qu'il réunissait pour la première fois les représentants de 35 pays, de
l'Allemagne, avec Jurgen Fendt, au Venezuela, avec Dayana Medina, celui-ci découvrait le
continent nord-américain et comptait plus de prétendants à la victoire qu'il n'y aurait
de places disponibles pour la finale. "Le plus dur, c'était d'abord d'atteindre
ce dernier carré", avouait le candidat français. Juste avant de reconnaître
que, finalement, l'accès à la sélection, face à Eric Beaumard, avait déjà constitué
"une sorte de finale avant la lettre".
Ce dernier carré, le Meilleur sommelier de France 1989-1990 l'a atteint au terme de deux
jours d'épreuves de sélection disputées d'abord à Québec, dans les salons de l'hôtel
Loews-Concorde, puis à Saint-Adèle, dans les locaux de l'école hôtelière des
Laurentides.
Le concours a ainsi débuté par une épreuve écrite comprenant 60 questions ouvertes sur
la connaissance des vignobles du monde tant sur le plan des cépages que des
réglementations, mais aussi sur l'approche des spiritueux, bières, liqueurs, cidres,
eaux, thés et cigares, sans oublier les principes qui régissent la dégustation. Les 35
engagés ont justement poursuivi avec des épreuves de dégustation à l'aveugle,
d'harmonisation des mets et des vins, et enfin de service. Un enchaînement créateur
d'une tension qu'Olivier Poussier n'a pourtant jamais laissé apparaître.
Une confiance discrète
Confiant, celui qui s'est fait une réputation d'homme de terrain, le plus souvent
possible au contact des vignerons, n'a jamais rien laissé apparaître des certitudes qui
l'habitaient. Pourtant, rien ne lui a été épargné au moment d'annoncer dans l'ordre
croissant des numéros qui leur avaient été attribués afin d'assurer le plus grand
anonymat. Il a été appelé en dernière position, après qu'Alain Bélanger (Canada),
Paolo Basso (Suisse) et Hiroshi Ishida (Japon) soient sortis du rang pour rejoindre
l'Italien Guiseppe Vaccarini, président de l'Association de la sommellerie
internationale, et le Canadien Jacques Orhon, Canadien d'adoption et cheville ouvrière de
l'organisation de ce concours.
La suite fut d'abord une prestation de tout premier ordre du Français. Face à
Jean-Pierre Ferland, le chanteur québécois, et Diane, sa compagne, transformés en
clients d'un prestigieux restaurant, il a réussi le tour de force d'alterner étapes
classiques et originales dans un tour du vignoble mondial destiné à accompagner un repas
de fête. Il a déjoué les pièges, comme 'l'allergie' aux tanins du vin de sa cliente,
ou la préférence pour un fromage de chèvre plutôt que pour le comté affiné 18 mois
de son époux. "Jusqu'au dernier moment, dans la chambre de l'hôtel, j'ai essayé
avec quelques amis d'imaginer où se cacheraient les difficultés inattendues pour savoir
comment y faire face. Ainsi, si la cliente n'avait pas voulu de vin du tout, je lui aurais
proposé de marier divers thés avec ses plats..."
Vainqueur aussi à l'applaudimètre
De l'apéritif, bien français et bien pétillant, à l'eau minérale, canadienne cette
fois, il n'a rien oublié, faisant preuve d'aisance, d'humour même, de savoir et d'un
phénoménal talent à faire partager à l'avance les futures émotions provoquées par le
vin. A l'applaudimètre, devant plusieurs centaines de spectateurs passionnés, Olivier
Poussier avait déjà gagné !
Pour la petite défaillance, il parlera lui-même de "trou noir", connue
ensuite au moment de corriger des erreurs sur une carte des vins et qui n'aura pour seule
conséquence que de ménager l'ombre d'un minuscule suspense. Sacré devant le très
prometteur candidat suisse, alors que les autres finalistes terminaient ex æquo à la
troisième place, Olivier Poussier pouvait laisser éclater sa joie. Celle d'un homme ému
aussi sain que simple. Un compétiteur dans l'âme aussi qui avait pourtant fait son choix
bien avant le début de l'épreuve. "Ce concours, c'est le septième, ce sera
aussi le dernier. Je ferai tout pour le terminer brillamment. Mais si les autres sont plus
forts..."
Une sagesse balayée depuis qu'une sorte de tempête médiatique a commencé à s'abattre
sur lui. "Je ne sais pas ce qui m'arrive, jamais je n'aurais imaginé cela",
avouait-il à quelques heures d'atterrir à Roissy, lundi matin. Et pourtant, il était
encore loin d'envisager ce qui l'attend jusqu'au prochain concours, en 2003.
J. Bernard
Portrait express
Olivier Poussier est né le 27 avril 1964. Après une formation scolaire spécialisée, il
a affirmé son goût pour le vin au restaurant Connaught, à Londres, puis chez Ledoyen à
Paris, avant d'intégrer le groupe Lenôtre en exerçant son métier au Pavillon Elysée,
puis en tant que chef sommelier spécialisé dans les achats et les services de prestige.
Marié à Sylvie et père de deux enfants, Thibaud et Eva, il rêve aujourd'hui de
redonner à sa vie familiale l'équilibre établi, jusqu'à il y a deux ans, avant qu'il
ne prenne la décision de se lancer une nouvelle fois dans la préparation du concours et
ne se mette à courir la France, mais aussi le Monde, de la Californie à la Slovénie, en
passant par le Portugal ou l'Autriche.
Il est bien entendu membre de l'Union de la sommellerie de France et en particulier de son
association parisienne.
Une année tricolore
L'année 2000 restera dans les annales internationales comme un millésime exceptionnel
pour la sommellerie française. Car le succès d'Olivier Poussier n'est pas le seul à
avoir braqué les projecteurs sur les professionnels du vin de l'Hexagone. A la veille de
l'été, en effet, Franck Thomas s'était illustré à Reims en remportant le trophée
Ruinart du Meilleur sommelier d'Europe.
Ce dernier devrait d'ailleurs participer aux sélections nationales pour le concours de
2003 aux côtés d'Eric Beaumard et Eric Duret.
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Rendez-vous aux Etats-Unis en 2003
Après le Canada, cette année, le continent nord-américain retrouvera le concours du
Meilleur sommelier du Monde en 2003. L'association des Etats-Unis a décroché la lourde
charge d'organiser un événement qui devrait conduire concurrents et délégations en
Californie, pour une visite du vignoble, puis à Philadelphie (Pennsylvanie) pour les
épreuves.
Olivier Poussier accompagné de ses parents.
La délégation française au comble du bonheur !
Reconnaissant à l'égard de ses confères, pour la plupart amis, qui n'ont cessé de le soutenir mais aussi de l'aider à se préparer, Olivier Poussier n'a pas manqué de les citer dans les minutes qui ont suivi son sacre mondial. Didier Bureau, le plus proche de lui, a tenu un rôle de confident, mais aussi de préparateur psychologique. Franck Thomas et Dominique Laporte ont mis à son service leur passion des concours. Antoine Zanetto a établi des fiches techniques sur les cigares, et Jean-Luc Jamerowik d'autres sur les portos, madères et whiskies. Philippe Faure-Brac et George Pertuiset ont partagé avec Olivier Poussier leur expérience professionnelle, alors que l'ensemble de la profession n'a pas ménagé encouragements et témoignages de sympathie.
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L'HÔTELLERIE n° 2687 Hebdo 12 Octobre 2000