Christophe Tassan, sommelier
Depuis le 6 juillet, il joue son propre rôle face à un public d'amateurs de vin. Avec des mots simples, son accent savoureux et un savoir qui transforme l'approche des Côtes du Rhône. "Du vin sur les planches", un spectacle en forme de visite guidée.
Le décor rappelle
la pénombre d'une cave. Quelques bougies posées sur des barriques éclairent de lueurs
vacillantes un auditoire attentif. Les verres sont encore vides, mais personne ne peste
contre la lenteur du service. 60 spectateurs avalent goulûment les paroles de Christophe
Tassan. Sommelier du restaurant Les Domaines qu'il dirige avec François et Frédéric,
ses frères, il a pris un peu de liberté avec le service du soir pour répondre présent,
jusqu'au 30 juillet, au rendez-vous que lui donne le public du festival "off"
d'Avignon.
L'hôtel particulier du Marquis de Rochegude, siège d'Inter Rhône, s'est transformé en
salle de spectacle. Pas tout à fait une nouveauté. "Depuis quelques étés, nos
nologues proposaient une animation autour du vin. Mais à force d'écouter
Christophe Tassan dans les dégustations comme dans son restaurant, j'ai pensé qu'il
était vraiment l'homme de la situation. Car le vin c'est le rêve et lui a le talent pour
lui donner forme", explique Philippe Verdier, directeur de la communication
d'Inter Rhône.
"L'idée a été lancée à l'automne et depuis j'ai travaillé non pas comme un
acteur, car je n'en suis pas un, mais comme un sommelier. En fait la préparation de cette
dégustation théâtralisée, c'est 18 ans de métier et la recherche de textes qui me
servent à imager un peu plus le propos." Christophe Tassan ne marche donc pas
sur les plates-bandes des autres spectacles présentés durant trois semaines en Avignon.
Il sait ce qu'il est, un interprète en vin comme il se présente, et ce qu'il veut, c'est
"ouvrir d'autres horizons à ces spectateurs pour qu'ils pensent tous à faire un
beau voyage dans leur prochain verre de vin".
Une autre approche du vin
Christophe Tassan privilégie l'approche olfactive aux dépens de l'approche visuelle,
trop facile et restrictive à la fois. Il livre aussi un peu de lui-même, jouant avec les
souvenirs d'enfance entre vignes et garrigues, se remémorant la première gorgée de vin
comme d'autres celle de bière. Tout doucement, il conduit vers l'initiale dégustation,
celle qui libère les papilles et accentue un peu plus encore la complicité. Et là, sans
jamais tomber dans la caricature, il compose avec le vocabulaire imagé du sommelier avant
d'évoquer le vigneron, son terroir, sa personnalité.
"Chaque soir, les spectateurs que j'assimile plutôt à des clients qui
viendraient dans mon établissement pour partager une bouteille, dégusteront 9 vins
différents. L'ordre a été établi en fonction des vignerons qui ont joué le jeu. Ils
fournissent les bouteilles et moi j'établis une liste équilibrée et différente chaque
soir." Mais cette préparation s'accompagne aussi d'une part d'improvisation. Le
jour de la générale, Christophe Tassan a décidé de modifier l'ordre de service car les
vins avaient encore évolué depuis sa précédente dégustation.
Trac et culpabilisation
"Mais tout cela m'amuse", ajoute le sommelier qui figurait dans la liste
des douze derniers candidats au titre de Meilleur ouvrier de France dans cette
spécialité au printemps dernier. "Il y a aussi un plaisir particulier à être
officiellement dans le festival "off". Je m'évade un peu des contraintes du
restaurant, mais je culpabilise aussi d'abandonner mes frères dans une période qui est
particulièrement chargée pour nous. Mais après deux heures en public, ce n'est pas
possible d'aller enchaîner avec un service. Ça lessive un spectacle comme celui-là
!"
Il y prend cependant un plaisir évident. Et sait aussi résister à la tentation de
picorer parmi les amuse-bouches qui sont servis avec chaque vin. Comme si le trac lui
ouvrait l'appétit. "L'appréhension est normale, mais d'un autre côté je me
sens en confiance. Les gens qui viennent ici veulent acquérir une certaine connaissance
du vin. A moi de ne pas les décevoir."
Et pour cela, il n'oublie pas de livrer d'ultimes conseils pratiques. Quand, à quelle
température et avec quels plats servir ces vins qui offrent malheureusement un panorama
incomplet sur les Côtes du Rhône. Faute d'avoir intégré la structure d'Inter Rhône,
le gigondas et le châteauneuf-du-pape sont en effet mis hors-jeu...
Mais là, malgré tout son talent, Christophe Tassan n'y peut rien !
J. Bernard
Jusqu'au 30 juillet, à partir de 19 h 30, rue des Trois Faucons. Entrée 150 F, spectacle, dégustation et amuse-bouches compris.
Christophe Tassan, qui dirige Les Domaines avec ses frères François et
Frédéric, est sommelier depuis 18 ans.
Il a répondu présent au festival "off" d'Avignon.
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L'HÔTELLERIE n° 2674 Hebdo 13 Juillet 2000