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Avant les J.O., ils ont choisi Sydney

Jean-François Mesplède


Meyjitte Boughenout, Guillaume Brahimi, Jacky Ternisien, Sylvain Depuichaffray,
et Olvier Rossi ont choisi de travailler à l'étranger, en Australie

Guillaume Brahimi, 32 ans, depuis 10 ans en Australie

Pendant deux ans élu Meilleur chef français de Sydney au restaurant Quay, Guillaume Brahimi vient de partir à la suite d'un désaccord financier avec son associé à qui il souhaitait racheter l'affaire. Ce restaurant est déjà retenu pendant la durée des Jeux olympiques par le comité d'organisation pour accueillir les pontes du CIO et les chefs d'Etat en visite en Australie. En attendant de rebondir, Guillaume est désormais consultant.

Le parcours
"Apprentissage à 14 ans au Charpentier, rue Mabillon à Paris, à la Tour d'Argent (3 ans avec Dominique Bouchet), ouverture du Moulin de Marcouze à Cognac avec le même chef, et chez Jamin (3 ans avec Joël Robuchon).
Après avoir travaillé avec Robuchon, on est trop imprégné par sa façon de faire et il est difficile d'aller dans un autre 3 étoiles. C'est ce qui m'a poussé à choisir l'Australie. Je n'ai pas voulu me rendre aux Etats-Unis où tout le monde allait. Je suis venu ici, me suis marié avec une Australienne, j'ai mon passeport australien et je ne repartirai pas. Je suis très fier d'être français et je me considère comme un ambassadeur de mon pays. J'essaie de donner une bonne image de la France.

L'arrivée à Sydney
Le choc, c'est la qualité de vie. En dix ans, j'ai vu des progrès extraordinaires au niveau des produits. Le poisson est aussi bon qu'en France, la viande est fantastique. Le seul problème est qu'il n'y a pas assez de monde, ce qui rend très difficile l'ouverture d'un restaurant.

La restauration à Sydney
En ce moment, la restauration en Australie est en plein boum avec de nombreux articles dans les journaux. Les chefs australiens, à Sydney en particulier, sont à la mode : je fais des publicités et j'ai même signé un contrat avec Dary Farmer, un distributeur de lait pour la télévision.

Choisir l'Australie
Ce qui m'est arrivé en Australie aurait pu m'arriver en France, mais cela aurait demandé plus de temps. La compétition est moins dure en Australie et le travail paye. Je pense qu'un jeune très motivé peut venir ici à condition de ne pas faire le fanfaron, de considérer que les Australiens sont des connaisseurs et fréquentent les grandes maisons aux Etats-Unis et en France. Il faut savoir rester humble, même s'il est bien d'apporter ses connaissances. J'ai apporté ici ma façon de travailler, je me suis adapté aux produits australiens. Si un jeune vient ici, tout dépend de ce qu'il veut faire, mais il faut un solide bagage et bien connaître son métier. Je crois qu'on a de la chance d'être dans ce pays. Il y a une compétition, mais elle est très saine, et c'est le meilleur moyen de continuer à progresser.

Aujourd'hui
Après avoir quitté Quay à la suite d'un désaccord avec mon partenaire, j'ai choisi provisoirement une voie de consultant dans le club le plus privé de Sydney, le Tattersal's Club, en attendant de rebondir dans la restauration et de reprendre une affaire. Les offres sont nombreuses, mais les prix sont élevés et je préfère donc me décider après les Jeux."

Sylvain Depuichaffray, 29 ans, en Australie depuis 1998

Sylvain est pâtissier, il est passé dans d'excellentes maisons avant de partir pour l'Australie : La Feniere à Lourmarin, Le Jardin des Sens à Montpellier et Alain Chapel à Mionnay

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Le parcours
Apprentissage chez Jacques Depeyre (ex-Chapel, Meneau, Manière et Guérard). Ensuite : Thoissey Chez Paul Blanc (1 an), Paris (Relais Louis XIII, Taillevent, Palais de l'Elysée), Monaco chez Alain Ducasse (chef de partie, 3 ans), Eugénie-les-Bains chez Michel Guérard (sous-chef, 2 ans).

Pourquoi l'Australie ?
C'est une sorte de pari avec Hélène ma femme, et mon fils Enzo, pour voir autre chose et parfaire mon anglais. Bien sûr, il faut s'adapter car c'est vraiment un autre univers, mais ici les gens sont ouverts, accueillants avec un très bon état d'esprit. On se sent bien et je ne regrette pas d'être venu en Australie. Le problème majeur reste cependant le personnel de salle ou de cuisine qui, dans l'esprit, est porté sur le changement. Il est donc très difficile de garder une brigade stable... mais c'est à nous de nous adapter.

Un jeune à Sydney ?
Pour venir en Australie, il est préférable de connaître l'anglais... ce qui n'était pas mon cas. Il faut avoir aussi une réelle motivation. On croit que c'est le bout du monde, mais ce n'est après tout qu'à 24 heures d'avion de la France et c'est un tout autre univers. Avec le recul et pour m'être acclimaté, je crois que c'est une expérience à faire et quelque chose de très intéressant.

Olivier Rossi aime l'état d'esprit

Originaire du Sud-Ouest, Olivier, 32 ans, est installé à Sydney depuis 1998. En 1999, il ouvre son propre restaurant, le Bocca, à Bondi Beach (site du beach-volley aux jeux de Sydney). Il y propose une cuisine méditerrannéenne avec des menus compris entre 259 et 300 francs. "En règle générale, les produits sont de très bonne qualité : poissons, légumes et agneau qui vient de Nouvelle-Zélande"

Le choix
Après Mionnay, je voulais aller à l'étranger. Je m'embarquais sur l'Asie, puis j'ai été contacté pour aller à Sydney et, comme j'en avais de bons échos, j'ai fait ce choix là. J'ai obtenu un permis de travail pour deux ans, avec un sponsor... ce qui limite les possibilités (Travail à Ampersand, puis à Reds dans le quartier des Rocks, avant de travailler au restaurant Aria).

Une terre d'accueil
Sydney est une ville agréable. Quand on travaille, on travaille... mais quand j'ai mes jours de congé, j'ai l'impression d'être en vacances. Je n'ai pas encore fait le choix d'une installation définitive en Australie. C'est un bon pays pour s'établir, mais je ne sais pas si je le ferais.
Pour un pâtissier, ce n'est pas très évident car j'ai le sentiment qu'ici les gens ne sont pas trop desserts. Ici, quand on fait 50-55 %, c'est très bien. Il faut donc s'accrocher, se battre... même si je me suis éclaté en réalisant ma carte en utilisant les produits locaux... mis à la sauce française.

Aujourd'hui
J'ai trouvé une place de chef pâtissier au restaurant Aria, sur la promenade qui mène à l'opéra. C'est le restaurant haut de gamme très en vogue de Sydney. Je travaille avec un jeune chef australien, Mathew Morans, et tout se passe très bien.

Jacky Ternisien, un précurseur

Après un apprentissage des plus classiques dans la "plus vieille auberge de France", La Couronne à Rouen, Jacky Ternisien a débarqué à Paris, mais ne s'est jamais adapté à la ville. A 20 ans, il décide de s'exiler au Canada. Suivent le Brésil (Méridien), la Guyane Française, le Canada à nouveau (au Regent de Toronto) et... l'Australie et Sydney.

L'Australie, première !
Lorsque je suis arrivé à Sydney en 1982 pour faire l'ouverture du Regent, j'étais le seul chef français dans un hôtel 5 étoiles. Les autres étaient Suisses, Autrichiens, Allemands, Suisses-Allemands. Maintenant, il y a une majorité de chefs français dans les hôtels (Ritz, Carlton, Nikko, Marriott, Sheraton) et il y a également de nombreux chefs français, dont certains se sont établis dans des restaurants. Il y a quelques années, à cause des essais nucléaires, la France avait perdu sa popularité. Aujourd'hui tout est rentré dans l'ordre et la majorité des revues encouragent un retour à la cuisine française.

Le voyage, encore...
J'aime voyager. En 1987, j'ai donc quitté Sydney pour Monte-Carlo, puis Singapour (au Regent bien sûr), et je suis revenu à Sydney en 1991 pour assurer l'ouverture de l'hôtel Ana (5 étoiles) où je suis chef exécutif. Là, par contre, c'était définitif.
Je suis marié à une Française, nous avons acheté une petite maison et c'est ici que nous finirons notre vie. Je suis Français, Canadien et Australien, mais je me sens profondément citoyen d'Australie. Sydney est magnifique, les gens sont charmants et le climat est fantastique.

Un jeune à Sydney ?
S'il est passionné de voyages, je lui conseillerais bien évidemment de venir en Australie. Les gens comme moi qui ont voyagé, surtout dans les hôtels, décident, lorsqu'ils y arrivent, de rester à Sydney qui est une ville idéale pour le travail et la vie sociale. Avant d'arriver ici, il faut cependant que le jeune ait été formé et qu'il ait obtenu un contrat de travail. La démarche est un peu plus longue, mais c'est la plus sûre. S'il est sponsorisé et que l'employeur n'est pas content de lui, il ne lui reste qu'à retourner en France. A Sydney, la restauration a beaucoup progressé, les produits sont d'excellente qualité et on enregistre beaucoup d'ouvertures de restaurants : un jeune peut y trouver naturellement sa place.

 

Meyjitte Boughenout restera à l'étranger

Meyjitte a 30 ans et vit en Australie depuis 1995. Un an après avoir quitté sa place de chef Chez Claudine's
(Claudine Dalco) pour un nouveau restaurant du quartier de Mosman, il vient de mettre le cap sur Singapour.

La trajectoire
Je suis né à Annecy et, à 14 ans, je suis entré à l'école hôtelière de Bonneville. Ensuite, j'ai travaillé dans quelques belles maisons : à l'Auberge du Père Bise à Talloires, chez Georges Blanc à Vonnas, chez Jacques Pic à Valence, et chez Gagnaire à Saint-Etienne. Ensuite j'ai voulu partir de France pour voir ce qui se passait à l'étranger. Le 1er juillet 1995, je suis arrivé par accident en Australie et je n'en suis jamais reparti.

Le choix
J'avais fait une demande pour les Etats-Unis : elle n'avait pas abouti sous prétexte qu'il y avait déjà trop de chefs français là-bas. Comme je ne voulais pas aller en Asie, je me suis retrouvé en Australie en n'ayant aucune idée de ce qui m'attendait. Je savais simplement qu'il y avait une influence anglaise et certainement quelque chose à faire. Au début c'était assez difficile et moins développé que maintenant. C'était vraiment très différent, mais la venue de nombreux chefs européens a changé les choses.

La découverte
Quand on arrive, on prend une bonne claque. Le travail n'est pas très professionnel et, si l'on veut rester, il y a un bon marché pour des gens qui ont envie de s'imposer et de prouver qu'il y a un autre système à suivre. Ici, les jeunes sont prêts à faire le pas et à travailler. Ils sont motivés, ils sont durs à trouver, mais lorsqu'ils arrivent, ils vous écoutent. C'est pour cela que je suis resté : il y avait des choses à faire en repartant de zéro. C'est ce qui est motivant et qui incite à se poser.

Travailler à Sydney
Un jeune Français qui a envie de venir vivre en Australie doit avoir une très grande motivation professionnelle, être passé par de belles maisons en France pour savoir de quoi il parle lorsqu'il se retrouvera à la tête d'une cuisine ou d'une maison. Les patrons investissent, mais n'ont pas une idée réelle du métier. Ils pensent la plupart du temps que c'est le chef de cuisine ou le maître d'hôtel qui vont faire le travail. C'est ce qui m'incite à penser qu'il y a une grosse part de marché pour des jeunes motivés qui doivent avoir appris la rigueur, la discipline et le professionnalisme. Si c'est le cas, je leur dirais de venir ici car il y a un gros potentiel.
Pour un jeune, la voie à suivre est de travailler avec quelqu'un qui a envie de vous pousser vis-à-vis des journalistes, de jouer sur votre nom et de vous donner de bonnes conditions de travail.
Dès que votre réputation est là, vous avez d'autres contacts. Ouvrir un restaurant ici coûte moitié moins cher qu'en France, mais il faut déjà s'être fait un nom.

L'avenir
Aujourd'hui j'ai la double nationalité, ce qui rend les choses un peu plus faciles. Bien sûr, j'ai toujours la nostalgie de la France, je l'ai dans le cœur, je m'intéresse à ce qui s'y passe... mais je ne pense pas, pour l'instant, que je retournerai y vivre. Je ne sais pas si je resterais à Sydney ou en Australie, mais à l'étranger, oui, définitivement.


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L'HÔTELLERIE n° 2683 Supplément Formation 14 septembre 2000


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