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A la loupe
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Tout pour son métier, sa femme, ses amis et sa région

Meurin l'inflexible de Béthune

Sans avoir appris son métier dans les grandes maisons, sans avoir quitté son pays de Béthune, Marc Meurin s'est hissé en toute simplicité au meilleur niveau des cuisiniers et devient hôtelier. Il déteste les feux de la rampe et ne lâchera rien de ce qui compte vraiment pour lui. L'amitié, sa terre et son métier. L'amour têtu de la vérité.

Difficile d'imaginer une trajectoire plus rectiligne. Difficile d'imaginer un homme plus modeste, un parcours aussi simple et atypique à force d'évoluer en dehors des sentiers battus menant au succès. Marc Meurin est de Violaines, en bordure du pays minier, à une petite vingtaine de kilomètres de Béthune. Il ne pourrait pas vivre ailleurs que chez lui dans le Pas-de-Calais. Un passage chez des amis restaurateurs de ses parents a suffi à le décider à embrasser le métier. Ancien du lycée hôtelier Michel Servet à Lille, après quelques stages dont un passage marquant au Grand Hôtel de Valenciennes, Marc Meurin se marie avant sa vingtième année. Sans argent, le couple s'installe très vite, comme il peut, dans un bistrot de campagne près de Laventie, dans le bas pays de Béthune, avec l'idée de "faire de la brasserie", au sens où on l'entend dans la région : avant tout vendre de la bière, et quelques snacks et plats simples. Mais il y a quelques belles entreprises autour, et le bas pays est un coin de bons produits, une région maraîchère, de petit élevage et de polyculture entre les deux grandes régions urbaines de Lille et du bassin minier. Du sandwich, on passe à la bonne omelette, à la soupe à l'oignon et au bœuf bourguignon. Quand ces plats sont bien faits, ils vous font vite une clientèle, surtout dans une région où la population est aussi dense. "Dès le début, nous voulions tirer le meilleur du produit, explique Marc Meurin, même en faisant très simple, on peut s'améliorer." Mais en 1984, après dix ans d'efforts, au moment où les clients sont là et les guides à la porte, un incendie détruit le restaurant. Locataires, les Meurin doivent chercher un autre toit. Il travaille dans un collège quand se présente une opportunité. Ce sera cette grosse maison bourgeoise de la place de la République, une bâtisse qu'ils n'ont pas encore fini aujourd'hui d'aménager. Ils entrent dans les lieux en 1987, décrochent leur première étoile en 1992 et la seconde en 1998. "Ça m'a sûrement motivé. Mais la recherche remonte à plus loin que cela. Le choix de la grande cuisine se pose au contact de la clientèle. Un jour, on vous demande de sortir un peu de l'ordinaire. On fait ce qu'on peut, et surprise, les gens disent que c'est extraordinaire. C'est l'engrenage... Et puis c'est dans le sang, poursuit-il après un temps. Je prends un produit, et je cherche. Cette recherche conduit à la reconnaissance." Les influences des autres cuisiniers ? "C'est un grand plaisir un jour de congé d'aller chez de bons restaurateurs. Mais je suis difficilement influençable. Et puis, il n'y a pas une maison comme une autre."

L'avenir est ici

Marc Meurin fronce un peu les sourcils quand on lui demande s'il est difficile de faire de la grande cuisine dans sa région. Outre le vin, aucun bon produit ne manque. "C'est une culture rude, mais il y a ici des gens qui savent vivre, manger, s'habiller. Je suis heureux d'exercer mon métier dans ma région. Pour rien au monde je n'irais ailleurs. Les gens sont sincères et fidèles. Et puis, l'avenir est ici : une démographie jeune, tandis que les Anglais, les Belges et les Allemands sont à nos portes, et les industriels, quant à eux, s'installent et investissent... J'espère que nous compterons davantage de bons restaurants étoilés pour pouvoir accueillir la clientèle. A l'image d'une rue commerçante, elle doit être bien remplie."

Ses secrets "sont les secrets de tous les chefs", affirme-t-il. Les fournisseurs d'abord. "Un excellent rouget, c'est rare. Qu'on appelle à Boulogne ou en Bretagne, il faut le meilleur du meilleur." Ensuite le goût, le plaisir, l'esprit de découverte. Et surtout, l'équipe. Une petite dizaine en cuisine, huit en salle, apprentis compris dont beaucoup l'accompagnent depuis longtemps. La rotation du personnel est plus faible ici qu'ailleurs, d'autant que le recrutement est particulièrement difficile. Il se distingue peut-être davantage quand il parle de ses clients. Marc Meurin semble avoir noué avec eux une véritable relation affective. "Une partie de ma clientèle me suit depuis Laventie. J'y tiens. Je modère mes prix. J'ai augmenté de 20 F le ticket moyen depuis la seconde étoile, malgré les investissements. Les ponts ne sont pas rompus avec nos clients d'ici, même si des clients récents viennent à présent de loin. J'avais très peur de ce risque de séparation quand la notoriété est arrivée." Ce qui lui donne le plus de satisfaction ? La joie de ses clients d'abord, ses amis de la région ensuite. Il ne cite pas sa famille, sans doute parce que ce serait trop parler de lui-même. Ce qui lui donne du tracas ? La crise des années 1992-1993 a été dure, mais précisément, les amis étaient là quand il le fallait. Non, le plus difficile est "d'être mis en avant. On me demande de parler de ma cuisine. J'aime voir les gens heureux à ma table. Mais je préfère l'ombre. Ce qui compte, c'est l'amitié, et la cuisine".
A. Simoneau


Marc Meurin dans son nouveau jardin d'hiver. Le métier, la région, la fidélité, l'amitié.

Des chambres en plus

Le chiffre d'affaires de Marc Meurin, qui représentait quelque 8 MF en 1999, progresse chaque mois. Il emploie dix-huit personnes, encadrées par son épouse et le sommelier Christian Caron en salle, Frank Hochedez, Philippe Geniteau et Jean-François Buche en cuisine. L'équipe doit encore se renforcer. Les investissements suivent. La cuisine, vaste et superbe, a un an. Marc Meurin inaugure l'année avec un nouveau jardin d'hiver. Les sept chambres se vendent très bien, et permettent d'accueillir une nouvelle clientèle qui "fait le détour". D'autant qu'il reste suffisamment d'espace pour envisager d'autres aménagements.


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L'HÔTELLERIE n° 2669 Hebdo 8 Juin 2000


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