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Lyon

Les Sibuet s'installent à la Cour des Loges

Après Megève et Menerbes où elle vient d'ouvrir la Bastide de Marie à Lyon, la famille Sibuet s'offre un pied-à-terre dans l'ancienne capitale des Gaules, en prenant le contrôle de la Cour des Loges.

Dans le quartier Saint-Jean-de-Lyon - partie intégrante du secteur classé Site mondial de l'humanité par l'Unesco -, la Cour des Loges est un véritable joyau. L'aventure de cet hôtel débute en 1984 lorsque Hélène et Jean-Luc Mathias se portent acquéreurs de 4 immeubles des XIV, XVI et XVIIIe siècles (1).
En février 1987, avec une direction confiée à Jean-François Piques, ancien de l'hôtel Crillon où il a passé 15 ans avant de prendre la direction du Palais Jamaï de Fez, la Cour des Loges ouvre une première tranche de 15 chambres. Un an plus tard, c'est la même chose pour un ensemble - 53 chambres et 10 suites - opérationnel en octobre 1988... Dans la foulée, Jean-Luc Mathias, désireux de créer le Groupe des Loges, se porte acquéreur de l'Hôtel du Mont-Blanc rebaptisé Les Loges du Mont-Blanc et du Parc des Loges à Megève. Ces deux établissements seront revendus aux époux Sibuet dont la route croise déjà celle des Mathias.
Au printemps dernier, un contact très sérieux est établi sur la Cour des Loges. S'il jouit d'une belle réputation à l'étranger, l'hôtel ne voit pas son TO véritablement décoller. A l'évidence, il manque un souffle nouveau que Jean-Louis Sibuet se dit prêt à donner. En juillet, et sur la base de 20 MF, l'hôtel change de main (2).
Pour l'Hôtellerie, le nouveau propriétaire situe ses ambitions lyonnaises et définit sa conception du métier d'hôtelier...

L'Hôtellerie : Vous venez d'ouvrir les Loges de Marie à Menerbes dans le Lubéron et vous voici également à Lyon. Qu'est-ce qui vous a incité à choisir cette ville ?

Jean-Louis Sibuet : En fait, c'est une volonté de diversification de sites et de produits. A Megève, nous avons lancé une ligne de cosmétiques et, à Menerbes, j'ai pu enfin réaliser mon souhait de posséder ma vigne : une quinzaine d'hectares autour de l'hôtel, avec pour objectif d'en posséder une trentaine d'ici 2 ou 3 ans et de produire 100 000 bouteilles. Nous venons tout juste de commercialiser les 10 000 bouteilles de la première récolte de la Bastide de Marie. Là encore, nous avons capitalisé sur le nom mais, à Lyon, l'hôtel restera la Cour des Loges. En fait, je dirai que nous sommes venus à Lyon par défaut, car je cherchais depuis longtemps quelque chose à Paris qui n'a pu aboutir.
J'avais déjà repris le Parc des Loges et le Mont-Blanc à Jean-Luc Mathias et une opportunité s'est présentée. C'était l'occasion de pérenniser financièrement l'entreprise avec une rentabilité régulière. Avec l'hôtellerie saisonnière, et même si nous tournons à 90 % de TO en période d'ouverture, la régularité n'est pas toujours évidente...

L'H. : Contrairement à vos autres affaires où vous possédez murs et fonds, à Lyon vous vous êtes contentés du fonds. Est-ce un choix délibéré ?

J.-L. S. : Disons que le rachat des murs n'est pas à l'ordre du jour. Nous avons investi autour de 20 MF pour le fonds, ce qui n'est déjà pas si mal... Mais nous avons pu le faire parce que l'hôtel ne tournait qu'à 45 % de son TO avec des chutes autour de son 10 % durant le week-end ! Même si nous devons le redynamiser, la Cour des Loges correspond tout à fait à la philosophie de nos établissements : le charme, l'art de vivre, le côté hôtel qui bouge à l'exemple du bar du Lodge Park devenu "l'endroit" de Megève. J'ai été séduit par les cours intérieures, les vieilles pierres, les plafonds à la française et les volumes. Cet hôtel dispose d'un potentiel énorme et, davantage qu'un rachat des murs, l'ordre du jour est de le reconceptualiser suivant les demandes de la clientèle. Je mise sur une hôtellerie traditionnelle avec du charme mais aussi du confort technique. Quand je suis dans un hôtel, j'aime me dire que c'est celui où il faut être, certains diront qu'il est branché. Nous avons à travailler dans ce sens-là et un programme de rénovation dans certaines parties du rez-de-chaussée a été élaboré avec une enveloppe de 2 MF.

L'H. : Le changement portera-t-il aussi sur l'équipe en place ?

J.-L. S. : Georges-Eric Tischker cumule les fonctions de p.-d.g. et de directeur, c'est-à-dire qu'il sera très souvent présent à Lyon. Pour l'instant, Jean-François Piques est là... mais il est certain qu'il va falloir bouleverser un peu les habitudes. J'entends aussi redynamiser la restauration, ce qui explique que Nicolas Lebec, notre "chef des chefs", sera davantage impliqué à Lyon. Entendez-moi bien : nous n'avons pas la volonté de décrocher un macaron au Guide Rouge, mais nous devons trouver notre voie culinaire. A l'automne, tout pourrait être en place et je vous avoue que j'espère faire bouger tout ça. L'image de la Cour des Loges reste forte à l'étranger. Nous avons un endroit de charme et notre but est de faire ce qui n'a jamais été fait pour cet hôtel : un vrai travail de commercialisation et de communication. En fait, nous allons aller à la pêche aux clients.

L'H. : Les clients justement. Pensez-vous que vous aurez la même clientèle qu'à Megève ou Menerbes ?

J.-L. S. : Disons qu'au sein de la Compagnie des Hôtels de Montagne, qui regroupe tous nos établissements, il existera une synergie. Je n'ai pas de raison de douter que le triangle Megève-Menerbes-Lyon fonctionnera bien ! Nous disposons d'un fichier de 8 000 clients qui avaient tous envie d'aller en Provence. Qu'en sera-t-il pour Lyon qui est plutôt une ville d'affaires ? Il faut avoir de nouvelles visions avec un tourisme qui peut se développer et l'on peut imaginer que demain les gens auront envie de venir passer un week-end dans cette ville.

L'H. : Vous venez coup sur coup d'investir à Menerbes et à Lyon. Vous évoquiez Paris et une possibilité d'implantation dans la capitale. Ne pensez-vous jamais à marquer une pause ?

J.-L. S. : Ce qui me passionne, c'est quand même le développement hôtelier. Je vois l'hôtellerie à travers ce développement et dans la création de concepts différents dans chaque hôtel. Lorsque l'on est constructeur et que l'on a mis un doigt dedans, il est très difficile de le retirer. En fait, ce sont plutôt les banquiers qui s'affolent un peu et aujourd'hui c'est là qu'est le problème. L'idée de Paris, où j'ai un projet de concept, n'est pas abandonnée mais c'est inachetable aujourd'hui. Alors on garde l'idée et on avance avec nos moyens.

L'H. : Vous avez pourtant démontré que l'on pouvait vendre du luxe et que la crise ne touchait pas ce secteur...

J.-L. S. : Vous venez de prononcer un mot dont j'ai horreur. Il y a dans le luxe un côté ostentatoire qui me déplaît. C'est à chacun qu'il appartient de trouver son luxe. Notre réelle volonté n'a jamais été de miser sur un côté luxueux, mais sur une hôtellerie familiale avec des espaces assez grands... ce qui ne se faisait pas il y a une dizaine d'années. Mon but est de faire des hôtels avec un rapport qualité/prix correspondant à un réel pouvoir d'achat des clients que l'on a ciblé. La notion de prix moyen est très intéressante pour un hôtel de chaîne, elle ne veut rien dire dans une hôtellerie comme la nôtre : nous nous adaptons à ce que le client est capable de payer le jour J. Je reste persuadé que nos prix sont raisonnables : aux Fermes de Marie, une chambre de plus de 30 m2 est vendue 2 800 F l'hiver, en demi-pension pour deux personnes, et ces 1 400 F par personne me semblent raisonnables.

L'H. : Cela fait 10 ans que vous avez créé le premier maillon de votre chaîne. Si c'était à refaire ?

J.-L. S. : Nous ferions la même chose. Je me réjouis de ce côté constructeur, avec un projet qui en appelle un autre. Je ne suis pas boulimique, mais je n'arrive pas à me satisfaire de travailler sur un unique projet. Lorsqu'il est en place, je pense déjà à ce que je ferai après. Notre but n'est pas d'être à la mode mais d'être dans le coup. Le concept pour moi, c'est de me mettre dans la peau du client en essayant de définir ce dont il a envie. Lorsqu'il descend chez moi, j'ai envie qu'il puisse se dire : c'est bien là qu'il fallait être.

(1) En fait, s'ils sont propriétaires d'un fonds qu'ils ont créé, les Mathias partagent, avec une cinquantaine d'investisseurs regroupés en SCI, la propriété des murs que n'ont pas racheté Jocelyne et Jean-Louis Sibuet.
(2) Jocelyne et Jean-Louis Sibuet détiennent 70 % des parts et Georges-Eric Tischker, ancien propriétaire des Taxis Bleus à Paris, en détient 30 %. C'est ce dernier qui a été nommé p.-d-g et directeur de la Cour des Loges.

En dates
Avec des parents hôteliers à Megève (Le Fer à Cheval aujourd'hui, exploité par son frère), la voie de Jean-Louis Sibuet était toute tracée. Passé par l'école hôtelière de Thonon, il s'installe au Coin du Feu il y a 20 ans. La véritable aventure débute voici 10 ans avec son épouse Jocelyne aux Fermes de Marie. A 44 ans, Jean-Louis Sibuet est désormais à la tête de 7 affaires qui emploient 250 salariés en pleine saison pour 250 chambres en 4 étoiles. L'objectif avoué est un CA de 100 MF sur le prochain bilan.

 


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L'HÔTELLERIE n° 2680 Hebdo 24 Août 2000


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