L'Auberge de la Belle Route
Depuis vingt-deux ans, François Issautier pratique l'une des meilleures cuisines des Alpes-Maritimes. Seule ombre au tableau : il est implanté sur la plaine du Var, un emplacement dénigré par les professionnels et les Niçois. Ce sont les touristes qui constituent l'essentiel de sa clientèle.
Anachronisme complet dans
l'appellation même de l'établissement. Situé dans l'un des secteurs géographiques les
moins touristiques des Alpes-Maritimes (06), l'Auberge de la Belle Route borde la
nationale 202. Une six voies réputée dangereuse qui conduit à Digne et Grenoble, mais
aussi à la quasi-totalité des stations de ski du département. Pourtant, les usagers de
cette voie rapide ne constituent pas l'essentiel de la clientèle de François Issautier.
Les plus fidèles sont les touristes conduits dans ce restaurant par les guides
gastronomiques. L'Auberge de la Belle Route affiche 2 étoiles au Guide Rouge, 2 au
Gault & Millau, et 2 au Bottin Gourmand. Un excellent résultat pour ce
chef qui ne bénéficie pas d'un emplacement très favorable, surtout aux yeux de la
clientèle locale. "Les Niçois ne sortent guère. Ils n'aiment pas que l'on
quitte les sentiers battus et restent prisonniers d'a priori ridicules, regrette le
chef. Je me trouve à 18 km du centre de Nice, alors pourquoi parler d'éloignement ?
Saint-Paul-de-Vence est bien plus décentré." En 1978, quand François Issautier
quitte le restaurant familial de Saint-Etienne-de-Tinée, un bourg de montagne, c'est
parce qu'il se trouve "à l'étroit". Secondé par son épouse Nicole,
elle-même fille d'hôteliers stéphanois, il veut "exploser" et choisit
la plaine du Var. Ce lieu considéré comme un passage obligé est déjà fortement
décrié, parce qu'appelé à devenir une concentration de zones industrielles et
commerciales. Rien ne permet de l'assimiler à un lieu de détente. Le couple relève
pourtant le défi.
Les époux Issautier s'emploient à aménager la grande salle à arcades, avec mise en
valeur des baies vitrées et de la cheminée, choix d'un mobilier Louis XIII et de
quelques belles pièces provençales, d'une harmonie de rouge, de blanc et de grège... La
climatisation ne tarde pas. L'image de la maison est résolument campée : François
Issautier y met en place une carte de quinze plats et deux menus gastronomiques, encore en
vigueur aujourd'hui, à 270 et 540 F. Pas de noms pompeux, mais un choix scrupuleux parmi
des produits très authentiques : la clientèle ne s'y trompe pas.
Un mur antibruit de 3 mètres de haut
En 1982, le patron fait construire un mur antibruit de 3 mètres de haut - aujourd'hui
entièrement recouvert de feuillage -. "Cela permet de prendre apéritifs et
cafés en terrasse, précise François Issautier, mais en aucun cas un repas. De
toute façon, je n'ai jamais apprécié de servir en extérieur, à cause des poussières
naturelles et des insectes. Un repas doit se savourer avec concentration. Je préfère
vraiment une salle cossue et climatisée à n'importe quel jardin !" François
Issautier sait également s'adapter. Lors de la crise, il n'a pas hésité à lancer un
menu gastronomique intermédiaire à 340 F, et aussi à réduire l'effectif de 14
salariés à 10 (toujours avec une forte majorité féminine). Aujourd'hui son restaurant
d'une capacité de 35 couverts en sert en moyenne 25 par service. Les touristes ne
paraissent pas gênés par l'environnement et constituent toujours les plus fidèles
habitués de la maison. Résultat, le taux de croissance est resté stable, même en
période de crise, et affiche de nouveau une nette progression depuis 1996.
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L'HÔTELLERIE n° 2678 Hebdo 10 Août 2000